Freud est heureusement de retour. Seule la psychanalyse peut délivrer la politique française de ses complexes, de sa névrose, du refoulé qui la rendent apparemment absurde et incompréhensible. Dans Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud avait souligné l’importance des oublis significatifs et des lapsus révélateurs. François Hollande s’est fait un plaisir de rappeler Freud à notre bon souvenir. C’était au dîner du Crif, où il juge nécessaire qu’un Président de la République se rende. Ayant toujours éprouvé de la sympathie pour l’identité juive et pour Israël, je ne crains pas de dire que ce n’est pas sa place. Que le Président reçoive les voeux des confessions religieuses est souhaitable. Qu’il reconnaisse le communautarisme, par sa présence à une manifestation communautaire, est en contradiction avec les valeurs de la République une et indivisible. La tragédie subie par les Juifs fait d’eux à l’évidence les témoins « privilégiés » des conséquences du totalitarisme et du racisme. De multiples commémorations permettent de saluer ce rôle. Pour autant, il n’est pas convenable qu’une organisation communautaire, par ailleurs assez naturellement liée à un pays étranger, soit érigée en partenaire privilégié du pouvoir. La bousculade des politiques à ce dîner correspond à une préoccupante inversion des rôles.
Or, à ce dîner, François Hollande a commis un lapsus. Il a parlé des quatre juifs et des trois musulmans assassinés par Mohamed Merah, oubliant d’ailleurs Loïc Liber, la troisième victime de Montauban, tétraplégique depuis. Le père d’Abel Chennouf, Albert Chennouf a adressé une lettre qui remet M. Hollande à sa place, qui n’est manifestement pas celle qu’il occupe. Il parle de son inculture qui lui a fait ignorer que la famille Chennouf est catholique et rappelle que la famille Legouad et la sienne avaient déjà dénoncé le manque d’équité présidentielle à l’égard des victimes. Il enjoint enfin au Président de ne plus citer le nom de son fils. Cette erreur présidentielle est une faute. À un premier niveau, celui de la conscience dirait ce cher Sigmund, F. Hollande a un objectif : la reconquête de l’électorat musulman habituellement favorable aux socialistes et chez qui le mariage unisexe a sans doute suscité déception et mépris. Mais plus profondément, que de tendances inconscientes sous ce lapsus !
“Manifestement, un Chennouf, d’origine kabyle, ne pouvait qu’être musulman. Sarkozy avait commis la même erreur… Abel Chennouf était kabyle, comme Saint Augustin, dans une région qu’on appelle aujourd’hui l’Algérie, qui fut chrétienne avant la France et avant que les Arabes ne la conquièrent avec le sabre. Un vrai républicain aurait dû évoquer les trois militaires et les quatre autres Français , dont trois enfants, assassinés parce qu’ils étaient soldats ou fréquentaient une école de confession juive.”
Comme des bulles qui remontent à la surface les sous-entendus du lapsus se font entendre. D’abord, il y a l’inconscient de la mécanique politique. Dans une élection, ce qui compte le plus est le pourcentage de voix, même marginal, qui permet de prendre le dessus. Une « communauté » à l’identité forte et revendicative, même minoritaire est plus décisive que la majorité relâchée, et indifférente à ce qu’elle est. C’est encore plus vrai lorsqu’elle a l’oreille des médias. Que les catholiques se soient mobilisés contre le mariage unisexe a été une surprise, négligeable puisqu’il s’agit d’électeurs de droite irrécupérables et dont le poids médiatique est inférieur à celui du lobby gay. À l’étage inférieur, on entre dans le complexe de culpabilité. Il est entendu que la France, honteusement esclavagiste, colonisatrice et collaborationniste, doit se battre la coulpe en permanence. Lorsqu’un jeune désaxé qui s’affirme musulman, parce qu’on n’a pas été capable de lui faire aimer le pays dans lequel il vit, tue d’autres Français, il est préférable que ceux-ci soient des victimes par nature, victimes minoritaires de notre histoire. Encore plus profondément, il y a le racisme refoulé des antiracistes, dénonçant l’affirmation identitaire française, mais ne cessant de définir des identités, de coller des étiquettes. Manifestement, un Chennouf, d’origine kabyle, ne pouvait qu’être musulman. Sarkozy avait commis la même erreur… Abel Chennouf était kabyle, comme Saint Augustin, dans une région qu’on appelle aujourd’hui l’Algérie, qui fut chrétienne avant la France et avant que les Arabes ne la conquièrent avec le sabre. Un vrai républicain aurait dû évoquer les trois militaires et les quatre autres Français , dont trois enfants, assassinés parce qu’ils étaient soldats ou fréquentaient une école de confession juive.
Mais, au-delà de ce lapsus, apparaît un oubli tellement immense qu’il confine à l’amnésie. Cet oubli est celui de la fonction qu’on occupe et des priorités qu’elle comporte. Le Président de la République est le porteur du Bien Commun qui transcende les communautés particulières. Or, la France n’est pas un puzzle de communautés. C’est une Nation forgée à travers une histoire qui fut brillante tant qu’elle a été conduite par des chefs dignes d’elle. Elle a accueilli en son sein des hommes et des femmes venus d’ailleurs mais qui ne doivent pas altérer son identité, son âme, celles d’un pays occidental et chrétien qui n’est devenu une République laïque que dans la mesure où il a bénéficié de ce terreau culturel. L’identité, la seule, que le Président devait souligner chez les victimes, était leur qualité de Français, leur identité nationale.
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