Novembre 2018 : la France découvre qu’une partie de son peuple n’arrive plus à boucler ses fins de mois. La pression fiscale, notamment sur les carburants, est trop forte. Les ponctions de tous côtés poussent un nombre croissant d’individus dans la précarité. Le mouvement des Gilets Jaunes vient de débuter.
Février 2019 : alors que la France s’enfonce doucement dans un troisième mois de crise sociale, le Président de la République et son gouvernement se sont lancés dans la mise en place d’un Grand Débat National qui, selon eux, devrait permettre à tous d’exprimer les problèmes ressentis et de corriger la trajectoire politique, économique et sociale du pays.
Et en trois mois, que de chemin parcouru ! Les revendications sur une baisse de la pression fiscale sont maintenant proprement oubliées. Petit-à-petit, de noyautages en dérives idéologiques, de compromis en politicailleries faciles à identifier et comme il était parfaitement prévisible, on est passé d’un message simple « Moins de taxes » à un message nettement plus insidieux, « Moins de taxes pour les pauvres« .
On pouvait s’y attendre : comme je le mentionnais dès décembre, on a pendant des années absolument tout fait pour proprement séparer le constat des taxes et impôts stratosphériques du bilan catastrophique des services publics offerts en regard, pour dissocier complètement l’obésité morbide de l’État et la ponction asphyxiante qui le fait vivre, et ce afin de faire perdurer le rêve humide d’une redistribution française généreuse et efficace.
Dès lors, il aurait été naïf d’attendre une prise de conscience du peuple, baigné dans les fadaises socialistes du tout-redistributif, de l’argent gratuit des autres, de l’État omnipotent et omniprésent. Pour la plupart des Français, le problème ne se résoudrait pas en demandant « moins d’État » mais plutôt en demandant « mieux d’État », parce que la rhétorique et les petits jeux de mots faciles constituent une vraie politique économique dans ce pays, ma brave dame.
Ceci explique qu’à peine supprimé, l’impôt sur la fortune, pourtant catastrophique en ce qu’il fait fuir les forces vives du pays, voit déjà son retour réclamé à grands cris par toute une frange de Français bien plus excités à l’idée de ponctionner les autres que voir leur propre pouvoir d’achat augmenter. On comprend qu’il ne faudra donc plus beaucoup d’effort au gouvernement pour transformer ce « Moins de taxes pour les pauvres » en « Plus de taxes pour les riches ».
Et il s’y emploie donc avec ferveur.
Puisque, c’est décidé, l’idée n’est absolument plus de diminuer la pression fiscale mais, plus facilement, de l’augmenter sur une catégorie d’individus qu’il est de bon ton de mépriser, les annonces se suivent et se ressemblent. Les dernières en date sont de l’inénarrable Darmanin qui tient absolument à ce qu’on se rappelle son passage à Bercy : revoir les niches fiscales pour qu’enfin, les gros bourgeois crachent au bassinet tant il est connu que ce ne sont pas eux qui payent déjà l’essentiel des impôts.
Bien évidemment, puisque tout ceci est, comme d’habitude, parfaitement improvisé, cela ne manque pas de provoquer des cris et des grincements de dents avec des correctifs et des ajustements au gré des publications médiatiques, parachevant l’image d’une politique de Gribouille menée par des gamins paniqués.
Parallèlement à ces gesticulations et puisqu’il ne faut surtout pas perdre le bénéfice d’une bonne crise, d’autres propositions sont déjà à l’étude pour … augmenter des taxes. Bruno Le Maire l’a expliqué : ce sera peut-être sur les grosses plus-values immobilières. Parce que bon, taxer plus, c’est cool.
Bref : de la même façon qu’était prévisible la récupération gauchiste du mouvement des Gilets Jaunes, tout se déroule comme prévu concernant la réaction du gouvernement. Moyennant un magnifique nuage de paillettes (fournies par Macron) et d’encre (produite par nos indomptables législateurs), le Grand Débat truc-machin aboutira à une hausse des impôts, soit la demande diamétralement opposée des manifestants du début.
Eh oui. Malgré un message parfaitement clair et audible au début, malgré les évidences qui s’accumulent partout pointant sans l’ombre d’un doute vers une pression fiscale démentielle, malgré le classement en pôle position de la France dans les enfers fiscaux, malgré l’explosion des dépenses et des prélèvements publiques qui atteignent des records, tous nos élus, tous les ministres et le Président n’ont qu’une idée en tête : augmenter encore taxes et impôts.
Je ne vois guère que deux raisons essentielles à cette obstination délétère.
La première de ces raisons est l’incapacité fondamentale à sortir du cadre des idées habituelles en sociale-démocratie : baisser la dépense publique, ce serait abdiquer, renoncer et ce serait plus qu’une erreur, ce serait une véritable faute. Il n’est qu’à voir un récent tweet d’Édouard Philippe pour saisir l’ampleur de l’opacité mentale de nos gouvernants à certains concepts comme celui d’une baisse des taxes :
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Qu’on mette cette incapacité sur le compte d’un désir de conserver une base électorale (qu’il convient donc d’arroser abondamment avec les ponctions opérées), ou que ce soit parce que les habitudes sont telles que tout changement paralyse la réflexion, peu importe puisque le résultat est le même. Il ne peut y avoir de baisse des dépenses publiques, enfin ! Personne ne peut envisager ni une diminution du périmètre de l’État, ni l’aveu qu’il n’est pas indispensable partout et tout le temps, ni les inévitables cohortes de chômeurs, de veuves et d’orphelins que ce retrait provoquerait.
Cette première raison explique assez bien la tendance générale qui a accompagné l’État français depuis 50 ans : on n’aboutit pas à 2000 milliards de dettes et un État obèse complètement par hasard.
La seconde est plus profonde et à mon avis explique mieux cette compulsion pathologique à vouloir taxer de tous les côtés : dans un pays qui frémit à la moindre possibilité d’un changement qui ne soit pas amorti par l’une ou l’autre solidarité, toute diminution des dépenses publiques nécessite du temps pour leurs explications, leurs négociations, leur mise en place et l’obtention de quelque résultat que ce soit.
Or, le gouvernement ne dispose manifestement pas de ce temps : comme le mentionne la Cour des Comptes, les finances publiques sont particulièrement tendues et si, à l’évidence, la réduction des dépenses publiques s’impose, il est beaucoup plus facile d’augmenter les recettes pour parer au plus pressé, alors que la France s’enfonce dans le classement des mauvais élèves en matière budgétaire.
Cette peur d’un incident budgétaire malencontreux explique une partie de la politique épileptique du gouvernement, l’autre partie étant couverte par la véritable panique qui s’est maintenant emparée de l’exécutif lorsqu’il s’agit de gérer le peuple qui grogne. Les réactions de plus en plus violentes des deux côtés des barricades montrent que l’absence totale de tout courage pour réformer, pendant les 40 dernières années, a laissé un terrible piège se refermer sur Macron et son équipe : tétanisés à l’idée de faire des coupes pourtant nécessaires mais dont ils sont persuadés qu’elles entraîneraient une foule hystérique dans la rue, ils en sont réduits à bricoler des petits arrangements et augmenter les taxes partout où ils le peuvent, à l’exact opposé de ce qu’il faut pourtant faire.
Dans ce contexte, une conclusion s’impose : les prochains mois seront déterminants pour Macron et sa clique, mais la chance ne suffira pas.
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