« Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés ». Tel est le paysage politique actuel de la France. Les foyers d’infection sont décelables. Ils se situent là où le virus médiatique sature l’espace. Les librairies de gare offrent notamment le spectacle de leurs rayons remplis d’hebdomadaires avec en première page un visage au regard bleu pénétrant. « Big Brother te regarde ». Quand on passe des médias « d’information » aux « peoples », c’est le couple moderne qui prend le relais. Et pour « Garçon magazine », le nouvel élu, en jean taille basse, expose un torse de rêve. « La communauté gay trouvera toujours en moi un défenseur » est la phrase du président de la République, une et indivisible, qui donne tout son sens à l’image. Les plateaux de télévision sont également des lieux de propagation à haute intensité. Sur RTL, le débat animé par Yves Calvi, le lendemain de l’élection réunissait quatre journalistes. On pensait à Ionesco. Le seul à n’être pas devenu rhinocéros était bien sûr Zemmour. Il portait le poids de la défaite et analysait celle-ci avec sa lucidité et donc son pessimisme coutumiers. Le système a fait élire son représentant caricatural avec une puissance de feu médiatique inouïe, et Marine Le Pen a étalé son incompétence. Voilà pourquoi la majorité silencieuse est restée muette. Face à cet exilé de l’intérieur du monde médiatique, les trois autres avaient du mal à retenir le débordement de leur joie. Alba Ventura était sous le charme. L’adverbe « physiquement » sonnait comme un aveu. « Un air frais », « un vent de fraîcheur » étaient des formules où la politique s’évanouit dans un enthousiasme de midinette. L’un des vecteurs du succès a été le jeunisme. Cet élu est tout neuf. Il n’a que 39 ans. Il donne à la plupart des politiciens « un coup de vieux ». Les Français risquaient Thatcher ou Trump. Ils ont eu Blair ou Trudeau. Quel bonheur ! Le vieux sage Alain Duhamel, académicien, et pilier du politiquement correct sur tous les médias, n’en revenait pas et saluait l’audace, le jamais-vu d’un jeune homme qui en deux ans avait accompli un parcours sans pareil, et menait une « aventure ». Sa ferveur mal dissimulée lâchait un lapsus hautement significatif en lui faisant évoquer une élection « européenne ». Nicolas Domenach renchérissait en savourant sa revanche éclatante sur Zemmour. On ne sait pas trop ce qu’aime ce journaliste, mais on sait ce qu’il déteste. Le populisme a été vaincu. Le barrage a réussi à stopper la vague du brexit et de Trump. L’Europe merveilleuse de Juncker a remporté enfin sa victoire. Ces délires journalistiques ont atteint la « droite ». Le Maire, la godiche sentencieuse, a déjà fait ses offres de service. Cet homme, qui est vieux de naissance, se veut le champion du rajeunissement et du renouvellement. Son ambition lui a déjà fait oublier son score de la primaire.
Mais au-delà de la défection des arrivistes sans scrupule et sans dignité, qui encombrent la droite, c’est le retrait d’un certain nombre de personnalités qui est inquiétante. Une petite victoire de Macron, à l’arraché, aurait mis l’opposition en situation d’imposer la cohabitation. Certes le succès n’est pas énorme, compte tenu des abstentions ou votes nuls et blancs. Mais, ces détails ne touchent pas le grand public. Il a été élu par deux tiers des suffrages exprimés. La honte paralyse ses opposants. Les Républicains se sentent bêtes d’avoir perdu une élection gagnée d’avance, et lâches de s’être divisés sur le soutien à Fillon. Les arrangements de l’ancien Premier Ministre et candidat ne les flattent guère et accentuent au contraire leur image de professionnels de la politique soucieux de leurs intérêts et de leurs privilèges. Mais, le refus de certains de dénoncer la machination et l’acharnement, au nom d’un respect de la justice que l’actualité rend chaque jour plus ridicule, est infiniment plus grave. Macron n’est pas un homme neuf. Il a depuis le début voyagé dans les fourgons du socialisme à travers les clubs auxquels il participait et grâce aux parrains qui l’ont introduit. Les moyens employés contre ses adversaires, le mensonge, le pilonnage médiatique, la complicité du pouvoir y compris dans l’éviction de François Fillon, et les capacités financières hors du commun pour lancer « En Marche », devraient, pourtant, altérer la séduction du personnage. Face à lui, la droite est divisée. Zemmour pointait dans l’incapacité de la droite dite « républicaine » de s’allier au Front National, la principale cause de son échec, l’invitant à faire ce que Mitterrand avait réalisé entre PS et PC. J’avais, déjà en 2010, ouvert cette voie qui m’avait valu une volée de bois vert des caciques de l’UMP. Si Les Républicains peinent à se mettre en ordre de bataille, les uns rentrant sous leurs tentes, les autres prêts à passer à l’adversaire, et le dernier carré flottant et mal commandé, le Front National voit son meilleur espoir, Marion Maréchal, abandonner la politique, malgré un talent évident. Marine Le Pen a perdu peut-être dix points en montrant lors du débat qu’elle n’était pas au niveau. Asselineau ou Dupont-Aignan, Charles Gave et même l’européïste François Heisbourg auraient, eux, démontré la pertinence de la fin de l’Euro. Il est difficile de suivre lorsqu’on n’admire pas.
Ni Macron, ni ses propositions ne répondront aux problèmes essentiels de la France. Bien au contraire. Le séducteur pervers cache souvent sous un masque le visage de la mort. Notre pays a besoin d’une véritable révolution conservatrice qui associerait le patriotisme au libéralisme économique et au conservatisme sociétal. En finir avec l’Etat-Providence obèse, rétablir la souveraineté y compris sur le plan monétaire pour mieux construire l’Europe, défendre notre identité dans sa réalité démographique et dans ses racines culturelles, assurer le rétablissement de l’ordre, abandonner ce laisser-aller qui nous mine, retrouver l’amitié avec la Russie de Vladimir Poutine : telles sont les conditions pour que la France survive. Macron nous mène sur la route opposée.
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