C’est l’histoire d’une gargote qui avait fait la fortune de ses tenanciers en vendant à bon marché une cuisine de mauvaise qualité qui rendait la population malade. A force de perdre des clients et bien qu’on y eût concocté des plats de plus en plus infects, la solution avait été trouvée. Routes barrées, diffamation systématique des concurrents, et monopole des produits autorisés avaient sauvé la maison PS spécialiste de la cuisine électorale. Après avoir perdu villes et cantons, leur dernière trouvaille en tambouille politicienne avait ciblé les régions. La recette comprenait d’abord un découpage favorable sous prétexte de privilégier les gros morceaux prétendus plus économiques. Bien sûr, les gourmets s’inquiétaient de la choucroute à la compote de mirabelles arrosée de champagne éventé, mais comme personne n’avait été appelé à donner son avis, le menu avait été affiché sans état d’âme. Pour faire revenir l’électeur, on allait l’arroser de proportionnelle, avant de l’avaler. Le produit est surfait et nocif, mais sa réputation démocratique le sauve. Chacun se sent représenté : quel bonheur de manger à son goût !
Toutefois, un mauvais cuistot a beau faire ça depuis longtemps, il reste mauvais. La sauce proportionnelle devait attirer le client et garantir les bénéfices, même en cas de perte de clientèle. L’idée ajustée était excellente : de la proportionnelle pour satisfaire tout le monde, des clients occasionnels aux associés exigeants, mais avec un alcool à 25% pour relever les parties les mieux cuites. Les associés devaient être contents, l’actionnaire majoritaire PS se réservant la meilleure part, les bons morceaux, le « rab », comme d’habitude. Dans le pire des cas, si un concurrent adoptait la recette, ce qu’a fait la maison d’en face, les « républicains », on sauvait les meubles et la vaisselle. Le marmiton catalan parle haut et fort mais c’est un maladroit. Quant au Chef, il adore les voyages et préfère les alcôves aux fourneaux. Patatras ! Erreur dans les dosages, fuites sur la provenance douteuse des produits importés sans contrôles, cuisine au beurre rance réexpédié de Syrie par la Turquie, intoxication de lois et de règlements, problèmes gastriques empêchant d’aller travailler, indigestion de mauvaises nouvelles, et note fiscale trop salée, sans compter les agressions des clients à la sortie, dont la maison se déclare nullement responsable. : la clientèle déserte. En désespoir de cause, les patrons s’en prennent aux chefs de rang dont les tables sont vides et les licencient, puis aux petites mains qui prétendraient saisir les prud’hommes ou ouvrir un restaurant coopératif.
La solution, une fois encore, n’a pas eu le temps d’être mijotée. Elle sort du micro-ondes. On propose une association à la maison d’en-face, celle qui affiche des menus séducteurs mais sert toujours autre chose. En attendant, on lui envoie des clients, histoire de se consacrer aux habitués, aux fidèles dont le goût est tellement dénaturé qu’ils ne sentent plus rien. L’essentiel est de barrer la route à la troisième maison qui n’arrête pas de monter et qu’on voudrait fermer par arrêté préfectoral, si on pouvait. Surtout, on change de recette. Puisque la proportionnelle avec prime est calamiteuse, on la réduit à un duo, bref à ce que produirait la sauce uninominale à deux tours, comme pour les présidentielles. On passe de la carte au menu imposé. Ils n’ont pas encore compris que les Français n’en pouvaient plus de devoir toujours manger le même brouet et de payer des additions de plus en plus lourdes à des gargotiers qu’ils n’avaient que trop vus. Dans cuisine politicienne, le mot principal n’est pas « politicienne », mais cuisine.
Dimanche prochain, il faudra faire le choix de la bonne cuisine, et en politique, la meilleure est fondée sur les plats les plus simples, ceux où tout se voit et pour lesquels tout est dit sur le menu, sans s’interdire le plaisir de la nouveauté et de la découverte.
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