L’édredon grand oriental de Saint-Quentin a de la peine à exister. Il est vrai que son passage à la tête de l’UMP n’a laissé qu’un terne souvenir, marqué toutefois par un gigantesque éclat de rire devant la prestation grotesque des ministres chantant en playback dans le cadre d’un lip dub mis en scène par le calamiteux Lancar. Cet ancien ministre, spécialiste du faux-semblant, avait presque réussi à faire croire qu’il réformait les régimes spéciaux de retraite que la gauche vient également de maintenir. Lorsqu’il avait révélé son appartenance à l’obédience athée et la plus à gauche de la maçonnerie, il avait essuyé la remarque acide de Fillon : maçon, peut-être, mais franc.. Le Premier ministre nia cette formule, dont on le savait très capable, pour éviter de recevoir un mérité prix d’humour politique. Certes, l’UMP ne vole pas haut, et si certains se prennent pour des aigles, c’est à force de côtoyer les spécialistes du rase-motte. L’ancien ministre de la Santé a, quant à lui, le plus grand mal à redécoller. Aussi, a-t-il cru bon d’émettre quelques propositions de réformes constitutionnelles dont on voit bien qu’elles ne sont guère d’actualité, ne serait-ce que par le rapport des forces en présence. Ces idées qu’il semble avoir découvertes par une illumination aussi tardive que soudaine appellent quelques commentaires.
Il veut ramener le mandat présidentiel à sept ans, mais non renouvelable. Cela permettrait, selon le député de l’Aisne, au Président de faire les réformes nécessaires sans en être empêché par la principale préoccupation des élus : se faire réélire. C’est le genre de lapin sorti du chapeau qui ravale la politique au niveau des gadgets. D’abord, que ferait le Président en cas de cohabitation durant les deux dernières années ? Il relancerait les chasses de Rambouillet ou ferait revivre Brégançon ? Le Président, tel que l’a conçu la Ve République, incarne la continuité du pays. Il est en charge de son intérêt supérieur et n’a pas vocation à devenir un élément décoratif. Comme 14 ans, c’est long, deux fois cinq ans ont paru préférables à des esprits sérieux comme Alain Peyrefitte, mais cela a abouti à ce curieux système d’un régime en apparence parlementaire, puisque c’est le gouvernement, appuyé sur une majorité parlementaire qui décide de la politique, mais en fait, présidentiel puisque la majorité semble tenir son existence du Président élu. La logique du quinquennat était de basculer dans un régime présidentiel, avec un Premier ministre, vice-président élu lui aussi, et appelé à remplacer le Président. En cas de décès prématuré de celui-ci, tout peut être, en effet, remis en cause dans un délai inférieur à cinq ans. Mais un vrai régime présidentiel est un système où le pouvoir législatif jouit d’une autonomie par rapport à l’exécutif afin de faire des députés autre chose que des godillots ou des opposants mécaniques. La réforme constitutionnelle de 2008 n’a rien changé à cela en profondeur. Le pouvoir, c’est le Président. Le gouvernement est un exécutant et le Parlement un décor trompeur. Que le Président ait envie d’être réélu peut être un frein comme un moteur. Cela dépend de la qualité des hommes et le fait de dire qu’un homme politique de premier plan ne souhaite que sa réélection et donc ne fera rien, dans ce but, ne révèle qu’une chose : la conception que se fait M. Bertrand des hommes politiques et de la politique.
“Décider que les Français sont majeurs et responsables, qu’ils ont dans leur vie une expérience et une information plus objectives que celles des politiciens qui vivent dans le cocon de leur carrière, et se soucient de leur réélection, ne peut pas venir des partis qui gèrent le système, mais forcément de ceux qu’avec dédain les ‘Bertrand et consorts’ appellent les ‘populistes’. »
Deuxième brillante idée : le référendum d’initiative populaire. Là, je dis bravo, d’autant que je suis l’auteur d’une proposition de loi en ce sens et que j’ai été le rédacteur d’un amendement repris dans le texte de la réforme de 2008. Mais, outre que je n’ai guère entendu l’ancien ministre à ces occasions, sa connaissance empirique de la psychologie des milieux politiques manque singulièrement de lucidité à ce sujet. La réforme de 2008 a été sabotée par l’oligarchie politique et administrative qui nous dirige et à laquelle il appartient. La loi organique rend le référendum impossible en raison du trop grand nombre de signatures à réunir dans un délai trop court pour n’aboutir peut-être qu’à une « lecture » par le Parlement. Quant à l’instauration des votations à la Suisse que je soutiens ardemment, elle suppose une vraie révolution. Celle-ci serait d’abord intellectuelle : elle reposerait sur l’idée que beaucoup d’hommes et de femmes qui composent la nation française ont un degré d’instruction, d’information et de bon sens suffisants pour répondre à une question simple, à condition de laisser le temps au débat, de fournir tous les arguments pour ou contre d’une manière équilibrée, et de n’établir aucun rapport entre la réponse et le maintien ou non de l’exécutif. Les Suisses ont ainsi participé à 554 votations fédérales depuis 1848, sans compter les votes aux niveaux communal et cantonal. Les Italiens, les Allemands et les Américains pratiquent également la démocratie directe, au moins au niveau local, ce qui peut avoir l’ampleur d’un vote national dans un État comme la Californie avec ses 38 millions d’habitants, sa constitution et ses deux chambres.
Il y a une grande duperie chez un professionnel de la politique à évoquer le référendum populaire pour débloquer les choses, puisque le déblocage le plus dur consisterait précisément à l’instaurer. Décider que les Français sont majeurs et responsables, qu’ils ont dans leur vie une expérience et une information plus objectives que celles des politiciens qui vivent dans le cocon de leur carrière, et se soucient de leur réélection, ne peut pas venir des partis qui gèrent le système, mais forcément de ceux qu’avec dédain les « Bertrand et consorts » appellent les « populistes ». Et c’est là le second aspect nécessaire de cette révolution.
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