Le Land du Mecklembourg-Poméranie Occidentale, issu de la RDA, est une des régions les moins peuplées de l’Allemagne Fédérale. Elle compte 1,6 million d’habitants. C’est peu en comparaison des 17,5 millions de Rhénanie-Nord-Westphalie ou des 10,5 millions du Bade-Wurtemberg. Les élections au landtag de dimanche dernier ont cependant constitué un événement. L’Afd (Alternative pour l’Allemagne) a obtenu 21% des voix. Elle avait fait mieux déjà en Saxe-Anhalt en Mars avec 24% dans ce Land plus important et avait étonné en réalisant 15% dans le puissant Bade-Wurtemberg. Mais la nouveauté, c’est que l’Afd devance cette fois la CDU de la Chancelière et dans la terre d’élection de celle-ci. Le désaveu est cruel. Il porte essentiellement sur un sujet, sa politique favorable à l’accueil d’un grand nombre de migrants, et suscite le doute sur sa réélection pour un quatrième mandat.
Ce succès a été souvent présenté comme une victoire de l’extrême-droite et avec un mélange de préjugés et de mauvaise foi a été vécu comme une menace dans un pays qui depuis 1945 avait repoussé la droite extrême avec horreur et repentance. Certains manipulateurs-commentateurs comme l’inévitable Barbier sont allés jusqu’à une sorte d’escroquerie intellectuelle. Celui-ci a d’abord évoqué l’ultra-nationalisme de ce parti. Le terme « ultra » outre qu’il n’est nullement justifié en dit plus sur celui qui emploie le mot que sur ceux qu’il vise. Il s’agit de stigmatiser, de disqualifier l’adversaire en caricaturant sa pensée. Le patriote est un ultra-nationaliste pour le mondialiste ou l’européïste bien-pensant, comme le libéral est ultra-libéral pour le marxiste. Puis le prolixe et sentencieux éditorialiste s’est livré à cet amalgame qui réduit la réflexion au réflexe : le populisme supposé de l’Afd conduirait au nationalisme et celui-ci à la guerre. C’est connu, l’Europe, c’est la paix, être contre c’est être pour la guerre. Le simplisme outrancier est une technique éprouvée de la manipulation des esprits. Il est cocasse de voir que des journalistes qui s’érigent en analystes sérieux et en donneurs de leçons ont recours à de tels procédés. Mais le diagnostic erroné laisse rapidement place à une thérapeutique absurde. Puisque monte le scepticisme à l’encontre de l’Europe, l’évidente solution consiste à faire plus d’Europe et plus vite. On ne peut mieux jeter la démocratie aux orties. Les « sachants » affirment sans vergogne que le peuple se trompe et qu’il faut poursuivre dans la voie qu’il réprouve. C’est du Gribouille, mais un Gribouille docte et arrogant. L’ennemi est pour lui le populisme. Il faudra qu’un jour on s’explique sur la possibilité de respecter la démocratie en méprisant à ce point le peuple.
Avec plus de sérieux, il faut mesurer le sens de la progression de l’AfD en Allemagne et de la montée en puissance de nombreux partis qui lui ressemblent en Europe. A l’origine, ce parti était libéral-conservateur, et c’est derrière son premier dirigeant, Bernd Lucke, qu’il a failli entrer au Bundestag, avec 4,7% des voix. Eurosceptique, il souhaitait l’abandon de l’Euro et le retour au Mark. Ce parti de professeurs a séduit un grand nombre d’électeurs ouvriers, jeunes, et notamment dans l’ex-RDA. Opposé à la dérive économique et monétaire de l’Europe, il a fait passer au premier rang la défense de l’identité culturelle et de la sécurité, lorsque la Chancelière a lancé son appel à l’immigration. L’Allemagne était un pays sérieux aux résultats économiques incontestables. Les Allemands ne souhaitaient pas payer avec le produit de leur efficacité les erreurs ou les faiblesses des autres, les Grecs, par exemple. Désormais, ils ne veulent pas être submergés par une invasion qui altère leur identité culturelle et menace leur sécurité. La progression de l’AfD est fondée sur ces deux réactions de bon sens. Il n’y a rien d’extrémiste dans cette position. Il y a même une opposition totale entre le fait qu’un parti ait autrefois voulu faire des Allemands les seigneurs du monde, et le fait qu’aujourd’hui, les Allemands souhaitent sauvegarder une identité et une cohésion nationale qui permettent à chaque Allemand de s’épanouir librement. Si cette exigence du bon sens s’appelle le populisme, il y a fort à parier qu’elle ne s’impose au microcosme des dirigeants et des communicants, parce qu’elle correspond à la force la plus grande qui anime les hommes, qui est de persévérer dans leur être. Les gesticulations à court terme des politiciens n’y résisteront pas.
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