Tribune libre d’Henri Dubreuil*
Les Français sont des veaux, disait de Gaulle. Ils en ont fait la parfaite démonstration dimanche dernier avec le rejet par référendum de la proposition de fusion du conseil régional alsacien avec les deux conseils généraux de la région.
Certes, ce projet était loin d’être parfait. Il menaçait les deux villes de Colmar et Mulhouse de se voir éclipsées par celle de Strasbourg. Il était mal ficelé et présentait le risque d’une nouvelle usine à gaz. L’assemblée délibérative était ainsi prévue pour Strasbourg tandis que le conseil exécutif devait se situer à Colmar. Il était le fruit des réflexions de quelques élus et révélait un manque de concertation avec la population.
Avec tous ces défauts, l’ambiance délétère qui règne actuellement dans le pays a achevé de convaincre les quelques votants de refuser ce projet.
Malgré ces constats, disons le clairement, dimanche, la connerie l’a emporté ! Le choix du statu quo plutôt que la réduction modeste et imparfaite du mille-feuille territorial et de sa gabegie financière signe la victoire des corporatismes et condamne pour longtemps toute nouvelle initiative dans ce domaine.
Alsaciens, je suis désagréable, mais j’assume. Croyez-vous vraiment que la sauvegarde de l’immense notoriété de vos deux métropoles à rayonnement international que sont Colmar et Mulhouse valait le rejet de cette réforme ? Pensez-vous que la suppression potentielle de quelques emplois administratifs aurait mis en péril la gouvernance et le développement de votre région ? Franchement, un peu de bon sens aurait été appréciable et les quelques économies dégagées auraient été bien utiles !
“Les Français sont shootés à la dépense publique et ils ne peuvent plus décrocher.”
Mais l’inculture économique de notre pays est telle que personne ne comprend que cette sphère publique obèse brise chaque jour un peu plus les espoirs de reprise économique. Après ce vote, les Français n’ont plus de légitimité à geindre sur la hausse continue des impôts, sur la montée incessante du chômage et sur leur perte de pouvoir d’achat. Ils ne récoltent que le juste fruit de leurs mauvais choix politiques !
Malheureusement, il n’existe plus aucune force politique dans ce pays pour remédier à ce constat et défendre un discours favorable à l’entreprise, à la réduction de l’État, à l’enrichissement personnel et à la responsabilité individuelle ! La pensée étatiste s’est infiltrée dans tous les partis. Et si l’UMP accompagnée de certains élus socialistes soutenaient ce projet de fusion, Le Pen et Mélenchon à l’unisson se réjouissaient benoîtement du résultat alsacien !
In fine, ce nouvel échec va plus loin que le simple rejet d’une réorganisation territoriale. Il souligne le refus par une majorité de citoyens d’accepter la douloureuse réforme de l’État. Personne ne souhaite lâcher son conseil général, sa préfecture, son tribunal, sa poste, son commissariat, son école, son hôpital ou sa caisse d’assurance maladie pour réduire la dépense publique. Et ne répondons pas service public ou modèle social. Quand on voit l’état actuel du pays et de son administration, ces arguments font doucement sourire !
Non, simplement, les Français sont shootés à la dépense publique et ils ne peuvent plus décrocher. Les quelques médecins optimistes qui espéraient encore soigner le malade sans trop de douleur doivent se rendre à l’évidence : il est incurable !
Il ne reste donc plus que la thérapie de choc. Celle qui consistera à laisser la puissance et la cruauté des marchés financiers s’exprimer. Rassurez-vous, cette colère n’est pas pour tout de suite. Mais le jour où elle se manifestera, vous n’aurez plus de morphine pour soulager vos douleurs ! Et pour être tout à fait cynique, ma situation personnelle me laisse penser que je pourrai déserter la première ligne de cette bataille…
*Henri Dubreuil est diplômé en économie et en finance.
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