La cote du Président et du Premier ministre a bondi. L’opinion publique a approuvé la façon dont ils ont géré l’épisode terroriste et barbare. Y aura-t-il un « après 11 janvier » qui ouvrirait une ère de paix civile, de renaissance économique et de concorde nationale ? L’embellie nous annonce-t-elle des jours radieux ou va-t-elle s’évanouir dans les prochains mois, sinon dans les prochaines semaines ?
Je crois nécessaire de faire le point aujourd’hui, et ce n’est pas facile : les analyses sont discordantes, les signes sont brouillés par le tintamarre médiatique et chacun tire la couverture à soi. Il nous faut pourtant essayer d’y voir clair car c’est une fois de plus la liberté et l’harmonie qui sont en cause.
Au risque de m’égarer je vous donne tout de suite mon sentiment : rien n’est changé, ce qui devrait nous inciter à travailler encore et toujours au changement.
Rien ne me semble changé, que ce soit dans le domaine sociétal, économique, ou politique.
Les bases de notre société ont été rudement secouées depuis la venue de la gauche au pouvoir. Dans le domaine des mœurs, la majorité actuelle a accéléré un déclin amorcé de longue date : ruine de la famille, désespoir de la jeunesse, disparition de tout repère moral et spirituel. Va-t-on assister à un réveil des consciences et à un respect et de la responsabilité et de la dignité de l’être humain ? Après le 11 janvier, c’est une campagne échevelée et assourdissante pour la laïcité et « les valeurs de la République » qui a démarré. Mission a été confiée à l’Education Nationale de changer les esprits et les cœurs. Je me suis déjà exprimé sur les errements de ce choix et je tiens la laïcité d’Etat pour responsable du vide intellectuel et moral imposé au pays. Signe révélateur : le 9 décembre sera désormais la journée de la laïcité, c’est la date anniversaire de la loi de 1905, dite « de séparation de l’Eglise et de l’Etat » interprétée non pas comme la garantie de la liberté religieuse mais comme le rejet de toute religion dans la vie publique. Ce n’est pas l’Eglise catholique que le « petit père Combes » a voulu bannir, c’est Dieu lui-même. Sans Dieu et sans morale une société peut-elle vivre en paix ? J’entends maintenant de grands discours sécuritaires, des projets d’emplois massifs dans la police et la justice, ou des projets de réforme du système carcéral, voire même du Code Pénal. Mais Madame Taubira et bien d’autres s’opposent à tout changement radical, et la bureaucratie et le désastre des finances publiques se chargeront sans doute de modérer l’enthousiasme et l’efficacité sécuritaires. Les perspectives sociétales ne me semblent donc pas améliorées, loin de là.
Ces perspectives vont-elles s’améliorer au vu de la situation économique ? Le chômage est lui-même cause de désespoir et l’insécurité des emplois, des retraites, des impôts angoisse et engendre la peur. La confiance indispensable à l’harmonie sociale est détruite. Tous ont peur de tout et de tous. Mais voici que se profilent la loi Macron, la finance Draghi, la baisse du pétrole : la croissance ne sera-t-elle pas bientôt au rendez-vous ? Macron et Draghi sont des illusionnistes, même s’ils jouent une partition différente : Macron fait croire que des réformes structurelles sont en chantier, Draghi conseille de prendre son temps et de ne pas assommer l’économie avec une austérité insupportable. Le gouvernement cultive l’ambiguïté. D’une part, il dit s’engager dans une voie sociale libérale (oxymore) ; d’autre part, il ne fait rien pour freiner sérieusement ni les déficits publics (et notamment ceux de la Sécurité Sociale) ni les prélèvements obligatoires, et se range dans le clan des anti-Merkel, aux côtés des communistes grecs. La « dévaluation compétitive » d’un euro, qui a perdu en quatre semaines plus de 20 % de sa valeur face au dollar, permet de « mettre un tigre dans le moteur », mais le moteur est en panne et la baisse du prix du carburant n’y peut rien. Le « dialogue social » dérivé du « pacte de responsabilité » est rompu, les syndicats révolutionnaires vont se sentir pousser des ailes car ils croient fermement à la révolution prolétarienne en Europe derrière les pionniers grecs. Le gouvernement va régler les négociations sur la représentation syndicale à la manière habituelle : nouvelle réglementation pesant sur la compétitivité des entreprises. D’ailleurs, la chasse aux gros et aux riches sera toujours ouverte : il faut calmer les frondeurs dans un contexte politique difficile.
C’est sans doute dans le domaine politique que le 11 janvier n’aura rien changé. Majorité et opposition sont toutes deux en crise. La majorité paraît trop à droite, Mélanchon et Duflot s’en sont écartés. L’opposition paraît trop à gauche pour les uns, trop à droite pour les autres, et son leader « charismatique » a multiplié les bévues depuis deux semaines. Le centre, comme toujours, ne sait pas où se situer et cherche en vain une ligne autonome. Quant à « l’extrême droite », elle ressemble de plus en plus à l’extrême gauche, anti mondialiste, anti capitaliste, anti libérale, anti européenne. Marine, elle aussi, n’a pas bien mené sa barque pendant la tempête. C’est dire que « l’union nationale » n’a été qu’un slogan aussi vite oublié qu’inventé, et que la confiance des Français dans leur classe politique n’aura pas été restaurée – il faudra encore attendre.
Mais attendre jusqu’à quand, et pour quoi faire ? Les libéraux sont appelés, me semble-t-il, à travailler encore et un peu plus au changement. Le 11 janvier n’a pas été le jour où l’on est sorti des ténèbres pour recevoir la lumière – pas plus que mai 1968 ou mai 1981.
Pour que quelque lueur perce à l’horizon, il faut s’en tenir au principe et diffuser le programme. Le principe est simple : réduire le périmètre de l’Etat, ramener le secteur public aux strictes attributions régaliennes, supprimer privilèges, subventions et réglementations, instaurer la concurrence (dans l’enseignement, dans les retraites, dans la santé, et pas seulement pour les professions libérales). Quant au programme, il est prêt depuis des décennies, puisque rien de significatif n’a été fait dans le bon sens depuis plus d’un demi-siècle. Il existe des recettes avérées pour « se passer de l’Etat » : un marché du travail flexible, sous le règne du contrat personnel, un impôt à taux unique, des fonds de pension par capitalisation, des chèques éducation, des logements marchands, des législations réduites et simplifiées, des collectivités territoriales autonomes, une Europe fédérale. Ces mesures ont été soigneusement ignorées ou masquées aux Français par une classe politique traditionnellement étatiste, jacobine, souverainiste. Elles ont pourtant été éprouvées avec succès dans d’autres pays et à d’autres périodes. Ce n’est pas surprenant : elles ont une valeur intemporelle et universelle, la liberté.
> Cette tribune est publiée en collaboration avec Libres.org.
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