Le 10 mai, jour maudit

Tribune libre de Christian Vanneste*

Le 10 mai est une date redoutable pour notre pays. Croisons aujourd’hui les doigts. Mais ce jour maudit a déjà frappé à trois reprises au siècle dernier. À chaque fois, la France a eu le plus grand mal à s’en remettre. C’est le 10 mai 1940, que commença avec l’offensive allemande la défaite la plus humiliante, le désastre militaire le plus sombre de notre histoire. C’est un 10 mai que les jeunes d’un pays riche qui était, de loin, le plus dynamique et le plus important d’Europe, ont érigé la première barricade sous prétexte que la France s’ennuyait, selon l’éditorialiste du Monde. C’était en 1968, et des groupes irresponsables allaient gâcher l’œuvre de redressement opérée par le Général De Gaulle, le conduire au départ, un an plus tard, avec une ingratitude inouïe, et laisser dans l’esprit des imbéciles l’idée que cette agitation stérile était une révolution importante. Enfin, le 10 mai 1981, un ambitieux parvenait à ses fins en devenant Président de la République. Extrémiste de droite, avant guerre, vichyste jusqu’à ce que Stalingrad fasse basculer la victoire d’un camp à l’autre, résistant dès lors, puis politicien professionnel de la IVe République, cet homme voulait un pouvoir dont il abusa. Il imposa au pays des réformes à contre-temps dont nous n’avons toujours pas réparé les conséquences : temps de travail insuffisant, dépense publique excessive, prélèvements obligatoires asphyxiants, chômage de masse, lourdeur administrative, corruption de la vie politique. Le XXIe siècle va-t-il confirmer le sort qui marque cette date ? C’est un 10 mai, en 2001, que fut votée la la loi Taubira sur la traite transatlantique. Cette date lève-t-elle une malédiction ou la prolonge-t-elle ?

“Que penser d’une loi qui a des conséquences pénales et qui définit de manière rétroactive comme « crimes contre l’humanité », ce concept juridique de 1945, des faits vieux de plusieurs siècles ?”

S’il s’agit de dénoncer l’esclavage et la traite des esclaves comme un crime contre l’humanité, on ne peut qu’approuver ce texte. Malheureusement, cette loi contient des dispositions nuisibles qu’il faut dénoncer. Ce texte est réducteur et discriminant. Pourquoi limite-t-il les faits incriminés dans l’espace (Océans atlantique et indien, Afrique et Amérique) et dans le temps ( à partir du XVe siècle) ? Pourquoi exclut-il, par exemple l’esclavage en Méditerranée, c’est-à-dire les Européens capturés par les Barbaresques ? Est-il conforme à la Constitution ? On peut en douter. Il contient des dispositions réglementaires qui ne peuvent faire l’objet d’un texte législatif, selon les articles 34 et 37 de la Constitution. Non seulement la loi n’a pas vocation à juger, à évaluer l’Histoire, mais encore elle n’a pas à déterminer le contenu des programmes scolaires. Je suis bien placé pour en parler puisque mon amendement sur le « rôle positif de la présence de la France outre-mer » et « la place éminente » à accorder « aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires » voté à quatre reprises par le Parlement a été déclassé et abrogé par le Conseil Constitutionnel à la demande de… Chirac ! On peut aussi s’inquiéter des conséquences de cette loi pour les libertés publiques et le fonctionnement de la justice. En effet, que penser d’une loi qui a des conséquences pénales et qui définit de manière rétroactive comme « crimes contre l’humanité », ce concept juridique de 1945, des faits vieux de plusieurs siècles ? En permettant à des associations, subventionnées, d’agir en justice contre des personnes, elle contribue à introduire de l’inégalité entre les justiciables. La première conséquence sera de susciter une autocensure, chez les historiens, par exemple. Ce texte a été une nouvelle restriction de la liberté d’expression, un nouveau resserrement de la liberté de la presse, une addition de plus à la loi de 1881 qui n’a cessé de multiplier les risques de la parole ou de l’écrit dans notre prétendu « pays des droits de l’homme ».

“Il nous restait une histoire brillante pour nous redonner un moral de vainqueurs. Faut-il accepter que cela aussi disparaisse ?”

L’Assemblée nationale avait en 2008 créé une mission d’information sur les lois mémorielles, à laquelle j’ai participé. Le travail, les auditions de nombreuses personnalités furent passionnants. Les conclusions furent claires : plus de loi mémorielle ; l’équilibre entre le « devoir d’histoire » et « devoir de mémoire » peut être trouvé dans des résolutions qui ne porteront plus atteinte à la liberté des historiens ni à l’égalité des justiciables. Trois ans plus tard, la même désespérante majorité de l’époque votait un texte sur le génocide arménien… pour aider à la réélection de députés, semble-t-il. La conclusion s’impose : des lois mémorielles subsistent avec leurs conséquences préjudiciables à la liberté d’expression et de recherche. La seule qui a été éliminée était aussi la seule à valoriser notre pays. Quelle préoccupation les anime ? Le souci de protéger les verdicts de Nuremberg ? Je l’accepte. La volonté de dissoudre la fierté d’être Français dans une repentance sélective et étouffante ? Je m’y refuse. J’observe que ces lois sont politiquement orientées : ni le « génocide » vendéen, ni l’« Holodomor » ukrainien ne sont reconnus. La « droite » n’a osé ni défaire les textes non constitutionnels de l’autre camp, ni imposer les siens. La « boutique » UMP n’a pas hésité à légiférer sur le génocide arménien par les Turcs, que je ne conteste nullement, pour des raisons électoralistes. La France a perdu son statut de grande puissance en 1940. Certains Français ont, en 1968, affaibli l’homme qui en avait sauvegardé l’illusion et ils ont introduit dans notre société les germes d’une décadence aujourd’hui resplendissante. En 2001, l’homme du déclin a entamé les « trente piteuses » dont nous ne sortons pas et qui nous placent maintenant à la traîne de l’Allemagne. Il nous restait une histoire brillante pour nous redonner un moral de vainqueurs. Faut-il accepter que cela aussi disparaisse ?

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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78 Comments

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  • bernique , 12 mai 2013 @ 21 h 07 min

    Très juste ! Il était très fier de son humilité ! ! !

  • Charles , 12 mai 2013 @ 22 h 29 min

    http://www.bvoltaire.fr/christianvanneste/et-si-lump-et-le-fn-sunissaient,21934

    Monsieur Vanneste,

    Il semble y a voir une légère contradiction entre votre texte ici meme sur NDF
    et le texte posé ce jour ,également par vous meme sur le blog Boulevard Voltaire.

    Voir le lien ci dessus.

    Il semblerait que les 2 textes aient été écrits par 2 personnes différentes (2 sherpas).
    Sur Bvd Voltaire vous appelez à la fusion entre l’UMP et le FN….

    Dans quel but ???Vous savez bien que ceci est impossible
    compte tenu de 36 éléments ,ceux ci ayant été largement débattus ici meme.
    Votre texte sur Voltaire n’aurait jamais été placé sur NDF.

    Sur Bvd Voltaire et NDF ,on dirait que vous vous placez comme le poisson pilote
    de l’UMP qui vous demande de tenter de capter des voix tout azimuth
    aux bordures de l’empire qui veut récupérer les brebis égarées.

  • Alceste , 13 mai 2013 @ 0 h 52 min

    Allez lire “Pauvre Bitos ”
    http://www.cerclehernani.over-blog.fr

  • JSG , 13 mai 2013 @ 8 h 25 min

    Tout ce qui est véhiculé par Madame La Garde des Sceaux, n’est que haine déguisée. Elle semble s’être hissée à cette haute fonction pour régler des comptes de haine qu’elle porte sur son visage.
    Nous devons tout ça à Monsieur le Président Hollande qui porte le Pays bien Bas !
    CRAN
    Crétins Revenchards Assistés et Nuisibles.

  • A. , 13 mai 2013 @ 9 h 27 min

    (…)

    Modération : Vous voulez coûte que coûte un procès pour diffamation par le CRAN ? NDF n’en a pas les moyens, dsl.

  • A. , 13 mai 2013 @ 10 h 02 min

    De toute façon Mr Vanneste devrait clarifier sa position:
    – soit il adhère au RBM pour de bon, pour se rendre utile,
    – soit il admet qu’il n’est qu’un dandy littéraire.
    Tous ces piaillements font de lui un leurre de l’UMP.
    A.

  • Charles , 13 mai 2013 @ 10 h 09 min

    Pour comprendre la relation complexe et la comparaison
    entre Giscard et Chirac,il faut relire le dossier Robert Boulin de fin 1979,
    soit 18 mois avant ma fin de campagne de mai 1981.

    Giscard avait préparé de main de maitre son coup de jarnac contre chirac.
    A savoir ,il avait obtenu l’accord d’un vrai résistant de 40/44,
    son ministre Robert Boulin pour devenir 1er ministre en remplacement
    de Raymond Barre (dit Raymond la science) devenu somnolent.

    Robert Boulin était honnete homme ,n’était pas frère et avait plein
    de dossiers de détournements sur plein de gens a droite et a gauche.

    Son arrivée a Matignon serait une catastrophe pour les freres.
    De plus,sa seule presence permettait a Giscard de rallier
    les gaullistes historiques qui venaient de joindre le nouveau RPR de Chirac.

    Bref,la reelection de Giscard s’en trourvait considérablement renforcée.
    Ce qui ne plaisait ni au frère Mitterand ni au frère Chirac.

    Pour la suite,il suffit de savoir lire pour comprendre les connivences
    entre la gooooche et la droaate pour étouffer le dossier Boulin.

    Boulin ne fut pas seulement exécuté mais en plus il fut torturé
    pour le faire parler,en particulier sur le nom de ses soutiens politiques
    sans lesquels il ne pouvait pas avoir accepté l’offre de Giscard.

    L’affaire de l’exécution de Robert Boulin marque un véritable tournant
    dans la dérive mafieuse de la Veme Rippoublike de fronce.

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