Plus de doutes : les radars automatiques ne sont bien que des tirelires

Cela fait maintenant plus de dix ans que le premier radar automatique a été installé, et que leur multiplication a permis de fières rentrées financières pour un Etat exsangue, avec l’excuse passe-partout de la sécurité routière. Cependant, à mesure que les années passent, le bilan, au delà du financier, laisse de plus en plus perplexe.

L’association « 40 Millions d’Automobilistes » revenait d’ailleurs récemment, via un article de Contrepoints, sur ce bilan, pour constater essentiellement que depuis leur installation, les radars automatiques apparaissent surtout comme une manne financière formidable (4,2 milliards d’euros depuis 2003), et si les Français étaient majoritairement pour ce genre de système à son introduction (favorables à 66%), progressivement, l’opinion publique s’est donc inversée puisqu’ils sont aujourd’hui opposés à 80% à la poursuite de ce genre de politique répressive.

L’article, écrit en octobre, se posait la question assez légitime de savoir si ces radars sauvaient effectivement des vies ; à vrai dire, à regarder la localisation de ces radars, et à la comparer avec celle des principales zones d’accidents de la route, le doute fait plus que s’installer sur l’objectif sécuritaire de ces engins. En outre, il notait que d’autres pays (comme l’Angleterre) avaient fait le trajet inverse en matière d’équipement de sécurité, en ne mettant pas ou en enlevant les radars automatiques, sans constater une immédiate augmentation de la mortalité.

Et voilà que ce début décembre apporte une réponse aux questions soulevées. En effet, une enquête que l’INSEE vient de publier montre, avec toute la délicatesse, la diplomatie et la subtilité rhétorique nécessaire à un sujet ô combien sensible, que les radars automatiques ne sont vraiment pas la panacée en matière de sécurité, et que s’ils permettent effectivement de diminuer un peu le nombre de morts sur la route lors de leur installation, ils n’ont qu’un impact extrêmement limité voir nul sur le long terme. Pour Sébastien Roux et Philippe Zamora, les auteurs,

« L’installation des radars fixes dans les communes de moins de 6 000 habitants aurait évité, en extrapolant sur la période de 2003 à 2011, environ 740 décès, 2 750 blessés graves et 2 230 accidents graves. »

Ce qui revient à dire que ces radars auraient hypothétiquement évité moins d’une centaine de morts par an. Zut alors, voilà qui ne va pas du tout dans le sens officiel. Pire, il semble que la baisse de mortalité soit très grandement due à d’autres facteurs comme l’amélioration assez sensible du parc automobile sur la même période, des sécurités passives sur les voitures (airbags, électronique de correction de trajectoire, petits couinements pour obliger le conducteur et le passager à porter sa ceinture, infrastructure routière en bien meilleur état).

Autrement dit, on rejoint ici tant les associations d’automobilistes que celles des contribuables et les observations quotidiennes des usagers de la route, qu’ils soient professionnels ou non : la sécurité routière est essentiellement devenue en France une excuse médiatique avouable pour tout un champ d’expérimentation taxatoire plus ou moins violent, mais dont la finalité affichée (la sécurité) n’est en rien en rapport avec les buts officieux (remplir les caisses de l’État).

Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’à la suite de cette étude réalisée par un service de l’État et donc difficilement accusable de biais idéologique évident, il n’y a eu aucune réaction de la Sécurité Routière Officielle de l’État Qui Veut Votre Bien De Force. Et c’est logique : les chiffres sont connus, les observations de bon sens aussi ; la diminution du nombre de morts depuis 2003 sur les routes françaises ne laisse aucun doute et l’introduction des radars après 2003 n’a en rien modifié la tendance générale. Lorsqu’on regarde les chiffres, la période avant et la période après l’introduction des radars, l’impact de ces derniers est pour le moins délicat à évaluer.

Bien sûr, cette absence de réaction de la part de la Sécurité Routière a immédiatement déclenché une petite poussée d’urticaire de Chantal Perrichon, la passionaria anti-vitesse présidente de la Ligue contre la violence routière, qui réclame depuis des mois « une cellule de riposte ». Le terme de « riposte » est ici parfaitement idoine puisqu’il s’agira pour elle de mener une contre-attaque et d’enterrer la méchante étude sous des paquets de démentis, de cris, de communiqués de presses outragés, de sondages plus ou moins bien troussés parce qu’il faut bien le dire, ce qu’ont fait les statisticiens de l’INSEE, c’est s’opposer au dogme, et c’est aller « à l’encontre de tout ce que l’on sait en matière de sécurité routière », même si ce que l’on sait semble pourtant battu en brèche par les chiffres, les statistiques, les observations et le bon sens.

Et c’est tellement vrai que les radars ne rapportent plus ce qu’ils pouvaient rapporter à leur introduction : les automobilistes se sont habitués, ou, au pire, se sont dotés d’appareils légaux les avertissant de la proximité de ceux-ci. Le comportement sur la route s’est donc adapté non pas en fonction de la vitesse, mais de la localisation des radars, placés, on le rappelle, avant tout pour des contraintes de rentabilité et non de sécurité. La réaction de plus en plus adverse des automobilistes tient d’ailleurs pour grande partie dans l’aspect arbitraire des sanctions qu’administrent mécaniquement ces engins, et ce d’autant plus, justement, qu’ils n’obéissent pas du tout à des impératifs de sécurité ; ce décalage est d’ailleurs visible lorsqu’on demande aux flashés s’ils estimaient respecter la limitation ou non : 61% le croyaient en effet, ce qui montre deux choses : a/ la vitesse jugée confortable par l’automobiliste sur le tronçon de route couvert par le radar n’est pas celle qui est imposée par la limite officielle, arbitraire, et b/ l’objectif pédagogique et sécuritaire de ces appareils n’est absolument pas rempli puisque c’est surtout l’incompréhension qui domine.

À ce décalage, il faut ajouter que, côté autorités, l’argent rentrant moins bien qu’escompté, de nouveaux moyens se mettent en place, comme en témoigne l’apparition de radars embarqués, dont l’utilisation sera d’autant plus facilitée que les limitations de vitesses changent constamment sur le réseau routier, soit d’un tronçon à un autre sans explication réellement valable, soit dans le temps avec des modifications (très généralement à la baisse) dont les usagers ne seront avertis que … trop tard, par voie d’amende.

Le bilan est toujours le même : la sécurité routière et les discours lacrymo-stressants de Perrichon se traduisent très concrètement par une augmentation sans précédent du nombre de personnes roulant sans permis, sans assurance (plusieurs centaines de milliers actuellement), et une sur-focalisation sur la vitesse comme cause des accidents, ce qui fait passer les autres raisons de mortalité en arrière-plan alors que ce sont sur ces causes qu’il faudrait agir en priorité, comme la perte de vigilance, l’endormissement ou l’alcoolémie.

Cette étude INSEE, on le comprend, est déjà fort décriée : elle a levé le lièvre que tout le monde soupçonnait et montre, une fois encore, que les pouvoirs publics considèrent avant tout les automobilistes comme des sources de revenus avant de considérer qu’il s’agit d’électeurs en déplacement. Si c’est pratique pour les finances d’un pays exsangue, c’est sur le long terme politiquement dangereux.

La multiplication des destructions de radars actuellement prouve à qui en doutait encore que cette situation de répression ridicule ne pourra pas durer très longtemps.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

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45 Comments

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  • 0 / 10
  • montecristo , 10 décembre 2013 @ 14 h 38 min

    Il existe … en Allemagne par exemple … des panneaux qui avertissent que vous avez la priorité et des panneaux qui indiquent que vous ne l’avez pas !

    En France … on voit parfois les mêmes … mais APRES les carrefours !

    Il suffirait de mettre en place des signalisations de ce genre pour supprimer bon nombre de panneaux et de régler pas mal de problèmes de code.

    Il devient impossible de rouler aujourd’hui sans avoir fait Polytechnique !

  • RaLeBolHenri , 10 décembre 2013 @ 16 h 19 min

    C’EST CA NOTRE REPUBLIQUE ??????? VIVE LE ROI !!!!!!!!! ON MARCHE SUR LA TËTE . Les imposteurs sont aux pouvoirs . Ralebol de Nîmes .

  • darad , 10 décembre 2013 @ 20 h 45 min

    Sur l’ensemble du territoire, depuis 2004 début des radars automatiques en France (avant leur nombre était négligeable), il y a moins de progrès dans la baisse des morts sur routes qu’avant:
    -1972: environ 17600 tués (suivant la nouvelle définition du tué de 2004-2005), le pic de mortalité sur les routes en France
    -2001: environ 8150 tués (selon la nouvelle définition)
    -2003: environ 6050 tués (selon la nouvelle définition) avec une augmentation de 2% des km parcourus en France par rapport à 2001 et une augmentation de 160% par rapport à 1972.
    -2012: 3653 tués avec une stabilité des km parcourus en France en automobiles,
    chaque année entre 2003 et 2012, il y a donc eu une baisse moyenne de 5% du nombre de tués par km parcouru,
    moins bien qu’avant, de 2001 à 2003 la baisse a été en moyenne de 17% par km parcouru,
    moins bien surtout que pendant les 3 décennies précédentes: chaque année de 1972 à 2003 la baisse a été en moyenne de 6 % par km parcouru. Avec la même amélioration de la sécurité qui avait lieu avant l’installation des radars, il y aurait eu environ 300 morts de moins en 2012, 1500 vies supplémentaires auraient été sauvées en 9 ans par rapport à la situation actuelle avec les radars, et il y aurait eu 2000 morts en 2020.
    Voyez aussi le site onnousprendpourdesjambons.over-blog.com,
    Voyez le nombre des tués entre 2003 (quasiment pas de radar automatique en France) et 2012, il est passé de 6059 à 3653 (-40%) . Moins bien qu’ en Allemagne où il est passé de 6600 à 3601(-46%) avec peu de répression par limite de vitesse, mieux qu’en France où il y a eu beaucoup plus de répression des vitesses par radars. En suivant le même genre de raisonnement simpliste que les poseurs de radars, nous pouvons dire que la France a fait moins bien que l’Allemagne à cause de la mise en place des radars.

    Il y a prolifération de radars fixes hors des sections de routes dangereuses où dépasser une certaine vitesse augmente les accidents : courbes, cas des routes mouillées, du brouillard et de certains carrefours (cette vitesse variant aussi selon le véhicule). Cette prolifération de radars est dangereuse parce qu’elle provoque des accidents supplémentaires par somnolence et distraction, à cause des vitesses trop basses qu’ils imposent sur les sections où la vitesse 10, 20, 30 km/h au dessus de la limite généralisée n’est pas accidentogène : lignes droites, autoroutes,….
    Les radars mobiles seraient utiles, s’ils étaient employés sur ces sections de routes où dépasser une certaine vitesse augmente les accidents. Mais il est presque sûr qu’ils seront utilisés sur les sections où ces vitesses au dessus de la limite généralisée ne sont pas accidentogènes, comme la très grande majorité de radars fixes mal placés.

  • Ralph , 10 décembre 2013 @ 21 h 11 min

    Quel est le rapport entre le roi et la sécurité routière ??????

  • Cesar , 11 décembre 2013 @ 7 h 34 min

    L’origine d’un accident est toujours au départ une erreur du au propre de l’être humain. Personnellement pour faire environ 75000 km par an je suis plus exposé au radar que le français moyen. Suite à un stage de récupération de points j’ai remarqué que 70% des participants étaient là pour des problèmes d’alcool ou de drogue, 20 % ceinture, stop glissé, tel, 10 % excés de vitesse.
    Comme de coutume l’état profite des effets d’un accident mais pas de sa véritable cause. S’occuper de la cause ne rapporte rien.
    Il leur suffit de changer la vitesse de 10 km/h ou 5 et hop le chiffre d’affaire augmente. Ils ont voulu essayer la chose récemment mais c’est repoussé pour l’instant …. Devant la levée de bouclier des élus.

  • barruel91 , 11 décembre 2013 @ 10 h 24 min

    Euhhh…. Faut qu’on m’explique, on remarque clairement sur le tableau que suite à l’introduction des radars, le nombre de morts sur les routes baisse, et vous arrivez encore à oser émettre des critiques suite à leur instauration??? Vous préféreriez qu’il y’aient plus de morts, mais moins de radars, pour moins de PV potentiels?? Je ne vous suis pas…

  • Kanjo , 11 décembre 2013 @ 21 h 49 min

    pas sûr.
    Les seuls points que j’aie perdu (en une seule fois), c’est sur une quatre voies à 110 km/h : j’ai doublé un bus et n’ai donc pas vu prétendu panneau qui indiquait, parait-il, une limitation à 70 à cet endroit et je me suis fait chopée, comme les trois autres voitures qui doublaient le même bus au même moment. Il n’y avait aucune raison , aucune sortie, aucun danger…qui explique cette soudaine limitation. et il n’y avait pas de panneau sur le coté gauche de la route. or le coté droit était caché par le bus, donc pas visible.
    D’ailleurs, personne ne l’a vu car les flics verbalisaient en permanence, dès qu’un véhicule partait, un autre était arrêté. Ils m’ont même demandé de partir un peu vite car ils avaient besoin de la place pour un autre contrevenant. j’étais pourtant en train de téléphoner à la personne qui m’attendait pour lui signaler mon retard, Mais non, dégagez madame.

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