Bill Keller, dans The New York Times, revient cette semaine sur le “Matthew Shepard and James Byrd Jr. Hate Crimes Prevention Act » qui rejoint “40 ans de lois déclarant que les crimes motivés par un état d’esprit raciste, antisémite ou homophobe devraient être punis plus sévèrement que ceux commis par cupidité ou pour se venger”. “Presque chaque État a sa propre version de cette loi” et, en 2010, 6 628 crimes motivés par la haine ont été dénombrés par le FBI. Jugée conforme à la constitution par la Cour suprême en 1993, cette législation semble pourtant “sortir d’une contre-utopie d’Orwell » qui consiste à “transformer un défaut de personnalité en délit”. Et si les pères fondateurs ont estimé que la démocratie devait accorder une grande place à la dissidence en protégeant le droit d’exprimer ou de publier toutes les opinions, même les plus odieuses, l’État est depuis quelques décennies autorisé à punir les citoyens pour ces mêmes pensées, si la personne qui commet un crime les avait alors en tête… Bill Keller s’en prend au passage au cinéaste Spike Lee qui a twitté l’adresse du domicile présumé de George Zimmerman (le patrouilleur volontaire de quartier qui a abattu Trayvon Martin, ndlr) comme pour dire “Allez lui faire son affaire !” Lee s’est depuis excusé et a envoyé un chèque au couple de personnes âgées que la peur a délogé, le tweet ayant indiqué une mauvaise adresse… “Apparemment, terroriser Zimmerman est acceptable” note le chroniqueur. Il revient sur les justifications données à ces peines plus lourdes : “oui, les crimes basés sur des préjugés ne terrorisent pas que la victime immédiate, mais c’est aussi le cas d’un voleur qui fréquente un quartier particulier”. “Oui, le racisme et les préjugés sont des mobiles particulièrement odieux. Pire que le sadisme ou la pédophilie ?” Citant un article de l’universitaire Heidi Hurd intitulé “Pourquoi les progressistes devraient haïr les lois contre les crimes de haine” (2001), Keller rappelle que, selon John Locke et John-Stuart Mill, l’État est autorisé à tempérer les mauvais comportements, mais pas à parfaire la nature humaine. Or, avec cette législation, la limite est franchie : “Désormais, la loi règlemente non seulement ce que nous faisons, mais aussi qui nous sommes.” Pénaliser l’état d’esprit (la préméditation par exemple), oui, et ce n’est pas nouveau, punir par démagogie un choix (idéologique, par exemple) que la loi autorise à effectuer en d’autres circonstances que la commission d’un crime et contre lequel les jugements doivent rester moraux, non.
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