Le Conseil Supérieur de l’Education a donné un avis favorable à la réforme du Collège grâce à la nébuleuse associative et syndicale de sensibilité socialiste qui y est majoritaire. A sa gauche, le SNES-FSU a pointé le hors-sujet tandis qu’à sa droite, le SNALC dénonçait les risques de mesures floues et déstabilisantes. Comme le veut la tradition, des grèves traduiront ces oppositions.
Au-delà des rites nationaux, il faut souligner la contradiction entre l’unanimité d’un constat angoissant et la réponse constituée par un discours idéologique enrobant des mesurettes « tendance ». Le désastre du système éducatif français est tel qu’il faudrait dans ce domaine une véritable révolution. Le Ministère lui même souligne que la maîtrise du français a reculé en 10 ans, que 12% des élèves de CM2 et 25% de ceux de 3e n’ont pas atteint le niveau requis. Le recul est plus sensible pour les mathématiques où l’on est passé de 83,4% à 77,6% d’élèves ayant une compétence satisfaisante. La France dans ces deux domaines régresse par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Le commentaire de la Ministre est un réquisitoire : le collège aggrave la difficulté scolaire surtout pour les savoirs fondamentaux. Il est inadapté à l’insertion, à l’orientation et à la lutte contre le décrochage. Peu motivant pour les élèves, il est anxiogène pour les parents et frustrant pour les enseignants.
Après un tel diagnostic, on s’attend à un remède de cheval. On a un bouillon tiède qui mélange des idées contradictoires, des incantations idéologiques et des modifications aux effets incertains. Adapter est le maître-mot de la réforme. Il faut adapter l’enseignement à la diversité des besoins des élèves, adapter la formation de ceux-ci au monde dans lequel ils vont vivre, adapter les méthodes pédagogiques à la recherche des performances perdues. Mais cette intention louable est immédiatement démentie par le retour de l’idéologie. La Ministre dénonce les caractères inégalitaire et monolithique du collège, et veut lutter contre le déterminisme social en assurant la réussite du plus grand nombre. La solution va donc passer par une marge de manoeuvre de 20% du temps scolaire destinée à l’accompagnement individualisé et au travail en groupe, par la mise en place d’enseignements pratiques interdisciplinaires aptes apparemment à mieux faire comprendre les liens entre les diverses disciplines entre elles et avec l’expérience concrète. On en profitera pour noyer les langues anciennes élitistes et archaïques dans un de ces EPI, afin de prétendre en faire bénéficier tout le monde pour être sûr de les voir disparaître à terme. De même, après avoir constaté la difficulté d’apprendre le français, on s’empresse d’avancer l’apprentissage d’une deuxième langue vivante et on tirera les moyens de cette nouveauté de la disparition des classes bilingues et européennes.
En fait, l’analyse et les propositions sont avant tout idéologiques. Si le collège est monolithique, c’était parce que toutes les réformes, y compris celles des gouvernements « de droite », comme celle du ministre Haby sous Giscard, sont allées vers le collège unique au nom de l’égalité, et que confrontant des élèves aux capacités inégales, elle a freiné les uns en décourageant les autres. La résilience d’un bon sens social, un tantinet hypocrite, a trouvé des parades : contournement de la carte scolaire, choix des langues rares et anciennes, établissements privés. Un système absurde ne peut-être sauvé que par ses défauts, ceux de la cuirasse, bien-sûr. Or la Ministre veut lutter contre les déterminismes sociaux, assurer la réussite du plus grand nombre, en supprimant les filières d’excellence et en accroissant l’enseignement personnalisé. Elle oublie qu’un Etat, un gouvernement n’ont pas, dans une démocratie libérale, à vouloir modeler la société à leur guise. S’ils souhaitent améliorer les conditions de vie des moins favorisés, ils doivent le faire en s’appuyant sur la société telle qu’elle est, non en s’opposant à elle. L’éducation ne peut qu’être élitiste. Elle doit recourir à la sélection. Ce que la famille prend en charge n’a pas à être entravé, mais au contraire pris en compte. Par ailleurs, l’émulation permet, si on l’encourage, de distinguer les sujets doués, quelque soit leur origine sociale, car l’intelligence, les capacités cérébrales, les personnalités sont différentes entre les individus. L’égalité des chances est le contraire du nivellement. Elle doit permettre dans le système le plus libéral à chacun de réaliser son potentiel selon ses aspirations, sous le regard conjoint d’une famille qui pourra librement choisir son école grâce à un chèque scolaire et d’équipes professorales animées par un esprit d’entreprise sous la conduite d’un directeur responsable. Mais là, ce n’est plus la réforme, mais la révolution !
Un autre aspect idéologique du projet gouvernemental est plus préoccupant encore. Clairement, l’éducation, à travers l’Histoire en particulier, ne sera pas celle d’un citoyen français, mais celle d’un individu mondialiste comprenant les enjeux des société d’aujourd’hui. Il partagera les valeurs de la République dont on sait qu’elles ont une prétention universelle. Mais on cherche en vain le mot « France ». La transmission d’un héritage national, la connaissance des exemples et des expériences du passé afin de concourir à son tour à la vie de son pays dans le monde ne sont nullement mentionnées. Apparaît en creux un individu sans racines, mais doté sans doute de la clef de lecture idéologique des événements qu’une fois de plus la gauche aura imposée aux jeunes Français.
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