Le débat sur l’usage ou non de la chloroquine pour lutter contre le Covid-19 en dit long sur la société dans laquelle nous vivons. Il devrait s’agir d’un débat scientifique, et dans la société menacée par un totalitarisme rampant, nous découvrons avec stupéfaction que l’idéologie le dispute à la science, que des préjugés politiques peuvent l’emporter contre des démarches empiriques inspirées par le bon sens que Descartes croyait la chose du monde la mieux partagée. La question médicale est : la chloroquine peut-elle contribuer à l’amélioration des patients atteints par le virus ? Manifestement, il y a aujourd’hui deux réponses, l’une est positive, l’autre considère que la molécule ne change pas le cours de la maladie, et que les guérisons sont naturelles avec ou sans elle, et qu’en revanche, elle ne sauve pas les cas désespérés. Le béotien n’a pas à trancher, mais il peut modestement s’en tenir, lui-aussi au bon sens, et émettre un jugement prudent à partir des informations qu’il reçoit.
Il faut d’abord prendre en compte les limites que le Professeur Raoult impose lui-même à sa thérapeutique : elle ne peut être appliquée que lors des premiers symptômes, et en aucun cas lors d’une sévère détresse respiratoire, car alors ce n’est plus le virus qui achève le malade, mais les lésions pulmonaires qu’il a causées. Le médicament n’aura donc plus aucun effet contre un agent pathogène devenu secondaire ou ayant disparu. La médication est précise : elle comprend de l’hydroxychloroquine, une version de la chloroquine, dont les effets secondaires potentiels sont moins importants. La posologie adoptée est une dose de 200 mg, trois fois par jour pendant dix jours (une faible dose, là où les chercheurs chinois recommandent 500 mg deux fois par jour) associée à de l’azithromycine, voire à un antibiotique à large spectre en cas de pneumonie aiguë. Au minimum, le traitement accélère la guérison de quelques jours. Au moins libère-t-il des lits, ce que le professeur Raoult a observé dans l’IHU de Marseille qu’il dirige. Il constate par ailleurs que 37% des médecins dans le monde utilisent cette thérapie, largement pratiquée en Chine et en Corée du sud et qui a contribué à libérer les Chinois de l’épidémie et à en préserver les Coréens. Toutefois, elle ne joue pleinement son rôle que dans une stratégie que Didier Raoult précise : dépister massivement, ce qu’il fait à Marseille, isoler les contaminés, et traiter les malades à un stade précoce. Le confinement généralisé est selon lui une solution médiévale à laquelle la France a recours, faute de tests et de masques.
On observe qu’un certain nombre de scientifiques contestent la méthode : pour transformer une technique de soins empirique en vérité médicale, il faut non pas soigner, mais expérimenter en comparant les résultats obtenus dans un groupe avec les remèdes proposés, alors que dans un autre, on usera d’un autre produit, et dans un troisième d’un simple placebo. C’est de cette manière que procède l’expérience européenne Discovery, sur 3200 sujets en Europe dont 800 en France. Uniquement des patients gravement atteints. « L’essai Discovery vise à tester quatre traitements, dont la controversée hydroxychloroquine » nous apprend l’Express. Un autre groupe de patients reçoit des soins standards. Les conclusions n’arriveront qu’à la fin du mois d’Avril, a prévenu le Professeur Florence Ader, qui pilote l’essai commencé le 22 Mars. On comprend bien l’observation religieuse de la scientificité de l’expérience. Mais aussitôt, plusieurs réflexions viennent à l’esprit : pourquoi l’hydroxychloroquine est-elle testée sans l’antibiotique préconisé et dans des cas graves ? Voudrait-on éliminer la solution marseillaise qu’on ne s’y prendrait pas autrement puisque ce n’est pas la thérapeutique du Professeur Raoult qui sera expérimentée ? En second lieu, on peut s’inquiéter d’une rigueur expérimentale qui condamne des malades au traitement « standard » et éventuellement à une inefficacité mortelle. L’Express, chevalier médiatique de l’oligarchie progressiste au pouvoir, signe un aveu : pourquoi ce mot de « controversé » typique du langage orwellien politiquement correct, qui, l’air de rien, discrimine la mauvaise pensée ? Quand on lit dans Libération, cette fois, la mise au pilori du Docteur Zelenko de New-York, auteur d’une lettre ouverte au Président Trump, afin de faire connaître et de répandre sa thérapeutique, voisine de celle du Professeur Raoult ( Hydroxychloroquine 200mg, deux fois par jour pendant 5 jours, Azithromycine 500mg une fois par jour pendant 5 jours, Sulfate de zinc 220mg une fois par jour pendant 5 jours), on est frappé par la similitude des attaques visant la personne du médecin plus que son ordonnance. Zélenko est républicain, Raoult, climatosceptique et soutenu, lui, par des personnalités de droite, d’ailleurs médecins, comme Douste-Blazy ou Muselier.
La guerre civile a-t-elle sa place dans la guerre contre l’ennemi ? Les retards mis dans les soins, et les morts qu’ils peuvent entraîner sont criminels. Avons-nous affaire à des médecins de Molière exigeant que l’on périsse selon les normes académiques ? Doit-on craindre que cette rigueur cache des attitudes partisanes ou courtisanes, voire des intérêts ? La réponse des « trublions » est modeste : « Dans ces circonstances, nous n’avons pas le luxe de mener des études et des recherches en temps de paix. Des millions de personnes mourront et l’économie s’effondrera en attendant » dit Zelenko. » ll s’est creusé une espèce de fossé entre la pratique médicale et les gens qui confondent la médecine et la recherche. A chaque fois que vous voyez un malade, c’est un malade, ce n’est pas un objet de recherche. Vous ne pouvez pas transformer les malades en objet de recherche », estime le professeur Raoult. Tous les médecins sont évidemment aptes à prescrire de la chloroquine, vielle de 70 ans et toujours nécessaire pour certaines maladies comme le lupus, et elle a été interdite à la vente en pharmacie et à la prescription médicale pour le Covid-19 ! Est-ce du populisme en blouse blanche que d’en réclamer l’usage ?