Se désendetter : Pourquoi ? Comment ?

Débat sur la dette publique ; chassez-le par la porte, il revient par la fenêtre. Il obsède les experts comme les politiques, Bruxelles comme la Cour des comptes. C’est un débat plein d’embûches et source de conflits. Il y a ceux qui pensent que diminuer la dette publique, c’est freiner la croissance, et ceux qui pensent que c’est indispensable. Parmi ces derniers, il y a ceux qui croient qu’on réduit dette et déficit en augmentant les impôts, et ceux qui considèrent que la seule solution est de baisser les dépenses publiques et la pression fiscale. Ici, le comment est aussi important que le pourquoi car il y a une bonne et une mauvaise rigueur.

Keynes trahi par les Keynésiens

Comme nous l’avions annoncé en début d’année, le débat sur la dette publique a repris avec vigueur. En février, notre Cour des comptes s’est inquiétée de la dérive des dépenses publiques et la Commission de Bruxelles a mis la France, et d’autres pays en Europe, en demeure de réduire leurs dépenses.

Pourtant, certains « experts » d’inspiration keynésienne ont affirmé que réduire les déficits et les dépenses, c’est aggraver la crise actuelle et la récession. Cette politique est suicidaire et peut même provoquer une déflation.

Sur ce point, le débat est pourtant clos, la réalité l’a tranché depuis longtemps. L’idée suivant laquelle la santé de l’économie dépendrait avant tout de la demande globale et d’abord de la demande publique remonte aux années 1930 et aux thèses de John Maynard Keynes en honneur après la Grande Dépression de 1929. Keynes lui-même a-t-il fait du déficit budgétaire une arme de réglage permanent de la conjoncture ? Certainement pas : ce sont les post keynésiens et théoriciens de la « croissance harmonisée » comme Harrod Domar ou Samuelson qui ont conçu le déficit budgétaire comme le cheval de Troie du dirigisme économique et qui ont convaincu la classe politique de la nécessité de relancer sans cesse l’économie. De quoi légitimer sans doute qu’un pays comme la France vive dans le déficit et accumule la dette depuis 40 ans !

Les vertus de la facilité ou de l’effort ?

Soutenir que Keynes désavouerait les politiques keynésiennes actuelles n’est pas suffisant, car il n’en demeure pas moins que les bases du keynésianisme sont contestables. Elles ont l’inconvénient d’être globales, macroéconomiques, considérant qu’on pilote l’économie comme une voiture, en tirant sur quelques manettes. Or, la réalité est d’abord faite de millions d’entreprises qui produisent et de ménages qui consomment. Ce ne sont pas des agrégats mais des entreprises ou des personnes réelles et c’est sur leur incitation à produire qu’il faut jouer et non sur des hypothétiques mécanismes globaux.

Une autre erreur consiste à considérer que c’est la demande (globale) qui conditionne le reste de l’économie : dépensez et ne vous souciez pas du reste. Pour les keynésiens, la vertu est dans la dépense, l’offre suivant automatiquement. Oubliées les rigidités qui empêchent l’offre de répondre à la demande ; oubliées les complexités du monde réel. Même le Président de la République, faisant sienne la formule de Jean-Baptiste Say, a reconnu que c’était l’offre qui créait la demande en rémunérant les facteurs de production, salariés, épargnants, entrepreneurs, qui ont créé cette offre dans les entreprises.

Croire que la dette et les dépenses publiques puissent être source de richesse, c’est prendre l’apparence pour la réalité, c’est croire aux vertus de la facilité et non à celles de l’effort, c’est tomber dans l’illusion, alors que la vraie richesse n’est que la réponse aux besoins humains. Par contraste, l’argent issu du laxisme, des déficits, grâce à une création monétaire artificielle, ne saurait être ou engendrer une vraie richesse.

Oui, il faut réduire la dette publique

Il est donc faux de dire que réduire la dette publique va tarir la source des richesses. En revanche, maintenir les déficits et les dettes actuelles, c’est plomber l’avenir, c’est transférer nos charges sur les générations futures et faire payer nos petits-enfants, en leur léguant des dettes, tout en plombant le présent par le poids des intérêts. C’est aussi risquer de provoquer des crises de confiance vis-à-vis de la qualité de la signature de l’Etat, faisant exploser un jour les taux d’intérêt et donc la charge de la dette. C’est enfin, pour un pays, se mettre en situation de dépendance, car la dette est largement financée par l’étranger. Réduire la dette publique, c’est une nécessité absolue pour cesser de vivre dans l’illusion. A l’heure où tout le monde parle du développement durable, il est paradoxal de prôner l’endettement durable ! Etrange façon de se soucier des générations futures. C’est donc à juste titre que Bruxelles, la Cour des comptes et même le gouvernement mettent l’accent sur la nécessité de réduire des déficits.

Reste le comment. C’est là, notamment dans le cas français, qu’il faut regarder la réalité en face : le gouvernement annonce que sa politique devrait ramener le déficit public à 3,6% du PIB en 2014 et à 2,8% en 2015, en dessous des fameux 3% européens. Même si c’était le cas, d’une part nous avons déjà deux ans de retard sur l’échéancier prévu au départ, d’autre part, nous avons accepté la règle d’or consistant à ramener à 0,5% du PIB le déficit public. Nous sommes donc loin de tenir nos engagements. D’ailleurs Bruxelles ne croit pas à nos prévisions et annonce 4% de déficit cette année et encore 3,9% l’an prochain : le déficit ne se réduit pas et la dette poursuivra sa course folle.

Mauvaise rigueur et bonne rigueur

Pourtant le gouvernement ne cesse de prêcher l’austérité, et donne toutes les apparences de la rigueur. Les Français aussi ressentent douloureusement la hausse des charges et des impôts.

C’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas dans la méthode employée. Le gouvernement parle sans cesse de réduire les dépenses publiques, mais que fait-il en ce sens ? les dépenses de Sécurité Sociale et des collectivités locales ne cessent d’augmenter. On promet 30 milliards d’allègements de charges, mais que représentent-ils ? A peine 1, 5 % du PIB, à suppose que l’on ne compense pas ces allègements par des impôts nouveaux.

Vouloir réduire les déficits en maintenant pour l’essentiel les dépenses et en essayant d’augmenter les recettes fiscales, c’est accentuer la récession et aggraver le déficit, faute d’activité économique.

N’y a-t-il donc rien à faire en France ? Il faut choisir une vraie rigueur, celle qui est imposée non pas aux contribuables et aux citoyens, mais celle qui concerne les administrations publiques elles-mêmes. Avec plus de 56% de dépenses publiques l’Etat occupe plus de la moitié du terrain : drôle d’ultra-libéralisme. Nos voisins ont en moyenne 10 points de PIB de dépenses publiques en moins (l’équivalent de 200 milliards). Ont-ils pour autant renoncé à la sécurité, aux soins, aux pensions, à l’éducation ?

Conformément au principe de subsidiarité, ils considèrent que tout ne doit pas passer par l’Etat. Il faut dire les choses clairement : ce n’est pas en payant moins les fonctionnaires ou en remboursant moins l’assuré social qu’on réduira les dépenses publiques, mais en privatisant ce qui n’a pas de raison d’être fait par l’Etat. Voilà comment réduire les déficits et la dette, mais aussi les impôts et les charges, tout en favorisant la croissance et la création de vraies richesses et de vrais emplois. Ce retour à la prospérité bénéficiera à tous, même au secteur public. Les autres pays le font. La France en est donc capable dès lors que ses dirigeants auront rompu avec le keynésianisme, le dirigisme. Est-ce pour bientôt ?

> Cette tribune vous est proposée en partenariat avec libres.org.

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18 Comments

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  • 0 / 10
  • Psyché , 11 avril 2014 @ 21 h 24 min

    se désendetter ?
    il me semble que plus personne n’y croit car le point de non retour est largement dépassé.
    La boule de neige continuera donc de rouler et en dévalant la pente, elle finira par tout emporter sur son passage.
    On peut aussi dire que la dette a quitté son orbite pour filer dans l’espace intersidéral et qu’elle ne sera jamais remboursée.
    Nos créanciers vont bien finir par le reconnaitre : qui sifflera alors la fin de partie ?

  • monhugo , 11 avril 2014 @ 23 h 54 min

    “Qui paie ses dettes s’enrichit” ! Précepte à l’usage des citoyens lambda – fortement incités en ce sens, il est vrai, par les voies d’exécution.
    Cette morale petite-bourgeoise n’est en revanche nullement à l’usage du pouvoir. Celui en cours parle d’apurer les dettes (celles d’avant lui, et les siennes – cumul vertigineux), tout en en contactant toujours d’autres (déjà pour le simple service des intérêts – expédients et cavalerie). Il est vrai que le pouvoir (d’hier, d’aujourd’hui, de demain) voit grand. Avec un argent qui n’est pas le sien, mais celui des citoyens lambda.
    En France, depuis pas mal de temps, la “gouvernance” tient pour un autre dicton : “faire danser l’anse du panier”. Façon danse de St-Guy.

  • charles-de , 12 avril 2014 @ 4 h 42 min

    “Danse de Saint Guy” ou “Valls a mis le temps” ?
    Pour ne plus aggraver tous les jours la dette, il faudrait trouver au moins 45 milliards dӎconomies PAR AN et non pas 50 en 3 ans. On est encore loin du compte !

  • psyché , 12 avril 2014 @ 5 h 13 min

    Outre un laxisme couplable du type “je me sert, les générations futures rembourseront”, la complicité avec les banques que l’on engraisse par le remboursement des intérêts cumulés de la dette, la volonté de mettre à bas les comptes de la Nation pour mieux ensuite la remettre entre les mains du FMI permettant ainsi de pressuriser toujours plus le peuple par des plans drastiques d’économie.
    Le plan de la dette est machiavélique, il s’agit d’une mise en péril des Nations et d’un asservissement programmé des peuples.

  • monhugo , 12 avril 2014 @ 5 h 30 min

    Erratum. Lire “contRactant toujours d’autres”.

  • ranguin , 12 avril 2014 @ 7 h 06 min

    Lorsque Mitterand est arrivé au pouvoir, les caisses étaient pleines. Il l’a

  • ranguin , 12 avril 2014 @ 7 h 14 min

    Lorsque Mitterand est arrivé au pouvoir, les caisses étaient pleines, il l’a d’ailleurs reconnu lors d’un face à face avec son prédécesseur VGE.
    Il n’a eut de cesse de les vider avec des dépenses somptuaires, inutiles et dangereuses.
    Ses successeurs n’ont pas fait mieux.
    Aujourd’hui on met à la tête de notre pays un “gros tout mou” qui est plus habile dans des rôles d’éminence grise que dans celui d’un président de la république.
    “MOI président normal, je réduirai les commissions”, non seulement il ne les a pas réduites, mais il en a ajouter plus de trois cents pour remercier grassement ceux qui l’ont aidé.
    “MOI président normal, j’aurai un gouvernement irréprochable”, on a vu. Rares sont ceux qui ne traînent pas de sérieuses casseroles.
    Faire des économies ? C’est possible, mettons une femme à Bercy.
    Maintenant, le travail va être sérieusement dur. Il faut que ce gouvernement de fantoches parte au plus vite.

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