C’est peut être à un changement complet de cap, du moins espérons-le, que nous avons assisté hier lors de l’intervention du Président Hollande devant une assemblée hétéroclite censée représenter les corps sociaux et réunie dans l’enceinte du Conseil économique et social, lui même, paraît-il, représentant permanent de ces mêmes corps sociaux mais délibérément mis à l’écart de ce « sommet »…
Oui, le virage qui semble s’amorcer, ou du moins annoncé hier (il faut être prudent avec les hommes politiques), ressemble à demi-tour serré. Au milieu d’un discours très « socialiste » sur la nécessité d’augmenter les revenus, de revenir sur les CDD, sur les droits des femmes etc., le Président a lâché une pépite :
« Pour la protection sociale dans son ensemble, nous devons avoir un objectif : assurer la pérennité de nos régimes sociaux. Nos systèmes sociaux ont été, pour la plupart, imaginés dans un tout autre contexte que celui d’aujourd’hui, sur la base de besoins bien différents, en matière de santé, de retraite ou de politique familiale. Les liens entre les principes d’assurance collective et la solidarité devront donc être réaménagés, notamment du point de vue de l’équité entre les générations et de la justice fiscale. Aucun de ces sujets ne pourra être éludé. Pas davantage celui des déficits sociaux, 14 milliards d’euros en 2012. Comment admettre que notre protection sociale se finance à crédit, c’est-à-dire par l’emprunt ? Une solution pourrait être de revoir à la baisse nos ambitions et de protéger moins. Ce n’est pas ce que veut le peuple français. Ce n’est pas le souhait exprimé en mai dernier. Cela ne veut pas dire pour autant que rien ne doit changer. Bien au contraire. Nous devons trouver les nouveaux modes de financement et les nouvelles organisations de notre modèle social. L’équilibre de nos comptes et la compétitivité de notre pays ne sont pas seulement des impératifs économiques. Ce sont des obligations sociales. Nos mécanismes de solidarité seront menacés si nous ne savons pas les faire évoluer, les faire progresser. Pour les entreprises les plus exposées à la mondialisation nous devons trouver le moyen de les aider à rester dans la course, dans le respect de nos valeurs, face à des concurrents qui ont fait des efforts considérables ces dernières années. La compétitivité a donc aussi une forte signification sociale : elle est d’ailleurs facteur de croissance et d’emploi, donc de ressources nouvelles pour nos systèmes collectifs. Voilà pourquoi je considère nécessaire une réforme du mode de financement de la protection sociale pour qu’il ne pèse pas seulement sur le travail (l’abandon de la TVA sociale ne nous dispense pas d’une réflexion sur ce sujet). »
Pour les lecteurs qui s’intéressent un tant soit peu à l’économie, cet extrait semble enfoncer un porte ouverte. Pour l’ex-candidat socialiste aux dernières élections présidentielles, celui qui était dans le déni complet de cette réalité et qui invoquait les règles de fonctionnement issues du Conseil national de la résistance comme un croyant les tables de la Loi, quel changement !
Maintenant, vers quoi cela va-t-il déboucher ? Si le financement de la protection sociale ne doit plus être assuré exclusivement par le travail (c’est le sens de la phrase que je me suis permis de mettre en exergue), c’est qu’il doit l’être quand même en partie. Si le gouvernement casse le projet partiel et minimaliste de TVA sociale mis en place par ses prédécesseurs, c’est que ce n’est pas là la voie qu’il a choisi. Donc, si on veut lever des fonds, supérieurs de 14 milliards d’euros (puisqu’il n’est plus question de financer notre système social par l’emprunt…) à ce qu’ils sont actuellement sur une assiette plus large que le travail et sans mettre en place la TVA sociale, il nous reste… la CSG !
14 milliards d’euros, c’est un point et demi de CSG. Donc, avec les ajustement qui vont bien, les mois qui viennent vont nous annoncer une baisse des charges de 14 à 15 milliards d’euros (c’est ce que le gouvernement Fillon avait prévu avec la TVA sociale sur la foi de rapports et d’études réalisés par les énarque de Bercy qui sont toujours en place et qui n’ont pas du changer grand chose à leurs analyses), essentiellement sur les entreprises exportatrices, et une augmentation de 3 points de la CSG. Ainsi nos joueurs de boneto croiront avoir résolu l’équation de la baisse des charges, du déficit de la protection sociale et du refus de la TVA sociale. Sauf que, n’ayant rien changé fondamentalement dans le système, ils se trouveront confrontés à la même situation dans quelques temps qu’ils résoudront de la même manière.
En effet, baisser les cotisations sociales sur le travail et augmenter la CSG revient à ne pas changer grand chose pour les salariés, puisque les salaires sont soumis à CSG (voire à CSG imposable…), par contre, nous élargissons l’assiette de financement de notre protection sociale aux autres revenus que ceux du travail, et c’est bien là le raisonnement du Président. Nous allons donc réduire les revenus d’un certain nombre d’activités, dont celles de placement et d’investissement. Bien sûr, le discours idéologique des socialistes s’accommode très bien de ceci, puisqu’il s’agit de « taxer » les riches qui ont de l’argent qui dort et qui vivent de leurs rentes. Le problème, c’est que cette image d’Épinal ne correspond pas à la réalité et que l’immense majorité des « riches » en question est composée de petites fourmis qui ont compris depuis longtemps que le système aberrant de retraite français allait exploser et qui ont fait des économies placées qui sur un contrat d’assurance vie, qui dans un appartement ou une maison qu’elles louent pour assurer un petit complément. L’immense majorité de ceux qui ont « plus » que la majorité décrite précédemment, sont des artisans ou des commerçants qui, après avoir travaillé quelques fois plus de 70 heures par semaine pendant des années, ont créé une valeur marchande (SARL, commerce) qu’ils ont réalisée, se constituant ainsi un capital qui n’est que le fruit de leur travail (sous-rémunéré pendant des années) et dont les intérêts devront couvrir leur retraite, leur régime ne leur assurant quasiment rien. Bref, pas des milliardaires spéculant sur les matières premières et affamant les populations amazoniennes. En augmentant la CSG, on réduit le pouvoir d’achat de ces retraités (qui sont un moteur essentiel de l’économie actuellement et plus encore avec la montée du chômage), on diminue encore un petit peu plus l’attrait de certains placements (l’immobilier par exemple qui va subir un effet cumulatif avec le blocage des loyers) sans pour autant limiter l’impact des produits étrangers sur le marché intérieur, sans pour autant baisser de manière conséquente le coût de la main d’oeuvre, sans pour autant élargir l’assiette aux revenus illégaux.
Le constat fait par le Président Hollande est un premier pas. La solution qu’il envisage de manière plus que probable n’est assurément pas la meilleure, mais qui aurait dit qu’un tel revirement aurait lieu en si peu de temps ? Alors, soyons optimistes et tous ensemble, disons-lui : « Encore un petit effort, Monsieur le Président ! » et peut-être aurons-nous la surprise l’an prochain de voir (ré)apparaître la… TVA sociale !
> Cet article est publié en partenariat avec MaVieMonArgent.info.
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