Comment une défaite peut être transformée en victoire ? Cet exploit vient d’être réalisé dans notre pays. Beaucoup de Français sont persuadés que les élections européennes ont conforté le président et sa clique. Les chiffres disent le contraire : sur les 50% de votants, lors des élections européennes, 22,42 % et donc 10,73 % des inscrits ont voté pour la liste présidentielle. Or, celle-ci a bénéficié d’un soutien massif des grands médias qui ont d’abord accepté que la parole et la présence présidentielles illimitées viennent déséquilibrer la campagne, le poids des mots et la taille des photos à son profit, sans la moindre remarque du CSA . Les chaînes d’information sont des vecteurs continus de propagande macronienne, avec des porte-parole officieux déguisés en « journalistes » commentateurs. Ils ont ensuite participé à la transformation d’une élection proportionnelle à un tour en duel entre deux listes comme s’il s’agissait du deuxième tour d’une élection uninominale. Ils ont enfin accrédité l’idée que le score de la liste Loiseau était honorable, malgré sa deuxième place. On n’a pas insisté sur le fait que les 5 079 015 voix obtenues représentaient une perte de 3,6 millions par rapport au 1er tour de la présidentielle, de 2,4 millions à celui des législatives alors que le taux d’abstention y était plus élevé qu’aux européennes de cette année. On n’a pas souligné le fait que cette liste rassemblait l’ensemble de la majorité présidentielle, y compris le Modem et la formation des députés et des maires élus sous l’étiquette des « Républicains » mais qui ont rejoint Macron. En revanche, le Rassemblement National, isolé, et comme d’habitude désigné comme le foyer de toutes les peurs, a progressé. Il a réuni près de 600 000 suffrages de plus qu’en 2014, et n’a perdu que 2,4 millions de voix par rapport au premier tour de la présidentielle, ce qui s’explique par la diminution de 27% des votants.
Ô Macron, où est ta victoire ? Elle réside dans la défaite du troisième parti, Les Républicains, et vise les deux objectifs de la stratégie macronienne : d’abord réussir une invraisemblable OPA d’un homme de gauche sur un parti de centre-droit, et ensuite préparer la répétition de 2017 en 2022. Macron a réussi à faire croire qu’il était « libéral », alors qu’il ne l’est que pour les très riches, et social-démocrate dans l’ensemble, adepte de la dépense publique et des prélèvements obligatoires qui ne baissent pas, « progressiste » sur le plan « sociétal », c’est-à-dire favorable à toutes les décadences du monde occidental. Mais il a bénéficié de plusieurs alliés involontaires, les « gilets jaunes », venus de la France périphérique et qui ont fait d’autant plus peur à celle des métropolitains, qu’ils ont envahi les beaux quartiers, et ont, lorsque le pouvoir les a pimentés de quelques « black-blocs » venus d’on ne sait où, cassé les commerces et même les monuments. La sympathique manifestation des retraités, maltraités et patriotes, autour des ronds-points s’est transformée en défilés de plus en plus restreints de sympathisants de La France Insoumise, autre soutien inconscient du gouvernement par ses excès, inévitablement conclus par des « tensions » avec la police. Il n’en fallait pas davantage pour que la « droite » sociologique, celle des bureaux de vote des quartiers cossus, des régions touristiques, et peu sensible encore à l’immigration et à l’effondrement industriel, choisisse le camp de « l’ordre » et des priorités économiques. Jamais une élection n’a autant correspondu à un vote de classes. Elle a opposé ceux qui ne souffrent pas de la mondialisation et en profitent parfois à tous ceux qui en pâtissent. Profondément divisés, les Républicains n’ont rien compris au film : leur approbation des réformes économiques les éloignait des gilets jaunes ; en les soutenant néanmoins, ils perdaient leur image de « parti de l’ordre » ; leurs désaccords sur le conservatisme sociétal ont brouillé davantage encore leur identité autour d’un candidat trop fragile. L’OPA a donc réussi, et c’est le vieux gauchiste soixante-huitard Serge July qui s’en réjouit sur LCI : « LREM est devenue un parti de droite ! » Ce qui est évidemment faux. C’est au mieux un parti de gauche à l’américaine, que tout oppose à une droite européenne.
Quant au second but poursuivi, rééditer le second tour de 2017, tout semble y tendre désormais. Le Rassemblement National a gagné, mais comment peut-il espérer réunir une majorité des électeurs ? Si les « Républicains » se refusent à toute entente avec lui, si les rats continuent à quitter le navire, voire à passer sur la galère macronienne pour sauver piteusement leurs mairies, le risque est grand de voir une majorité, qui a servi de chaloupe de sauvetage à nombre de socialistes, réussir son ancrage dans les villes et au Sénat. La droite modérée qui n’a que peu reculé en Europe aura sombré corps et biens en France ! Quant à la droite souverainiste et conservatrice, héritière du gaullisme, qui pouvait faire la jonction, comme Dupont-Aignan l’avait faite à la présidentielle, elle a coulé. Ce constat désespérant est-il définitif ? Non : les dossiers noirs du pouvoir actuel sont accablants. Toutes les oppositions doivent se réunir pour se concentrer sur eux au lieu de se disperser. La catastrophe d’Alstom, la vente à la découpe de cette entreprise sauvée partiellement par Sarkozy en 2004, et notamment de la production des turbines de notre filière nucléaire à une entreprise américaine, Général Electric, est un scandale qui doit fédérer l’opposition : ce sont les règles européennes qui ont tué Alstom, c’est l’emploi qui est touché avec 1000 emplois perdus à la place des 1000 créés qui avaient été promis lors de la vente, c’est notre indépendance nucléaire, civile et militaire, qui a été bradée, et c’est un certain Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée de Hollande, qui a monté cette opération désastreuse dans le dos du ministre Montebourg. Le député républicain Marleix a même établi que Macron avait menti à ce sujet lors de son audition à l’Assemblée Nationale ! Il y a là de quoi exiger une destitution !