Alors qu’avec Macron, la politique de l’ancien monde avait laissé place à la politique du nouveau monde qui s’était révélée furieusement semblable à la précédente mais en pire, la même mésaventure se déroule sous nos yeux pas franchement surpris pour ce « monde d’après la crise sanitaire » dans lequel les choses devaient prendre une tournure plus soyeuse, cotonneuse, sociale, inclusive, écologique et vivrensemblesque, mais qui tourne tranquillement au cauchemar collectiviste moyennant la récupération artificielle d’attitudes et de slogans américains.
Heureusement, les autorités ont vite pris la mesure de ce qui se met doucement en place et le ministre de l’Intérieur a choisi d’immédiatement s’applatir aussi bas que possible, et de préférence en débitant un chapelet d’âneries qui montre, s’il en était encore besoin, qu’absolument personne n’est en poste actuellement place Beauvau et qu’il en est fier. Lors d’un point presse, Christophe Castaner a en effet calmement expliqué que, je cite :
« Aucun raciste ne peut porter dignement l’uniforme de policier ou de gendarme. J’ai demandé à ce qu’une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d’acte ou de propos raciste »
Si l’on peut se réjouir que le factotum en charge du maroquin de l’Intérieur rappelle l’évidence qu’un représentant de l’État ne peut faire preuve de racisme dans l’exercice de son devoir, on reste interdit devant le reste de la déclaration qui ressemble plus à du porridge froid qu’à l’expression d’une politique claire en matière de violences policières, réelle ou fantasmée.
Outre l’apparition de l’objet juridique non identifié de soupçon avéré qui permet d’ouvrir de vastes champs législatifs au dur labour des parlementaires les plus besogneux (qu’on sent déjà frétiller d’aise en coulisse), Castaner semble parfaitement décontracté de renverser ainsi la présomption d’innocence : une rumeur ou un soupçon suffiront donc à suspendre n’importe quel fonctionnaire des forces de l’ordre sur une nouvelle « présomption de racisme ».
Voilà qui est à la fois parfaitement rassurant puisqu’aucun abus ne sera jamais constaté, soyez en sûr, et tout à fait légitime puisque, vous le savez, la police est par définition raciste et violente, tout comme le politicien est par définition honnête, le Chinois fourbe ou le Français sale et arrogant.
Au moins le gouvernement, par ces annonces, démontre-t-il être parfaitement à l’écoute d’une certaine frange de la population qui illustre que passer du jaune au noir permet d’obtenir gain de cause beaucoup plus vite et beaucoup plus efficacement. Le tout est, finalement, d’être du bon côté des médias pour qu’enfin, une douillette ochlocratie règne dans le pays.
Et qu’il est confortable, ce pilotage au jour le jour en fonction des prurits de la foule ! Tellement, même, qu’il permet de redéfinir les responsabilités des uns et des autres, de s’affranchir des règles dès qu’on en sent le besoin au plus profond de soi : ainsi, même si les manifestations ne sont toujours pas autorisées (le déconfinement devant aller de son petit train-train ministériel pépère), celles qui choisiront habilement leur sujet seront tolérées sans poursuite. Pour le ministre de l’Intérieur,
« l’émotion mondiale (…) dépasse au fond les règles juridiques qui s’appliquent »
Il fallait y penser, et d’ailleurs, je vous encourage à y penser vous aussi la prochaine fois que vous voulez brûler, casser ou piller quelque chose : apparemment, sous le coup d’une émotion, les règles juridiques ne s’appliqueront plus, c’est évident.
Tout ceci est aussi grandiose qu’alarmant : l’affaire Traoré prend le même chemin que celui de l’affaire Léonarda sous Hollande qui avait montré un gouvernement sans direction, réagissant en retard, dans l’urgence et sans la moindre mesure à une actualité qui méritait au moins du recul, en plus du calme et de la pondération.
Pire encore : avec l’attitude générale du gouvernement, déjà prêt à s’humilier pour montrer sa parfaite conformité avec l’air ambiant d’autoflagellation idiote, qui tord le droit tous les sens (soupçon au lieu de preuve, soupçon avéré qui ne veut rien dire, culpabilité par défaut, règne de la rumeur, présomption de racisme), les autorités françaises montrent qu’elles ne cherchent plus à savoir qui commet des délits ou des crimes ici et maintenant (et à vrai dire, tout le monde s’en fout, voyons !) mais qu’elles préfèrent de loin excuser, comprendre et surtout ne pas poursuivre ceux qui les fonts pour des motifs situés des siècles en arrière (quand ils ne sont pas complètement fumeux).
Politiquement, si cela peut paraître un petit calcul malin pour calmer quelques électeurs potentiels ou papouiller une aile gauche que l’actuel gouvernement veut ralier baveusement, c’est en réalité une bien mauvaise manœuvre : ces mouvances aigries ne seront jamais rassasiées et réclameront toujours plus d’humiliations, d’abaissements, d’aplatissements et dans ce cadre, ceux qui se vautreront au sol seront les premiers sur lesquels rouleront les tanks des hordes antifascistes.
Ainsi, l’idée que la loi serait « la même pour tous » devient subitement un propos suprémaciste blanc. Les fautes individuelles sont complètement oubliées pour ne plus évoquer que des fautes collectives au profit de victimes elles aussi collectives. Il n’y a plus d’individus, de citoyens ou de justiciables, il n’y a plus que des groupes, des communautés et, pompon de l’affaire, des races.
Ceci est un excellent marqueur de la tendance générale, celle qui gomme justement les individus au profit de la foule, dont l’intelligence et la subtilité n’ont jamais été les points saillants. C’est très pratique, une foule stupide, parce qu’elle offre un levier à quelques habiles rhéteurs toxiques pour réclamer de façon persistante et systématique des réparations diverses et variées d’un peuple devenu aussi mou et gentil qu’il est encore solvable.
Seulement voilà : compte-tenu des conditions économiques du pays, tout indique que cette solvabilité très relative ne va pas durer. Et quand elle va disparaître, le peuple risque d’être d’un coup nettement moins mou et gentil qu’il ne l’a été jusqu’à présent.
Forcément, tout ceci va très bien se terminer.
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