À force d’épurer, on finirait par ne plus trouver personne d’une orthodoxie irréprochable.
Marc CrapezLes intellectuels ont peur. Ils biaisent. Ou se taisent. À quelques exceptions près, ils s’abritent derrière le pathos du « recueillement » face la « barbarie » pour ne pas renvoyer les extrémismes dos-à-dos. Ils ont sacralisé la victime, avec le refrain habituel sur « les mots qui tuent ». Ils ont même voulu croire à une intention criminelle après avoir été « chambré » (sic)…
Les déclarations enfiévrées du chef du gouvernement (qui préconise de « tailler en pièces, en quelque sorte, de façon démocratique » les néofascistes) et des responsables des deux principaux partis de gauche s’expliquent. Jean-Marc Ayrault, Jean-Luc Mélenchon et Harlem Désir furent, tous trois, dans leur jeunesse, des militants plus ou moins proches de l’extrême-gauche trotskiste. Ils retrouvent en Clément Méric le jeune homme qu’ils ont pu être. L’émotion qu’ils laissent transparaître découle d’une appréhension intime. Ils s’identifient à la victime. À cette partialité, s’ajoute une identification socio-culturelle à ce jeune homme issu d’un milieu de fonctionnaires et d’intellectuels.
La gauche intellectuelle et militante (contrairement au peuple de gauche) est sectaire parce qu’elle manifeste main dans la main avec l’extrême-gauche. Elle minimise la violence d’extrême-gauche au nom du combat contre l’extrême-droite. Le danger est que les extrémistes qui veulent interdire d’autres extrémistes deviennent ces voisins de palier qui, en cas de rupture révolutionnaire, vous dénoncent à la police politique du régime totalitaire.
Les extrémistes rêvent de faire taire d’autres extrémistes puis, de proche en proche, tous leurs opposants. Aujourd’hui, quand les activistes d’extrême-gauche croisent des syndicalistes de l’UNI, des colleurs d’affiches de l’UMP, des opposants au mariage gay, ou des CRS, ils se montrent violents verbalement et parfois physiquement. Demain, des centristes et bientôt des modérés de gauche seront les prochains sur leur liste, jusqu’à ce qu’ils s’entre-déchirent entre factions d’extrême-gauche.
Avant d’être dénoncé par un pasteur antinazi, ce mécanisme fut analysé par un dénommé André Morin, en 1870, au moment où se développait un violent courant d’extrême-gauche athée réclamant des purges anti-catholiques : « Qu’une secte philosophique, athée ou autre, se mette à persécuter les catholiques, il n’y aura pas de raison pour que des rigueurs pareilles n’atteignent les protestants, les juifs, les déistes, les panthéistes, puis les athées qui ne donneront pas une adhésion complète au formulaire de la secte dominante. A force d’épurer, on finirait par ne plus trouver personne d’une orthodoxie irréprochable ; personne ne serait à l’abri de la persécution ».
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