Le congrès socialiste révèle au grand jour ce qui était de plus en plus manifeste. Le PS est mort. Soit il ne le sait pas encore et joue les morts-vivants à Poitiers. Soit les apparatchiks qui y font carrière essaient de faire croire qu’il vit toujours aux militants un peu naïfs qui nourrissent encore des convictions. Leur faim est d’un autre ordre : pouvoir, privilèges, position sociale. Ces avantages sont d’ailleurs mieux assurés dans l’opposition que dans la majorité. La responsabilité de la conduite de l’Etat quand on pratique une démagogie irresponsable pour gagner les élections connaît des lendemains périlleux. L’opposition et la conquête facile des fiefs du parti gouvernemental sont plus confortables. Néanmoins, après un passage à l’Elysée et à Matignon, il faut éviter que le désastre soit tel que le parti disparaisse. Conscients d’un échec de grande ampleur, les cadres du parti s’emploient donc à sauver les meubles en feignant la cohérence et l’unité et en manifestant leur soutien à ce grand Président méconnu qu’est François Hollande.
De quoi est-il mort ? D’abord des contradictions insurmontables dans lesquelles il se vautre depuis longtemps. Le parti socialiste affiche des idées, avance des programmes qui s’opposent frontalement au réel. Le principe du plaisir des électeurs l’emporte sur le principe de réalité. Le prouve amplement son incapacité à comprendre que dans un monde où les hommes et les femmes vivent plus longtemps, en meilleure santé, et en ayant commencé à travailler plus tard, il est nécessaire que leur vie active soit plus longue. La santé des personnes et l’équilibre des comptes y gagneraient. Marx faisait du socialisme une fatalité de l’Histoire, un produit de l’évolution mécanique du capitalisme. La société sans classes et sans Etat était le terme incontournable de la lutte des classes et des Etats. Le sens de l’Histoire a pris une autre direction. La société industrielle développée et ses Etats voués au maintien de l’ordre laissent la place à des sociétés tertiaires dont les Etats se consacrent à l’assistance sociale. L’individualisme grandissant qui y règne mine toute conscience collective. Le socialisme se contracte dans la défense de cette « Big Mother » qu’est l’Etat-Providence, de moins en moins capable de remplir sa tâche, et de plus en plus affaibli face aux concurrents ou aux adversaires qui ont choisi d’autres voies. Jaurès croyait à la paix universelle imposée par la fraternité internationale ouvrière. La mondialisation a au contraire brisé le lien profond entre le nationalisme et le socialisme. La politique sociale exige d’être conduite par un Etat fort qui promeut la solidarité entre ses citoyens. En condamnant la préférence nationale, en soutenant l’immigration, les socialistes ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis. Ils ont cru s’assurer un nouvel électorat en cultivant leur vieux cosmopolitisme. Ils ont perdu le peuple qui leur demandait de le protéger. Au contraire, ils l’exposent aujourd’hui à la circulation des choses et des gens favorisée par une Europe qu’ils soutiennent. Pour y faire face, ils doivent diminuer les capacités d’intervention de l’Etat pour être plus « compétitif ». Ce mot est celui de la fin du socialisme. La destruction créatrice du capitalisme comme le choc des civilisations dessinent un avenir peu rassurant qui dissipe définitivement les rêves socialistes. La plupart des partis socialistes en s’affirmant sociaux-démocrates ont accepté progressivement d’abandonner leur foi et le coeur de leur pensée. Les Français le font tardivement et « en douce » avec Hollande et Valls, mais les dinosaures aveugles résistent : ils n’ont pas rejoint la motion majoritaire. Montebourg a même éclipsé la fin heureuse du congrès par une tribune ravageuse cosignée avec le banquier gauchiste Pigasse.
Ce parti, auparavant campé sur sa générosité plus grande et sur son intelligence supérieure, fort du soutien de nombreux « peudo-intellectuels », comme dirait Mme Vallaud-Belkacem, ne comprend plus rien au présent, et se fait prendre sans cesse en flagrant délit d’ignorance, de bêtise ou de sectarisme. Alors, il s’accroche désespérément à ses rites, au ballet des motions, à la dénonciation de la droite suspecte d’être extrême, à ses vieilles incantations sur l’égalité ou le « vivre-ensemble ». Il répète ses mots d’ordre, ces slogans qui firent recette jadis et tombent à plat aujourd’hui, comme l’antiracisme. Liturgie, litanies, léthargie… Le congrès de Poitiers était un requiem. Macron n’y est pas allé : il faut laisser les morts enterrer les morts !
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