Enfin des victimes honorables, des vraies, de celles qui peuvent devenir de dignes martyrs ! Les chrétiens un peu à l’écart de notre rassurant chez nous, même crucifiés, ça ne fait pas le même effet. Les flics c’est pareil. Ils sont certes plus proches, mais l’uniforme ça freine clairement la compassion et qui sait s’ils ne l’avaient pas un peu cherché. Frilosité de groupe, lâcheté consensuelle, œillères médiatiques et douce parole politique garantissent à chacun un aveuglement lénifiant et confortable sur tous ces crimes et ces ignobles morts.
Sauf que là, les habituels déséquilibrés isolés ont commis le sacrilège ultime : abattre des purs, des rebelles, des défenseurs de la lumière. Parce que la provocation et l’insulte – même subventionnées -, c’est de la joyeuse impertinence buissonnière – quand, bien sûr, elle s’attaque aux bonnes minorités, aux bonnes opinions politiques, et aux bonnes personnalités, le pouvoir étant très chatouilleux sur sa petite image. Le déferlement émotionnel est à la hauteur de la profanation : apocalyptique ! Et c’est dans une immense vague d’indignation que le miracle groupal a eu lieu : des millions de Charlie identiques se mettent à gémir sur le même fond noir qui rassemble parce qu’il ne veut rien dire et qu’il ne faut pas dire. Ou alors des choses consensuelles. C’est le moment de parler du sexe des anges pour ne pas rompre le lien, ne pas faire d’amalgame : liberté d’expression, la plume est plus forte que les fusils, vive les crayons. Comme si la liberté d’expression existait encore dans un pays qui bâillonne sans pitié tout ce qui ne pense pas comme lui, cherche à éradiquer avec un froid systématisme toute déviance à son catéchisme, et écrase d’humiliation et de mépris les récalcitrants. Comme si les lois Perben, Gayssot, Pleven et récemment Taubira n’étaient pas de redoutables instruments pour contraindre au silence. L’autre n’est pas tué physiquement, il est nié, calomnié, exclu, repoussé, traité comme un traître ou un criminel.
Parler de crayons et de fusils quand trois terroristes se revendiquent ouvertement islamistes et posent un acte de guerre, c’est compter les pâquerettes piétinées par un taureau furieux et ignorer la bête. Nos représentants portent une lourde responsabilité et ce n’est pas en continuant bêtement d’enfouir la tête dans le sable à coup de marche humanitaire et de se voiler pudiquement la face pour ne pas nommer ce-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom qu’on va protéger nos valeurs. Ce n’est pas la liberté d’expression que ces barbares refusent, c’est notre civilisation, et ils s’acharneront jusqu’à ce qu’elle se soumette ou disparaisse. Remarquez l’avantage du mode autruche, c’est qu’on a déjà le genou à terre et presque les fesses en l’air : c’est bien parti pour la première phase ! Les douze malheureux que cette inconséquence coupable a envoyé ad patres se foutent bien des honneurs et de la guimauve dont on emballe ceux qui les ont assassinés. Ils préféreraient être en vie.
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