Résistance culturelle dans une liberté fraternelle

Tribune libre de Cyril Brun*

L’argument politique qui nous vaut aujourd’hui toutes ces réformes si contraires à la vérité humaine la plus profonde ne cesse de surprendre tant il est inconsistant et intrinsèquement pervers. Il faut accompagner les évolutions de la société, vivre avec son temps. L’argument d’autorité le plus fréquemment répandu, qui produit son effet muselière à chaque fois et qui sert d’ultime justification, consiste à habiller de ringardise toute idée contraire à ce que l’on présente comme la marche inéluctable du progrès. Une telle conviction, si contraire à des siècles de pensée et d’Histoire, n’est pas ainsi surgie de nulle part d’esprits brillants eux-mêmes engendrés par ce progrès qui, libérant les peuples, aurait aussi débridé des intelligences jusque-là maintenues dans l’obscurité. C’est un long processus qui a commencé avec les penseurs de la Renaissance dont le nom choisi dit bien des choses de l’orgueil qui l’a suscité. Après des siècles d’obscurantismes, enfin l’esprit libéré, d’on ne sait trop quoi du reste, allait pouvoir redonner à l’humanité cette lumière perdue depuis 1 000 ans. Car renaître signifie qu’il y a eu une vie préalable, celle bien entendue de l’Antiquité, peu importe d’ailleurs que l’on ait au préalable enfoui tous les travers de cet âge d’or imaginaire. Il arrive en effet que lorsque l’élève ne parvient plus à dépasser le maître, l’ombre de ce dernier, de protectrice devient étouffante. Il est alors incontournable pour avoir l’air de le dépasser, de l’écraser. C’est ce qui s’est passé avec la Renaissance (sans nier non plus les réels apports de ces siècles) et c’est ce qui se passe aujourd’hui dans l’art, la création, la philosophie et donc la vie politique. Aidée par une large désinformation historique, l’argumentaire moderniste s’est entouré en outre d’une propagande idéologique pour forger un bien-pensant ambiant auquel tout le monde est aujourd’hui prié de se soumettre. Sans prendre le temps de dérouler ici la naissance et le développement de l’idée de progrès, je me permets ce renvoi à l’historien Marc Venard qui fait une minutieuse analyse de cette ascension perverse dans Naissance et vie de l’idée de progrès aux éditions de l’Académie de Rouen (2011). Ceci pour couper court à d’éventuelles critiques qui voudraient discréditer les fondements scientifiques de mes affirmations.

“Tout ce qui permet à l’Homme de résister aux vents contraires, tout ce qui fait de l’Homme un être épanoui suppose une adaptation au réel et un véritable travail de domination sur soi, seul garant de notre liberté.”

Seulement, cette course au progrès repose sur deux jambes gangrénées. Elles sont si fragiles que plus la course s’étend, plus l’Homme en subit les conséquences destructrices. La première de ces jambes n’est autre que l’orgueil. L’orgueil de médiocres qui ne parviennent pas à dépasser leurs maîtres. Le drame de notre société est d’avoir laissé une large part aux médiocres me disait un universitaires brillant il y a quelques années. Propos élitistes ? Sans doute si “élitisme” veut dire “équité”. Car l’élitisme n’est pas brimer les petits, mais favoriser ceux qui ont réellement un haut potentiel. L’élite ne s’entend pas uniquement intellectuellement, mais aussi manuellement, physiquement etc. Nous avons tous des dons, des charismes que n’ont pas les autres et qui font de chacun de nous un haut potentiel dans notre domaine de compétences. L’élitisme c’est favoriser ces potentiels et leur laisser la place qui leur est due pour le bien de tous. L’élitisme est équitable, il n’est pas égalitaire. L’orgueil déplacé de fausses élites pèse lourdement sur le bien de toute la communauté humaine. L’orgueil de ceux qui les écoutent et qui trouvent dans leurs idées tant de facilités pèse aussi. Car à y regarder de plus près que propose ce modernisme sinon une lente descente vers la facilité. Tout ce qui permet à l’Homme de résister aux vents contraires, tout ce qui fait de l’Homme un être épanoui suppose une adaptation au réel et un véritable travail de domination sur soi, seul garant de notre liberté. Or les idéologies du progrès n’appellent aucun combat sur soi, elles sont libertaires c’est-à-dire, finalement liberticides, car elles rendent l’Homme esclave de déterminismes inconscients bien plus dangereux qu’un soi-disant opium du peuple. Quant à l’autre jambe sur laquelle s’élance cette course, ce n’est autre que le refus du réel et de la non contradiction. Les deux jambes vont bien de pair du reste. Mais elles sont en train de se faire de mutuels crocs-en-jambe, parce que l’orgueil comme le refus du réel rendent aveugle et sourd. L’Homme aujourd’hui est incapable de se diriger car en perdant le sens commun, il a perdu tous les sens nécessaires pour se repérer.

“Les idéologies du progrès n’appellent aucun combat sur soi, elles sont libertaires c’est-à-dire, finalement liberticides, car elles rendent l’Homme esclave de déterminismes inconscients bien plus dangereux qu’un soi-disant opium du peuple.”

Alors prenons à rebours l’argument des modernistes. Et puisqu’il faut accompagner la société dans son évolution, puisque la pratique finit par devenir la norme et finalement la loi, entrons en résistance culturelle. Vivons comme nous l’avons toujours fait (et même mieux). Le bien est diffusif de soi. Continuons à appeler un chat un chat, un père un père, une école maternelle école maternelle et ainsi de suite. Ne nous laissons pas gagner par l’inconscience ambiante, au contraire soyons plus que jamais des témoins, des lumières sur le boisseau. Refusons de jouer ce mauvais jeu de rôles et demeurons dans la vérité. C’est le meilleur service que nous pourrons rendre à l’Homme. Mais cela suppose de s’enraciner non dans le conservatisme, mais dans la vérité et la liberté. Restons libres de vivre au grand jour notre conscience. Certes cela risque de faire mal, cela risque de douloureuses mises au banc de la société, mais si le million que nous étions et bientôt les millions que nous serons forment une fraternité unie, alors cette fraternité sera le socle de notre liberté et nous pourrons parler d’égalité parce que nous parlerons en vérité.

*Cyril Brun est le délégué général de l’Institut éthique et politique Montalembert à Paris.

Lire aussi :
L’heure est-elle à la Résistance ou à la Révolte ? par Cyril Brun

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17 Comments

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  • patrhaut , 9 avril 2013 @ 22 h 49 min

    c’est un chouan. Nous sommes tous des chouans, d une certaine manière.

  • Le Cornec , 10 avril 2013 @ 8 h 00 min

    En conséquence de quoi il nous faut nager à contre-courant encore et toujours avec une détermination sans faille, sans compromis et une persévérance à toute épreuve. C’est mon humble avis.

  • Christian , 10 avril 2013 @ 11 h 06 min

    L’idée de progrès est ancrée dans la théorie de l’évolution de Darwin, prolongée implicitement du biologique au sociétal par la pensée moderne. De même que la cellule primordiale à généré l’homme par petites modifications adaptatives successives, la société se perfectionne progressivement en lançant des pseudopodes idéologiques à la manière des mutations biologiques, favorables ou non. Selon cette vision, ce perfectionnement est automatique, le système démocratique constituant une étape décisive à conserver quoique à perfectionner encore de manière interne. Cette automaticité réduit la politique à l’abandon de tout volontarisme au profit d’un “lancer d’expériences” comme le montrent nos derniers gouvernements incapables de régler les véritables problèmes pourtant évidents, mais à la recherche permanentes d’idées nouvelles susceptibles de procurer les avantages adaptatifs décisifs.
    Aucune preuve scientifique n’a pu être avancée à ce jour en faveur de la théorie de Darwin, et les ouvrages qui la contestent, fort heureusement se multiplient (voir en particulier les ouvrages de Michaël Denton). Elle n’en reste pas moins un des piliers de la pensée unique qu’il est urgent d’abattre.

  • isidore , 10 avril 2013 @ 12 h 38 min

    Donc,selon Karl Popper, la dite théorie serait scientifique tant que non vérifiée donc non réfutée ?
    (et puisqu’en franglish,c’est la même chose)

  • Christian , 10 avril 2013 @ 12 h 53 min

    La science traite de l’analyse des causes secondes. Toutes les théories qui traitent des origines (par exemple la théorie de Darwin, mais aussi celle du Big bang qui actuellement a une sacrée masse de plomb dans l’aile) sont en dehors de ce champ. Elles sont par nature infalsifiables au sens de Popper.

  • isidore , 10 avril 2013 @ 12 h 56 min

    Il y a aussi Confucius : “il faut commencer par redonner leur sens aux mots.”
    Albert Camus : “Mal nommer les choses,c’est ajouter au malheur du monde:”
    ou,Yvan Audouard: “Le malheur de notre temps est venu de ce que les cons se sont mis à penser”.

    Maintenant,vous avez aussi,extrait d’un discours à la Chambre des députés de la troisième république,vers 1878,citation Almanach Vermot :
    “Tout les malheurs de notre époque proviennent, généralement, de l’inexactitude dans la position de la question !”
    Ah! mais ..!

    Pardon,j’oubliais Paul Valéry:
    “Donner un sens plus pur aux mots de le tribu !”

  • isidore , 10 avril 2013 @ 13 h 01 min

    La phrase de Monnet en évoque une autre,dont,vu l’ancestralité,on ne peut vraiment parler de plagiat,mais enfin :
    “Toutes choses évoluent selon la crise et la nécessité”.
    (l y a 2500 ans)

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