Le Zemmour du mardi. “C’était pourtant un rituel bien rodé, un jeu de mots plus ou moins douteux de Jean-Marie Le Pen, qui suscite aussitôt des cris d’orfraie du coeur des fausses vierges antiracistes. Mais, avec le temps, tout s’en va. La fournée n’avait pas le sombre éclat de ‘Durafour crématoire’ ou du détail. C’est un vieux mot français qui ne se rapporte pas automatiquement au four et les réactions indignées manquaient de brio. Les héros sont fatigués. L’offensive annti-Le Pen viendra de là où on ne l’attendait pas : de Le Pen. Marine contre Jean-Marie. La présidente du FN ne se contente plus d’enrager en privé. La faute politique qu’elle dénonce publiquement lui permet d’affirmer hautement que son parti est hostile à tout antisémitisme. C’est du judo : Marine Le Pen se sert de ses ennemis pour se rendre encore plus forte, pour légitimer son engagement républicain aux yeux des incrédules. Le seul risque pris par la fille est de ne plus paraître assez sulfureuse aux yeux des plus radicaux. Mais la perte est réduite et le gain énorme. Du coup, nos antiracistes patentés pris à revers s’affolent et sont contraints d’inventer une complicité à laquelle personne ne croit. C’est que Marine Le Pen s’est servi d’eux pour se débarrasser définitivement de l’ombre de son père et de tout le passé sulfureux qu’il incarnait. La fille tue le père, le XXIe siècle se déleste du XXe siècle.
Jean-Marie Le Pen a prononcé un mot plutôt anodin même si certains considèrent que l’arrière-pensée ne l’est pas. Mais il a surtout commis une faute de temps, ce qui, en politique, ne pardonne pas. Déjà, il n’avait jamais voulu admettre que, selon le mot célèbre de Bernanos, Hitler avait déshonoré l’antisémitisme. On n’est plus en 1900, on n’est même plus dans les années 1980, lorsque les juifs français suivaient aveuglément leurs coreligionnaires les plus médiatisés, intellectuels ou artistes, dans un combat antiraciste qui dénonçait les Français comme un peuple indécrottable de Dupont Lajoie. Aujourd’hui, les juifs sont les premières victimes des exactions islamistes, les solidarités ont changé de camps : les banlieues se vident de leurs habitants juifs et chrétiens, certains esprits israélites iconoclastes commencent à regarder la présidente du FN comme un ultime quoique paradoxal rempart. Après l’arrestation du terroriste de Bruxelles, le président du CRIF demanda, comme Marine Le Pen, la déchéance de sa nationalité. Au Parlement européen, celle-ci est l’alliée privilégiée de Geert Wilders, le grand ami d’Israël et des juifs hollandais. Jean-Marie Le Pen ne devrait pas être étonné ni hostile à la conduite de sa fille. Lui-même, au milieu des années 80, avait déjà entamé une semblable stratégie de dédiabolisation, un voyage en Israël était même prévu avant que l’affaire du détail ne détruisit son savant échafaudage. Il y a quinze ans, lorsque Bruno Mégret et ses amis avaient tenté de le renverser, pour les mêmes motifs, avec les mêmes objectifs, Jean-Marie Le Pen s’était drapé symboliquement dans une toge romaine et avait lancé fièrement à ses adversaires : ‘Je ne ferai pas comme Jules César, je ne tendrai pas mon coeur au couteau en disant *Toi aussi mon fils*’. Aujourd’hui, il pourra seulement regarder d’un air las les couteaux qui l’achèveront en murmurant ‘Toi aussi ma fille’.”
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