Si la France était une oeuvre d’art, ce qu’elle est assurément aux yeux de ceux qui l’aiment, elle ressemblerait aujourd’hui aux Demoiselles d’Avignon de Picasso, en raison de l’étrange déformation que ses traits ont subie. La comparaison est toutefois risquée. Les deux visages peints à droite ont, paraît-il, été inspirés par des masques africains, et on pourrait y voir une allusion au remplacement de population que certains croient percevoir. Quant au titre des « demoiselles » qui devrait mettre en valeur l’importance du sexe féminin dans la nation française, il est aujourd’hui doublement proscrit, d’abord parce que la civilité « Mademoiselle », considérée comme sexiste est désormais interdite aux administrations, et que plus généralement la mention du sexe biologique traduit l’idéologie du mâle blanc de plus de 50 ans et ses stéréotypes. Comme le disait récemment une intéressante synthèse de précieuse ridicule et de gourou LGBT tout fier de sortir sa phraséologie militante, ( et des stéréotypes absurdes dont il semble n’avoir pas conscience), il ne faut pas confondre « identité de genre » et « expression de genre ». L’utilisation d’un vocabulaire pointilleux est soit le fait de la science, soit le fait d’une idéologie totalitaire qui se présente le plus souvent comme de la science. Dans le cas de ce personnage, la deuxième hypothèse est la bonne jusqu’au délire ! Gardons donc nos demoiselles d’Avignon sans vergogne. Peut-être même certains y verront une référence au Festival et une révérence à la pensée dominante et politiquement correcte. Avignon, cette année met en scène « le sujet du genre » qui « questionnera nos identités et nos certitudes ». La culture est faite pour « bousculer ». L’idée qu’elle puisse aussi transmettre est un odieux préjugé d’héritier. Cela nous ramène à Picasso qui bouscula nos habitudes figuratives. Bien sûr après avoir bousculé les formes, la perspective, supprimé l’anecdote réelle représentée, on peut aussi s’en prendre aux couleurs, les réduire à une seule, le bleu, le noir, le blanc, effacer le titre et même l’oeuvre en la ramenant à une performance éphémère. La France est en marche sur cette voie, mais pour l’instant, les couleurs sont encore présentes et plus que jamais. Le Black-blanc-beur a resurgi à l’occasion de la Coupe du Monde de Football. Mais, soyons honnêtes : le Bleu-blanc-rouge accompagné de la Marseillaise est brandi sans complexe. Même si on se dit que le motif en est bien inconsistant, voire même trompeur, l’habitude d’affirmer son appartenance nationale à l’occasion d’un match gagné est un moyen de réveiller le patriotisme. Comme le disait Pascal, pour croire, il faut faire les gestes.
Malheureusement, de même qu’on a du mal à identifier les demoiselles de Picasso, on peine chaque jour davantage à définir notre pays. Sur son visage aussi rien ne semble être en place. A commencer par son Président qui s’effondre dans les sondages parce qu’on ne sait plus qui il est : réformateur ou bonimenteur ? Jupiter foudroyant le général indiscipliné comme le collégien désinvolte ou mari branché de Brigitte entouré d’un groupe « racisé et genré » pour faire mode ? On pensait qu’il voulait restaurer l’autorité, mais il s’en prend, au contraire plus qu’en même temps, à celles qui paraissent bien plus logiques que la sienne. Le mâle blanc de plus de 50 ans surtout est prié de ne plus lui remettre de rapport et si possible de dégager la piste du pouvoir. L’idée que dans un pays majoritairement blanc, les hommes qui ont l’expérience de leur âge, soient plus à même de gouverner que des freluquets narcissiques est-elle si absurde ? C’est évidemment plus discutable si on se réfère au sexe. Mais, justement, c’est discutable, ou plutôt cela devrait l’être dans ce pays de Voltaire qui se noie de plus en plus dans la pensée unique et quasi totalitaire qui nous vient des Etats-Unis, ou plutôt de la gauche américaine et de ses obsessions communautaristes et non-discriminatoires. Ainsi, le policier, le policier-qui-tue, le policier-qui-tue-un-jeune- issu (pour l’instant) d’une minorité, c’est un modèle d’outre-Atlantique qu’adoptent aussitôt avec entrain nos médias.
L’image du « flic », adulé un jour, conspué le lendemain (mais pas par les mêmes) joue au yoyo dans l’actualité. Il y a eu le « gendarme » héroïque, et aujourd’hui, il y a le policier mis en examen à Nantes. La traduction des faits mérite qu’on s’y attarde tant elle trahit le réel. Un homme de 22 ans, connu des services de police, et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt pour des faits graves, a tenté d’échapper à un contrôle de police. Un policier l’a abattu accidentellement et a voulu faire intervenir une légitime défense en l’occurrence absente. Ce mensonge compréhensible en raison de la pression judiciaire sur les forces de l’ordre a complètement inversé les comptes rendus. Le mandat d’arrêt disparaît, la tentative de fuite passe à la trappe : le policier a tué un jeune et c’est lui qui devient le « mauvais » bouleversé par son acte. La marche blanche apparaît légitime, et quatre nuits d’émeutes scandaleuses paraissent explicables. A aucun moment on ne lit qu’un voyou a été victime d’un accident provoqué par sa rébellion. Nulle part, on ne souligne qu’au-delà de l’émotion entretenue et envahissante, il y a ces quartiers qui font sécession, où la loi laisse place à un rapport de forces, où ses représentants doivent respecter la parité : ne pas recourir à la force si eux-mêmes ne sont pas en danger ! Limiter l’usage de la force à la légitime défense est évidemment insuffisant. Le refus d’obéissance doit l’entraîner aussi. A Othis, un couple de policiers a été agressé, hors de leur service et devant leur enfant. Cet acte est infiniment plus grave pour le pays que la mort accidentelle d’Aboubakar Fofana. Elle témoigne d’un renversement des hiérarchies légitimes, d’une inversion des valeurs, et d’un dérèglement des comportements. N’est-ce pas le tableau d’une France défigurée ?