Pour mémoire, en France et en 2012, le salaire horaire médian était de 11,05 euros nets et, à partir de 21,88 euros, vous comptiez au nombre des 10% des salariés les mieux payés.
Selon Louis, éboueur à Marseille interrogé par rue89 le 10 décembre 2012, son salaire net mensuel atteint 1 278 euros (1 660 bruts) auquel s’ajoutent 459 euros nets de primes diverses ; soit un total de 1 737 euros nets si l’on omet de compter les divers petits avantages que confère le fait de travailler pour la ville comme la carte bus-tramway-métro à prix cassé (1,65 euros / mois contre un peu plus de 36 euros pour le commun des mortels) ou la mutuelle des municipaux (63 euros / mois). Bref, 1 737 euros nets pour une journée de travail de 7 heures (35 heures par semaine ou 151,6 heures par mois), ça fait un salaire horaire d’environ 11,46 euros nets ce qui place Louis au-dessus du salaire médian.
Seulement voilà, toujours selon Louis, il ne travaille pas 7 heures par jour mais plutôt 4h30-5 heures. Fort bien, comptons généreusement 5 heures par jour soit 108,3 heures par mois et nous voilà avec un salaire horaire de d’ordre de 16 euros nets – c’est-à-dire 45% de mieux que le salarié médian.
Sauf que s’il travaille vraiment 5 heures par jours, Louis est un modèle de vertu. Lorsque, en novembre 2004, la chambre régionale des comptes a cherché à mesurer le temps de travail effectif des éboueurs marseillais, elle l’évaluait plutôt à 3h30 en moyenne. En septembre 2011, ce sont les élus d’Europe Écologie – Les Verts qui s’y sont collés et leur verdict était encore plus sévère : selon eux, ce serait plutôt de deux à trois heures de travail par jour et pas une seconde de plus.
Or, si l’on en juge par la saleté de nos rues et le montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères que nous payons (la plus élevée de France, je le rappelle), la situation n’a pas évolué ; en tout cas pas dans le bon sens. Démonstration.
En voilà deux qui, sans savoir qu’ils sont filmés, bouclent leur tournée en 2 heures chrono après avoir consciencieusement salopé le travail :
En voilà deux autres qui, sachant qu’ils sont filmés, poussent effectivement jusqu’à 5h : pour une tournée qui est supposée commencer à 5h30 et se terminer à 12h30, ils finissent fièrement à 10h30… heure à laquelle leurs petits camarades ont déjà plié les gaules depuis un moment.
Bref, pour une fois, on a tout de même furieusement envie de croire EÉLV. Or, en comptant 3 heures de travail quotidien soit 65 heures de travail par mois, le salaire horaire net de nos joyeux drilles passe à 26,72 euros. C’est 2,4 fois le salaire médian et ça permet à Louis et un certain nombre de ses collègues de faire partie haut la main des 10% des salariés les mieux payés de France.
Bien sûr, vous me direz qu’à plus de cinquante ans, Louis bénéficie de son ancienneté et qu’il touche la prime réservée aux conducteurs de bennes. C’est juste. Selon Louis, ses collègues gagnent en moyenne 1 520 euros nets. À raison de trois heures de travail par jour, ça fait un salaire horaire de 23,38 euros nets, c’est-à-dire 3,2 fois le Smic, plus de 2 fois le salaire médian et largement assez pour se classer dans le top 10% des salariés les mieux payés de France.
Pour finir, l’usage du conditionnel en ce qui concerne les gâches a de quoi faire sourire. Il va de soi que 1 520 euros par mois, ce n’est pas Byzance et que lorsqu’on ne travaille que de 5h30 à 8h30 (ou de 21h00 à 24h00 pour les tournées du soir), on a largement le temps d’améliorer l’ordinaire à l’abris du regard de l’administration fiscale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que lorsque Louis et ses collègues paient leur cotisation à Force ouvrière, ils ont d’excellentes raisons de le faire.
> le blog de Georges Kaplan (Guillaume Nicoulaud)
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