Ce vendredi 3 mai, le S&P 500 clôturait à 1 614,42 points, son niveau le plus haut depuis la création de l’indice en 1957 ; un nouveau record qui pose une nouvelle fois la question du niveau de valorisation du marché. Je suppose que mes lecteurs ont déjà lu tout leur saoul les commentaires de ceux qui estiment ce niveau de valorisation excessif ; aussi, vous me permettrez de défendre le point de vue inverse. En un mot : je pense que le marché est historiquement attractif et voici pourquoi.
Si vous disposiez de 1 614 420 dollars, vous pourriez reproduire l’indice S&P 500, c’est-à-dire que vous pourriez acheter chacun des 500 titres qui composent l’indice en respectant à peu près les pondérations appliquées par Standard & Poor’s. Si vous faisiez cela, sur la base des chiffres de l’année écoulée, votre portefeuille génèrerait un résultat net consolidé de 89 634 dollars soit un earnings yield (résultat net sur prix, l’inverse du Price-to-Earnings ratio) de 5,6%. Historiquement, c’est un chiffre relativement élevé – c’est-à-dire que, sur la base des résultats des douze derniers mois et au regard du earnings yield historique de l’indice, le prix auquel vous pouvez acquérir ce portefeuille est relativement peu élevé. Pour vous donner un ordre de grandeur, quand le marché était très cher à la fin de l’année 2000, le earnings yield du S&P 500 était proche de 2% et, au maximum de la crise dite des subprimes, il a frôlé les 8%.
Naturellement, en tant qu’investisseurs, vous n’êtes pas intéressés par les résultats passés de vos investissements mais par leurs résultats futurs. Comme il se trouve que le futur nous est essentiellement inconnu, nous nous contenterons, avec toutes les précautions qui s’imposent, d’estimer le résultat consolidé des titres qui composent ce portefeuille dans l’année qui vient. Or, il se trouve que ces derniers devraient, en fonction des sources, augmenter de 25% à 28% par rapport à l’année écoulée et atteindre 112 000 à 114 800 dollars. En d’autres termes et en retenant une estimation médiane, le earnings yield prospectif du S&P 500 serait actuellement proche de 7%. C’est-à-dire qu’à supposer que les prévisions des analystes ne soient pas exagérément optimistes, le prix auquel vous pouvez espérer constituer ce portefeuille est très attractif.
Une des propriétés remarquables du earnings yield, c’est qu’il peut être entendu comme le taux d’actualisation d’un modèle de valorisation actuariel qui se contenterait d’escompter des résultats nets à perpétuité ; un modèle rustique – certes – mais qui est loin d’être dénué de sens. Autrement dit, c’est une approximation du taux de rendement interne de votre portefeuille tel qu’il est valorisé par le marché et basé sur les informations dont nous disposons à ce jour. À ce titre, il peut être instructif de le comparer à un autre taux de rendement : celui de l’actif (présumé) sans risque et en l’occurrence celui des Treasuries, les obligations du trésor des États-Unis, à 10 ans. Le 3 mai, écrasé depuis des mois par les programmes d’achat de la Fed, ce dernier terminait la semaine à 1,74%.
En d’autres termes, le taux de rendement prospectif du portefeuille actuel du S&P 500 est supérieur de près 5,3% à celui des Treasuries : il faut remonter à la fin des années 1970 pour trouver un niveau de valorisation aussi attractif.
Considérez bien que cet écart de taux est une prime de risque, l’essence même de la rémunération d’un investisseur, et que cette prime de risque est très élevée : même en tablant sur un scénario de croissance atone, les actions sont très attractives. Par ailleurs, les grandes entreprises américaines ont largement abordé le choc de la crise, elles ont recommencé à investir et se trouvent actuellement à la pointe de quelques-unes des révolutions technologiques les plus importantes de notre temps avec, comme débouché, un marché mondial qui ne cesse de grossir. Enfin, la politique d’écrasement des taux longs de la Fed prendra fin tôt ou tard – c’est sans doute une question de mois – et ce jour-là, n’en doutez pas une seconde, ce sont des actions que vous voudrez détenir en portefeuille.
> le blog de Georges Kaplan (Guillaume Nicoulaud)
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