« En quelques jours, le gouvernement a annoncé le tiers-payant généralisé, une garantie universelle pour le paiement des loyers et enfin, un RSA jeune. Tout cela, sans données chiffrées et en finançant les coûts par des ponctions fiscales sur les classes moyennes » ont récemment déploré 17 sénateurs (dont les anciens ministres Gérard Longuet et Henri de Raincourt) dans un communiqué publié le 2 octobre. Et d’ajouter que « les socialistes vont jusqu’au bout de l’assistanat et de la déresponsabilisation de la société française ».
Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le projet de loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) que l’Assemblée nationale a adopté le 17 septembre dernier et que le Sénat doit examiner à la fin du mois d’octobre.
Deux dispositions sont particulièrement inquiétantes : la première, l’encadrement des loyers, vise à fixer dans certaines zones tendues où la demande de logement excède l’offre, un loyer médian de référence, majoré de 20 %, au-delà duquel le propriétaire ne pourra pas exiger d’augmentation, et un loyer plancher, inférieur de 30 % au loyer médian, en-deçà duquel il pourra demander une hausse.
Cette disposition, inutile et dangereuse, va renforcer la pénurie de logements et décourager l’investissement dans les biens locatifs, entraînant une dégradation du parc locatif privé.
Inutile, elle l’est dans la mesure où elle est censée empêcher une dérive inflationniste des loyers dans les zones tendues. Or, à l’exception de Paris, il n’y a pas de bulle immobilière qui justifierait une telle mesure. En effet, depuis 2006, les loyers ont augmenté de seulement 1,4 % par an en France, moins vite que les prix à la consommation.
Dangereuse, elle l’est car avec l’encadrement des loyers, quel intérêt pour un propriétaire d’améliorer le confort de son logement si cela ne peut se répercuter d’une manière ou d’une autre sur le montant du loyer ?
De même, les professionnels de l’immobilier craignent qu’un investisseur, ne pouvant plus désormais connaître la rentabilité de son placement, ne s’éloigne de la pierre au bénéfice de placements financiers plus intéressants, ce qui tarirait l’offre de logements et entraînerait une augmentation des loyers, effet inverse à celui recherché par Cécile Duflot.
De plus, avec l’instauration d’un seuil minimal au-delà duquel les loyers peuvent être augmentés, les ménages les plus modestes risquent de voir leur loyer tiré à la hausse pour atteindre le niveau médian, même minoré de 30 %, ce qu’a pu démontrer le professeur d’économie Michel Mouillart.
Enfin, le loyer médian de référence, fixé uniformément sur une zone, ne tient aucun compte dans un même immeuble ou quartier des différences d’équipement, de vétusté ou de situation.
Deuxième disposition inquiétante : la garantie universelle des loyers (GUL), système d’assurance collective obligatoire qui conduira à faire payer, par une contribution paritaire, l’ensemble des propriétaires et des locataires, pour couvrir les impayés de loyer, alors qu’ils ne représentent que 2 % à 2,5 % des loyers. Au lieu de continuer à faire appel aux cautionnements privés qui prolongent les solidarités familiales ou sociales, le gouvernement préfère déresponsabiliser les mauvais payeurs, en créant une nouvelle taxe et en instituant une agence publique dont on ne connaît pas encore le financement précis.
D’ailleurs, il y a un mois, le ministère du logement évoquait encore le financement de cette “sécurité sociale du logement” par une taxation paritaire entre propriétaires et locataires. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) commandé par Cécile Duflot et Pierre Moscovici, dont les grandes lignes ont été dévoilées dans Le Journal du Dimanche, évalue qu’un prélèvement de 1 % rapporterait 431,5 M€. Or, le coût du dispositif semble nettement supérieur. Cécile Duflot l’estimait il y a encore peu entre 400 et 700 M€ et jugeait « déraisonnable » l’évaluation proposée par Gilles Carrez (président de la commission des Finances) dans Le Figaro, pour qui le coût de la GUL « devrait dépasser les 1,5 Md€ ».
Mais l’IGF affirme que le dispositif coûterait 736 M€, sans compter la prise en charge des locataires les plus modestes, ceux dont le taux d’effort se situe entre 40 % et 50 % et qui représentent entre 6 et 8% des impayés de loyer. En les incluant, il faudrait ajouter 140 M€. C’est pourquoi, l’IGF estime qu’il serait plus judicieux de ne pas étendre la GUL à ces locataires « potentiellement très coûteux pour la garantie ».
A cela, il faut rajouter une somme située entre 200 à 340 M€, « si le dispositif n’est pas équilibré et calibré », car les locataires, se sachant assurés, risqueraient d’opérer des arbitrages dans leur budget au détriment du logement. Le rapport préconise ainsi l’usage de prérogatives telles que les saisies sur les salaires, les allocations familiales ou les comptes bancaires afin d’assurer la viabilité du dispositif. Tout ceci présente un investissement humain, administratif et financier qui n’a pas encore été pris en compte par le ministère du logement, lequel devra sans nul doute faire appel à une armada de fonctionnaires.
Au final, l’évaluation de l’IGF se rapproche de celle des assureurs qui font valoir la somme minimale de 1,3 Mds€ en période de croissance et de près de 3 Mds€ en période de récession, … et de celle de Gilles Carrez que la ministre jugeait « déraisonnable ». Mais qui donc s’éloigne de la raison dans ce dossier ?
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