Tribune libre de Robert Ménard*
L’emphase des mots cache mal l’impuissance. Quand François Hollande parle, lors de la réunion à Paris du groupe des « Amis du peuple syrien », d’un bilan « terrible et insupportable pour la conscience humaine et la sécurité », qui peut lui donner tort ? Mais quid des solutions ? Quant à demander, comme il l’a fait, au Conseil de sécurité des Nations d’adopter « une résolution contraignante », cela relève, au mieux, de l’incantation. Et plus sûrement de la gesticulation, quand on sait que deux de ses membres, Chine et Russie, ont boudé la réunion de Paris et ne veulent pas entendre parler d’une telle initiative.
Cette opposition de ces deux pays est, au fond, une aubaine pour nos démocraties occidentales. Il faut bien le dire, personne – à l’exception du général en chef Bernard-Henri Lévy – n’a vraiment envie d’en découdre avec les forces de Bachar El Assad. Du coup, le niet russe est bien pratique pour justifier une paralysie qui nous arrange…
Une attitude que je me garderai de condamner même si les trémolos dans les voix de nos dirigeants ont le don de m’exaspérer… Disons-le clairement : le régime syrien est une infamie, hier comme aujourd’hui, du temps du potentat père comme de son rejeton. Mais qui voudrait livrer ce pays à des islamistes, prêts, dès leur arrivée au pouvoir, à partir à la chasse aux minorités religieuses, à commencer par les Alaouites bien sûr – responsables, en bloc, des exactions de leurs coreligionnaires, cela va de soi – bientôt suivis par des chrétiens soupçonnés d’avoir été les alliés du dictateur ? Qui est assez naïf pour ne pas craindre une contagion islamiste déjà à l’œuvre en Tunisie, en Egypte, en Libye ? Qui est aveugle au point de ne pas s’effaroucher de ces « révolutions » qui installent à nos portes des Barbus dont les émules maliens rappellent furieusement leurs amis talibans ?
Et si, échaudés de tant de déconvenues – de la Somalie à l’Afghanistan – nous nous en tenions à une réserve, à une distance qui sera, je le sais, immédiatement condamnée par les états-majors du « Flore » et du « Deux magots », toujours prêts à rejouer les Brigades internationales confortablement installés devant un café crème. Et si nous laissions les Syriens se débrouiller entre eux, comme nous aurions dû le faire avec les Libyens.
Si la chute du régime de Bachar El Assad est « inéluctable », comme l’a dit François Hollande, alors ne nous en mêlons pas. Quand je vois de « grandes démocraties » comme l’Arabie Saoudite se mobiliser aux côtés de l’opposition syrienne, quand je constate la présence de terroristes d’Al-Qaïda dans les rangs des insurgés, je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine appréhension. Condamnable au nom du devoir d’ingérence, cela va de soi…
> Son blog : robertmenard.fr
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