Le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby, vient de communiquer à la presse la déclaration suivante :
“Les gens doivent comprendre qu’il nous faut un peu de patience stratégique. (Les combattants de l’EI) ne vont pas s’envoler du jour au lendemain et Kobani tombera peut-être (…) Ils menaceront d’autres villes et ils en prendront d’autres. Cela va prendre un peu de temps.”
“Aussi horrible que ce soit d’observer en temps réel ce qui se passe à Kobani (…), vous devez prendre du recul et comprendre l’objectif stratégique (des Etats-Unis)”, a déclaré de son côté John Kerry.
Ainsi Obama atteint le sommet de l’ignominie : il sacrifie les combattants kurdes qui résistent héroïquement aux hordes des djihadistes et livre au massacre la population civile qui reste encore dans la ville assiégée.
Au lieu de faire pression sur la Turquie pour venir à l’aide aux combattants Kurdes et d’intensifier l’aide militaire, y compris l’envoi de forces spéciales pour stopper l’avancée des islamistes, Obama dit aux coupeurs de têtes qui brandissent les drapeaux noirs : « Allez-y les gars, la voie est libre, nous avons tout notre temps pour vous faire la guerre. »
Cette décision honteuse et scandaleuse d’abandonner un allié qui combat sur le terrain l’Etat Islamique est révélatrice du jeu trouble que mènent les Etats-Unis et ses partenaires occidentaux. Ce jeu trouble se caractérise par le manque total de véritable stratégie face à l’EI, par le cynisme poussé à l’extrême et par les conflits d’intérêts entre les différents membres de la « coalition » qui rendent toute action effective sur le terrain improbable.
Au lieu de s’appuyer sur les acteurs présents sur le champ de bataille, engagés dans la lutte contre les islamistes : les forces kurdes et l’armée du Président Bachar el-Assad, les Etats-Unis et ses partenaires abandonnent lâchement les Kurdes pour faire plaisir à la Turquie et tournent le dos à l’armée syrienne en accentuant l’aide militaire aux opposants « démocratiques » au Président Assad. Ces derniers sont censés mener la guerre sur deux fronts : contre les forces de Bagdad et contre les islamistes. C’est tout simplement une absurdité sur le plan stratégique.
“Face à un adversaire déterminé et aguerri qui a des objectifs clairs, la « coalition » occidentale n’a aucune chance de gagner. La guerre est à nos portes.”
La France refuse de mener des raids aériens contre les djihadistes sur le territoire syrien pour ne pas aider le Président Assad à qui on reproche de ne pas être un vrai démocrate. Mais rien n’empêche le président Hollande de faire les yeux doux à l’Arabie Saoudite, pays peu connu pour sa tolérance et le respect des droits de l’homme, pays où l’on coupe la tête au sabre pour le non respect des lois de la charia (y compris pour l’apostasie). Plusieurs dizaines d’exécutions capitales barbares ont lieu en Arabie Saoudite chaque année.
L’Arabie Saoudite a ainsi beaucoup de mal à choisir son camp. Comme le rappelait récemment le chercheur Ed Husain dans une tribune publiée par le New York Times, la position de l’Arabie Saoudite « est le reflet de sa paralysie interne dans le traitement du radicalisme islamiste sunnite. Al-Qaïda, l’Etat islamique, Boko Haram, Al-Shabab sont tous des groupes sunnites salafistes violents et pendant cinq décennies, l’Arabie Saoudite a été le sponsor officiel du salafisme sunnite dans le monde entier. Elle a créé le monstre qu’est le terrorisme salafiste. »
De son côté, notre autre « allié », le président turc Recep Tayyip Erdoğan, affirme que « le PKK est plus dangereux que l’Etat Islamique » et que la priorité n’est pas de repousser les djihadistes mais de faire tomber le régime de Bachar el-Assad.
La Turquie assiste de façon totalement passive au massacre des combattants kurdes à quelques kilomètres de ses frontières et réprime brutalement les manifestations de solidarité kurdes sur son territoire (18 morts). Tout ceci ne l’empêche pas d’être un partenaire parfaitement respectable au sein de la « coalition ».
La « coalition » organisée par les Etats Unis pour lutter contre l’EI n’est rien d’autre qu’un bricolage bancal sans queue ni tête, une série d’alliances hétéroclites des pays aux intérêts divergents, destinée à masquer l’incapacité de l’Occident à avoir une vraie stratégie pour combattre l’EI.
Face à un adversaire déterminé et aguerri qui a des objectifs clairs, la « coalition » occidentale n’a aucune chance de gagner. La guerre est à nos portes.
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