Certains ferment des cadenas le long des ponts en se jurant un amour éternel, les patrons de PME qui défilaient munis de cadenas à Paris et à Toulouse, souhaitaient au contraire qu’un geste d’amour des pouvoirs publics les ouvrent afin de desserrer l’étreinte réglementaire, fiscale et sociale qui les empêche d’investir et de croître.. Avec un réalisme prudent, les indépendants ne demandent pas la lune. Ils savent que les Français qui se disent gaulois quand ça les arrange n’aiment pas trop le risque de l’indépendance et lui préfère la protection du « client » au sens romain du terme, celle qu’offrent la fonction ou l’assistance publiques.
Alors, ils demandent aux fonctionnaires et aux élus, de revoir trois copies rédigées en méconnaissance de la réalité vécue.
– Il est impossible à certaines petites entreprises, en raison de leur type d’activité, d’embaucher des salariés pour un minimum de 24 heures par semaine.
– La complexité de la mise en oeuvre du compte pénibilité pour la retraite est d’une gestion trop lourde pour des patrons qui préfèrent se consacrer à la marche de leur entreprise plutôt qu’à la paperasse administrative, laquelle justifie au contraire le surnombre des emplois publics.
– L’obligation d’informer les salariés de la vente d’une entreprise, qui est en soi une démarche participative intéressante, peut selon la taille de celle-ci et les délais impartis, freiner voire gêner l’opération.
Bref, ils estiment qu’en prenant les risques de la responsabilité personnelle, ils contribuent à la croissance de l’économie, et pourraient assurer son envol, sans parachute pour eux-mêmes, ni celui du statut, ni le cousu d’or des hauts fonctionnaires qui vont pantoufler dans les très grandes entreprises. Ils souhaitent donc seulement qu’on les laisse respirer.
Malheureusement, comme le revendiquait piteusement Cambadélis, furieux de l’accusation portée contre notre pays par le Commissaire européen allemand, Günther Oettinger, de « pays déficitaire récidiviste », il faut respecter les identités nationales. Pour l’Allemagne, c’est l’obsession monétaire. Pour la France, ce sont les dépenses et les déficits publics. Pour une fois qu’un socialiste parle d’identité nationale, le voilà qui affirme le droit des cigales d’être des cigales, si les fourmis perdurent dans leur entêtement de fourmis. Dit autrement : si le vertueux cultive sa vertu, qu’il laisse le vicieux aimer son vice. Ou encore : ce n’est pas parce que vous êtes abstinent, qu’il faut insulter les drogués. Car le problème est bien là : la France est « défoncée » à la dépense publique improductive. Elle n’emprunte pas pour investir mais pour fonctionner, notamment pour entretenir une fonction publique d’un emploi sur cinq et un emploi public d’un sur quatre. Deux fois plus qu’en Allemagne. Non seulement le vice est coûteux, avec plus de 55% de dépenses publiques, mais il se nourrit lui-même. Comme le disait Clémenceau : « L’administration, en France, c’est très fertile ! On plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. » Ce cercle vicieux explique les prélèvements obligatoires décourageants pour l’emploi, pour l’investissement, la transmission et même pour la consommation. Aux impôts et aux charges s’ajoutent les contraintes et les contrôles paralysants. Le système compense automatiquement les tentatives de correction tant il a la capacité de persévérer dans son être. Lorsque l’Etat restreint le nombre de ses fonctionnaires, les collectivités territoriales, le millefeuille l’augmentent davantage. Telle ou telle lubie idéologique marginale croise imprudemment une mesure que la bureaucratie gardait dans ses tiroirs au cas où, et le tango infernal est relancé. Pas en avant, pas en arrière ou sur le côté : un marche incessante pour tourner en rond et ne pas avancer. On veut diminuer la pression fiscale, mais le réchauffement climatique, sur lequel la France vertueusement nucléaire n’a que peu de pouvoir, appelle bien sûr de nouvelles taxes et plus de réglementation.
Pourtant, il faut aussi simplifier : le choc de simplification ! Comme il faut améliorer l’équilibre du travail et de la retraite. Cependant, puisqu’on allonge les durées de cotisation, il faut compenser en tenant compte de la pénibilité. Médiatiquement, c’est vendeur. Mais si le nombre des critères, leur évaluation et le contrôle éveillent la gourmandise administrative, ils donnent d’avance la nausée aux petits patrons. L’idée d’une grande réforme à la suédoise au sein de laquelle des points de pénibilité auraient été introduits en fonction de l’espérance de vie par activité professionnelle aurait été plus simple… trop simple. La France aime les noeuds gordiens si compliqués que personne ne peut les dénouer. Les politiciens et les fonctionnaires – ce sont souvent les mêmes- ont mis tout leur savoir-faire pour le rendre indénouable afin que le char de l’Etat ne bouge pas. Il faut espérer que comme le fit Alexandre, quelqu’un, au lieu de tenter de le défaire en le compliquant davantage aura le courage et l’intelligence de le trancher. Tel était déjà le message du testament politique de Georges Pompidou en 1974 !
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