Le dernier dérapage verbal de M. Macron n’est pas anecdotique. Ce n’est pas un accident. Ce n’est d’ailleurs pas un dérapage, puisque lorsqu’on peut tracer en pointillé une ligne droite entre les prétendues maladresses d’une personne, c’est qu’elles révèlent une attitude profonde, cohérente, qui se dissimule de moins en moins à mesure que l’ivresse du pouvoir la libère. Il faut rappeler les faits qui ne concernent pas seulement les ouvriers en difficulté mais aussi les Pieds-Noirs ou les militaires, bref tous ceux qui ne correspondent pas au modèle de vie qui compte seul aux yeux de l’homme qui devrait être le Président de tous les Français : celui qui « réussit », en gagnant beaucoup d’argent.
M. Macron, en tant que Ministre, puis comme candidat, et enfin devenu Président, a fait un tour de France du mépris. Ministre depuis trois semaines, il évoque les ouvrières « illettrées » de Gad en Bretagne. Pour lui, il est clair que les Français appartiennent à deux catégories : la première, il en parle l’oeil brillant et le ton allègre, ce sont les jeunes « qui ont envie de devenir milliardaires, qu’il évoque en Mars 2015, et la seconde, les pauvres qui doivent pouvoir voyager plus facilement, en bus. (15/10/2014). Il y a la France des TGV et celle du low-coast routier. Devenu Président, il précisera d’ailleurs sa pensée en opposant parmi ceux qu’on croise dans les gares, « ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien » (29/6/2017). C’était à la station F, un campus de « Start-up » lancé par son ami Xavier Niel, co-propriétaire du Monde, qui a effectivement réussi, en commençant par le minitel-rose, les peep-shows, et les sex-shops. C’est connu : depuis l’Empereur Vespasien, l’argent n’a pas d’odeur, et après quelques démêlés judiciaires, M.Niel est maintenant le propriétaire d’Iliad, c’est-à-dire de Free, et l’heureux époux de la fille de Bernard Arnault, directrice générale adjointe de Louis Vuitton au sein du groupe LVMH. C’est ce qui s’appelle une réussite comme les aime notre Président : économiquement très rentable et moralement progressiste… Evidemment, ce n’est pas le monde auquel il était confronté à Lunel, le 28/8/2016, lorsqu’il s’adressait à des syndicalistes en leur disant que « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». Difficile d’être plus étranger à la situation de ceux qui lui font face : un jeune syndicaliste qui travaille sans costume ni cravate depuis l’âge de 16 ans, et une jeune chômeuse qui lui explique, les larmes aux yeux, qu’il lui manque 150 Euros pour payer son loyer. Manifestement, ce n’est pas son problème. Il a beau jouer parfois la compassion, il ne faut pas le pousser beaucoup pour qu’il se lâche, en étant méprisant. Les « fainéants » visés récemment à Athènes, le 9 Septembre dernier, qui sont-ils ? Ceux qui « foutent le bordel » en osant manifester contre lui et le rencontrer au lieu de chercher du travail ailleurs, comme il le dit à Egletons, le 4 Octobre ? Cette phrase lapidaire, vulgaire et princière à la fois, est une faute. L’autorité de Jupiter demande du charisme. Le Roi doit aussi aimer « son » peuple, le faire sentir, et savoir l’écouter. S’il avait été élu local, il aurait fait cet apprentissage. Le « cynique » dénoncé également à Athènes, n’est-ce pas avant tout lui-même ? Président tout neuf, le 29/6/2017, fort de sa majorité introuvable, il ne se sent plus. Certes, il n’est pas hostile à l’immigration qui pèse sur les salaires, mais il dira que c’est par humanisme. Non, en fait, les migrants n’ont droit qu’à son mépris et à son cynisme : « le kwassa-kwassa (la barque comorienne) pêche peu , il ramène du comorien ». M. Macron vit dans le monde brutal et matérialiste de la finance, celle où le gros poisson mange le petit sans problème. Notre Président trouve cela si normal qu’il est même prêt à l’aider comme il l’a fait quand il a autorisé la vente d’Alstom-énergie à General Electric. Le premier n’avait pas la masse critique, et peu importe qu’il englobait, outre des emplois présents en France, des filières stratégiques essentielles notamment dans le nucléaire civil et militaire, peu importe qu’il ait été saisi à la gorge par la justice américaine, la France compte peu aux yeux de M.Macron. Il faut juste améliorer les chiffres de son économie avant qu’elle ne disparaisse dans la grande Europe. La logique est la même que pour les entreprises !
On a beaucoup relevé son mépris de classe. Cela alimente l’opposition qui a la préférence des médias, celle des « Insoumis », mais le dédain du Président est beaucoup plus large et englobe tous ceux qui, à ses yeux, ne « réussissent » pas, ceux qui ont choisi une autre voie, ceux qui ont été les victimes de l’histoire, ou encore ceux qui ont passé l’âge de la réussite. Son attitude arrogante à l’égard du monde militaire est injustifiable. Dénué de la moindre compétence et de la plus petite expérience dans ce domaine où il détient le pouvoir suprême, il croit utile d’humilier un général cinq étoiles, Chef d’Etat-Major des Armées, la veille du 14 Juillet en affirmant qu’il n’avait nul besoin de commentaire parce qu’il était le chef. Le général Pierre de Villiers avait juste fait son devoir en répondant aux questions des députés réunis en Commission. Sans communiquer à ce sujet, il avait seulement dit que les 850 Millions d’économie annoncés, sans concertation avec lui, par le ministre du budget, étaient incompatibles avec la sécurité de nos soldats sur les théâtres d’opérations. Après la démission très digne du général, il avait, fin Août remis une couche, en parlant de « tempête dans un verre d’eau » ! Un Chef d’Etat n’a pas besoin de rappeler qu’il est le chef. Encore faut-il qu’il soit, aux yeux de tous, celui qui défend son pays et tous les Français. Or, avant même d’entrer à l’Elysée, M. Macron avait commis sa plus grande faute, lorsqu’il s’était abaissé à parler des « crimes contre l’humanité » de la France en Algérie, prenant à son compte le discours de l’étranger, ignorant l’humiliation et les souffrances des Pieds-Noirs, des harkis et de leurs descendants, obligés de vivre hors d’un pays qu’ils avaient grandement contribué à construire, avec le souvenir des assassinats perpétrés à leur encontre, par exemple à Oran, en 1962. Et que penser de sa politique économique injuste qui massacre les retraités et avantage les plus fortunés ? Le retraité peut avoir travaillé toute sa vie, avoir aujourd’hui une activité familiale et sociale extrêmement utile au pays, manifestement il n’a plus d’importance. D’ailleurs, lui, ne manifestera pas, ne mettra pas le « bordel » !
Monsieur Macron n’est pas le Président de tous les Français. Il est celui du microcosme, de l’oligarchie : celle du monde des affaires, celle des médias, celle des politiciens arrivistes. Tous se gargarisent de la croissance attendue à 1,8%, certains se demandant même si on la doit à Hollande ou à Macron, en oubliant qu’elle sera de 3,5 % pour le monde, de 2,3% pour les USA, de 2% pour l’Allemagne et le Royaume-Uni. La France bénéficie seulement du climat général, et le déficit de son commerce extérieur demeure inquiétant. Le ministre du budget symbolise assez bien ce pouvoir écoeurant : élu du Nord, il avait fustigé le candidat Macron quand celui-ci avait pointé l’alcoolisme du bassin minier à Noeux-les-mines, en Janvier 2017 : « Après les « illettrés bretons, le banquier Macron insulte les gens du Nord « alcooliques ». Voilà un monsieur suffisant mais pas nécessaire ! » Il le soutient désormais avec enthousiasme, car le « banquier » est devenu le vecteur nécessaire de sa propre… réussite !
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