La rentrée sociale sera-t-elle aussi la rentrée de la société civile ? Les universités d’été, marches, séminaires de rentrée et autres, ont eu le mérite de prolonger l’engagement militant des dix derniers mois par une réflexion qui a soutenu et poursuivi le combat commencé dans la rue contre le projet Taubira. La Manif pour tous organise son propre rassemblement de rentrée les 14 et 15 septembre. C’est un événement important pour toutes les composantes de la société civile engagées dans l’actuelle bataille idéologique. Il comporte au moins trois enjeux.
“Le projet du gouvernement est un projet idéologique, qui porte en germe un bouleversement complet de l’ordre social, pour créer un homme nouveau.”
Le premier enjeu est celui de la bataille des idées. La première année de la présidence de François Hollande a révélé la vraie nature de son projet politique, qui est idéologique. Depuis la fondation de la SFIO en 1905 en tant que membre de l’Internationale fondée par Marx et Engels quelques années plus tôt, les socialistes n’ont jamais renoncé à transformer la société. La nouveauté du projet de François Hollande consiste en ce qu’il vise un changement de société dans un sens ultra-libéral, mais conduit selon la logique radicale et autoritaire propre aux socialistes, qui n’ont jamais guéri de leur marxisme originel. Le projet du gouvernement est donc un projet idéologique, qui porte en germe un bouleversement complet de l’ordre social, pour créer un homme nouveau. Rien de neuf dans cette utopie prométhéenne, sauf la nature obscure du changement en cours. Celui-ci s’inscrit dans le sens profond de l’idéologie libérale-libertaire, qui ne se confond pas avec la liberté d’entreprise et le refus d’un étatisme stérilisant, mais s’enracine dans une conception philosophique selon laquelle tous les désirs individuels doivent pouvoir trouver une réponse selon la loi de l’offre et de la demande. La revendication au mariage et à l’adoption homosexuelle est l’ultime avatar de cette philosophie. Elle rejoint là le projet socialiste de transformer le réel, au nom d’une volonté d’émancipation qui refuse même les limites fixées par la nature des choses.
“Puisse l’université d’été de la Manif pour tous jeter des ponts avec les forces morales et militantes déjà engagées dans la bataille des idées.”
Cette double caractéristique du projet de François Hollande : considérer que tout désir individuel doit être solvable au sens du libéralisme, et que tout héritage doit être déconstruit au nom du socialisme, représente pour notre pays et notre société la somme de tous les dangers. Tout l’enjeu de la bataille des idées qui s’ouvre est de dévoiler, de dénoncer et de détruire ce projet. C’est la tâche urgente à laquelle doivent se consacrer toutes les forces de la société civile engagées contre la loi Taubira. La Manif pour tous a révélée de janvier à mai 2013 son excellence dans la bataille de la communication, des symboles et de la mobilisation. Puisse son université d’été jeter des ponts avec les forces morales et militantes déjà engagées dans la bataille des idées. Le gender est une idéologie redoutable, peut-être la plus dangereuse que la France ait eu à affronter, parce qu’elle porte en germe la fin de l’humanité. Elle nécessite pour la combattre une armature intellectuelle solide. La bataille des idées est la première priorité.
“L’idéologie du genre a pour caractéristique de s’être infiltrée au cœur même de la République, comme en 1933 une autre idéologie s’était emparée de l’appareil d’État en Allemagne, avec les conséquences que l’on connait.”
Le deuxième enjeu de l’université d’été de la Manif pour tous est d’organiser ses forces pour la nouvelle bataille politique que doit livrer la société civile, après la défaite tactique que représentent le vote et la promulgation de la loi Taubira. L’idéologie du genre a pour caractéristique de s’être infiltrée au cœur même de la République, comme en 1933 une autre idéologie s’était emparée de l’appareil d’État en Allemagne, avec les conséquences que l’on connait. On constate tous les jours son extension : hier contre l’institution du mariage et le droit des enfants à avoir un père et une mère, aujourd’hui dans l’enseignement obligatoire du gender à l’école, demain dans la PMA et la GPA. Rien n’échappe à son projet totalitaire : de la réduction de l’embryon humain à la dimension de simple matière première biologique à l’euthanasie légalisée des vieillards et des malades, il n’y a qu’une différence de degré, pas de nature. Ces deux pratiques relèvent d’une même vision de l’homme comme simple variable marchande au profit d’un utilitarisme social hégémonique. La nouveauté du combat politique à mener tient à l’étendue du front idéologique tenu par l’adversaire. Celui-ci transcende tous les partis, déborde toutes les positions politiques traditionnelles : le gender a des partisans dans les formations politiques de droite comme de gauche. L’opposition actuelle n’est en rien un rempart contre cette idéologie, elle n’en est qu’un auxiliaire.
“Les conceptions de type « bolchevique » d’une avant-garde éclairée qui décide en solitaire et impose ses mots d’ordre n’auront plus jamais l’efficacité d’un réseau foisonnant, obéissant à une logique floue mais animé par une dynamique centrifuge.”
Il est aujourd’hui indispensable de dépasser le vieux clivage « droite-gauche » devenu totalement inopérant pour lui substituer un nouveau marqueur politique, qui distingue le parti de la dignité de l’homme du camp de la dissolution de l’humanité. Cette distinction essentielle s’est manifestée en juin dernier avec la création du Forum civique de l’espérance, une initiative ouverte à de nombreuses convergences, que des forces vives du combat anti-idéologique ont rejointe comme le Printemps français, le Camping pour tous, Prisonniers politiques ou le Cercle des avocats contre la répression policière. Il reste un outil à parfaire, sans exclusive avec d’autres initiatives touchant à l’écologie humaine par exemple, mais de manière complémentaire. Dans la bataille politique qui s’ouvre, il existe une pluralité d’options mais il doit y avoir une unité de vision. Pour que celle-ci s’établisse, un espace de dialogue comme le Forum civique est indispensable. La grande nouveauté de la situation présente est qu’il faut à la fois inventer un avenir politique pour notre pays et en même temps découvrir la voie pour y parvenir. Les conceptions de type « bolchevique » d’une avant-garde éclairée qui décide en solitaire et impose ses mots d’ordre n’auront plus jamais l’efficacité d’un réseau foisonnant, obéissant à une logique floue mais animé par une dynamique centrifuge. Il faut redonner toute sa vitalité à la société civile, pour qu’elle prenne partout son autonomie par rapport aux institutions sous le contrôle du pouvoir idéologique : il faut des écoles indépendantes, des associations de parents d’élèves pour la liberté d’opinion, des groupements de soignants et de patients, des mouvements de consommateurs ou de contribuables, des associations de justiciables, des médias libres, etc. Les tentations hégémoniques doivent s’effacer derrière la recherche du bien commun. La bataille politique passe par une indispensable libération de la société civile.
“Partout, la résistance doit se manifester.”
Le troisième enjeu, enfin, est d’impulser la résistance à l’idéologie dominante. L’utilisation du terme de résistance a été récusé violemment par François Hollande en juin dernier, se faisant ainsi le premier flic de France de la police de la pensée au service du gender. C’est ici que se trouve le défaut de sa cuirasse. Il n’existe aucune victoire idéologique possible face à une résistance idéologique déterminée. Le mouvement impulsé par la Manif pour tous contre la loi Taubira fut le premier acte de cette résistance. Elle s’est poursuivie cet été par l’opposition héroïque de maires à l’injonction d’agir contre leur conscience et contre la loi naturelle, et qui on refusé de célébrer des « mariages » homosexuels. Il a fallu toute la force totalitaire du régime pour faire appliquer sa loi idéologique. Elle se prolonge en cette rentrée scolaire par la mise en place dans les écoles de « groupes de vigilance » anti-idéologiques au sein des associations de parents d’élèves. Partout, la résistance doit se manifester. Elle dispose pour cela d’une arme puissante : l’exercice de sa défiance politique par l’insoumission aux lois injustes, qui ne peuvent obliger en conscience, comme le rappelait le Pape Jean-Paul II à propos des lois de mort. Adresser un défi politique au pouvoir consiste à user du « pouvoir de préjudice » du citoyen à l’égard des symboles et des institutions idéologiques. Cela pourra se traduire lors des prochaines échéances électorales par l’établissement de « listes noires » au niveau local, ou par la promotion d’un vote alternatif au niveau européen si les circonstances le permettent. En dehors du champ de la compétition électorale, tous les autres espaces du champ de bataille idéologique doivent également être investis, sur le mode de l’infiltration et de la guérilla. Il s’agit de susciter partout des pratiques de libération qui préfigurent la liberté à laquelle nous aspirons : le refus d’être complice de l’idéologie au nom d’une instance supérieure à toutes les autres qui se nomme la conscience. Le troisième enjeu de l’université d’été de la Manif pour tous est de lancer cette insurrection des consciences. Il est des circonstances où la désobéissance est un devoir. Notre résistance est à ce prix. Notre victoire aussi.
“Entre le pouvoir idéologique et l’entrée en résistance des citoyens, il n’existe pas d’échappatoire. La Manif pour tous doit choisir.”
La Manif pour tous a une responsabilité historique. Elle ne peut se tromper de combat, ni sur la bataille des idées face à l’idéologie du genre, ni sur la bataille politique de libération de la société civile, ni sur la résistance des consciences contre les injonctions à obéir aux lois iniques. Entre le pouvoir idéologique et l’entrée en résistance des citoyens, il n’existe pas d’échappatoire. La Manif pour tous doit choisir.
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