Comment financer les crédits dont les acteurs économiques ont besoin ? Si on laisse de côté auto-financement ou financement de proximité (business angels), il existe deux canaux différents mais connectés : trouver en bourse des actionnaires ou obligataires acceptant d’investir dans des entreprises ou des organismes de placement (y compris des banques), ou demander un prêt à une banque. Actuellement un débat très intense se déroule autour de l’évolution de la réglementation financière : trop lourde et mal adaptée disent les uns, encore trop laxiste et détournée disent les autres. Les incidences sur la conjoncture économique sont incertaines.
La règlementation financière en débat
Les profanes entendent facilement le discours qui dénonce la liberté débridée dont jouirait la finance internationale. En réalité, peu d’activités économiques sont aussi contrôlées que la finance. L’étau qui étreint les bourses et les banques s’est fortement resserré avec la crise financière de 2008. Au lieu d’incriminer la politique démagogique de crédit au logement qui avait mis en place le système des subprimes, les leaders politiques du G7 ont conclu à « la crise du système » : c’étaient les financiers et banquiers, et pas les gouvernants qui devaient être désormais contrôlés. D’où une puissante vague de règlementation, tant au niveau mondial (avec les règles dites « de Bâle ») qu’aux Etats Unis (avec en particulier la loi Dodd-Franck ).
Actuellement la tendance est inversée : on commence à envisager une refonte de la réglementation dans le sens d’une meilleure connexion entre bourses et banques. Trois évènements au moins y ont contribué : le Brexit remet en cause l’importance de la place de Londres, lieu privilégié de la connexion, à Washington la majorité républicaine de la Chambre des représentants vient d’annuler la semaine dernière la loi Dodd-Franck, et les pourparlers se prolongent actuellement en Suède au sein du comité de la BRI (Bâle IV).
Des orientations très opposées
Les oppositions tiennent d’abord à la pratique : les Anglo-Saxons ont une préférence pour les Bourses (« les marchés financiers »), les Européens pour les banques. Mais elles tiennent aussi à la définition des responsabilités : les erreurs et les risquent viennent-ils des marchés ou des banques, puisque les banques opèrent aussi sur les marchés ? En Europe, on concentre maintenant tous les contrôles sur les banques, auxquelles les règles de Bâle (très renforcées avec Bâle III) ont imposé des ratios drastiques entre crédits accordés et fonds propres. La conséquence a été une recherche effrénée de fonds propres (qu’on ne peut guère trouver que sur les marchés) et un frein des crédits accordés. Pour maintenir malgré tout un niveau de crédits nécessaire à la croissance, mais aussi au service des dettes publiques, les Banques Centrales européennes, elles-mêmes sous la houlette de la BCE, ont distribué des liquidités à profusion. En conclusion, la finance européenne est sous contrôle des banques centrales. Quid si une partie de l’activité boursière de Londres se transporte à Francfort, Paris ou Luxembourg ?
Du côté américain, on veut donner plus de liberté à Wall Street et permettre aux banques d’opérer plus facilement sur les marchés. Si le Sénat suit la Chambre, liberté sera rendue aux teneurs de marchés des banques d’opérer en bourse avec l’argent de la banque (règle Volcker) moyennant un ratio de fonds propres.
Retrouver la logique financière ?
En fait, toute la règlementation financière veut se substituer à la responsabilité financière. Le métier de financier a reposé pendant des siècles sur la mutuelle confiance du créditeur et du débiteur : finance vient de « fides ». Mais la confiance ne peut être affaire que de relations personnelles et d’informations sincères (qui vont de pair). La confiance ne se contrôle pas par décret, comme le croient les titulaires du pouvoir, eux-mêmes piètres débiteurs. Le marché sanctionne les imprudences et les corruptions par l’élimination des financiers concernés : la faillite bancaire a été le vrai policier pendant des siècles, et elle n’a pas été aussi fréquente qu’on le dit. Avec les règles actuelles, on court deux risques : l’un est celui de la paralysie de la croissance, l’autre celui d’une croissance organisée par les pouvoirs publics, inéluctablement porteuse de gaspillages des fonds prêtables.
> Jacques Garello préside l’ALEPS.
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