Les médias européens n’ont d’yeux que pour les manifestants pro-UE qui sont mobilisés à Kiev. Mais ils oublient le reste du pays qui ne veut pas de l’Europe.
Le Zemmour du mardi. “Voici venu le temps de l’euro-révolution. Près de dix ans après la révolution orange, les Ukrainiens remettent ça. Curieux, quand même, ce talent qu’ils ont pour donner des surnoms médiatiquement séduisants à leurs mouvements de contestation, comme si, dès que des Ukrainiens descendaient dans la rue, des créatifs d’une agence de publicité se mettaient aussitôt à leur service. C’est peut-être le cas, après tout… On sait aujourd’hui que la fameuse révolution orange avait été soigneusement préparées en amont auprès d’ONG américaines richement dotées par des magnats de Wall Street, qui avaient de longue date formé et financé ces révolutionnaires stagiaires venus de l’Ouest. On a compris aussi, depuis, que l’objectif concret de l’Union européenne était que ses frontières se confondent le plus possible avec celles de l’OTAN. Pas étonnant que les Russes ne regardent pas avec tendresse l’arrivée sous leur porte d’une Europe qui n’est, en réalité, que le faux-nez de l’armée américaine. Poutine n’a donc pas lésiné ses efforts pour détourner le président ukrainien de l’association avec l’Europe : pressions, menace d’instaurer un régime de visas entre les deux pays et, surtout, d’augmenter le prix du gaz russe. La fragile économie ukrainienne n’y aurait pas résisté. Certains à Kiev prétendent que des unités anti-émeutes russes seraient sur le point d’intervenir. Au grand soulagement sans doute des habitants de l’Est du pays. Car il y a deux Ukraines : l’une à l’Ouest, près de la frontière avec la Pologne, autour de la capitale historique, Kiev, qui rêve d’Europe pour sortir de la pauvreté et de la corruption endémique, de son système économique et politique. Une Ukraine de l’Ouest qui aimerait s’arrimer à l’Europe et à l’OTAN, pour s’émanciper d’une emprise russe séculaire. Mais il y a aussi une Ukraine de l’Est, où vit une minorité russophone importante, et ceux-là se sentent proches de leurs alliés et anciens maîtres russes. Ils n’ont aucune envie de s’acoquiner avec une Europe occidentale qu’ils voient comme une terre décadente minée par le multiculturalisme, l’irréligion insolente et l’homosexualité militante. Ces deux Ukraines se font face depuis la chute de l’Union soviétique, elles se sont succédées au pouvoir. On se demande parfois combien de temps elles pourront rester ensemble au sein de la même nation. Mais nos médias occidentaux ne regardent cette réalité duale que d’un oeil, avec une emphase manichéenne, tout heureux de voir que des gens peuvent encore agiter joyeusement des drapeaux européens qui, partout ailleurs sur le continent, signifient austérité, baisse des salaires, chômage de masse, pauvreté et, au mieux, exil forcé vers l’Allemagne de l’Est pour y travailler durement, détaché dans de vastes exploitations agroalimentaires. En revanche, ces mêmes médias français ne s’intéressent guère en ce moment à ce qui se passe en Bulgarie, un des derniers pays entrés dans l’Union européenne où plusieurs hommes se sont immolés par le feu afin de protester contre l’aggravation de la misère. Curieux, non ?”
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