Voir la presse unanime, les élus, les hauts fonctionnaires de l’État mettre en branle comme un seul homme l’appareil répressif pour l’interdiction d’un spectacle humoristique ouvre une perspective nouvelle. Assurément, de puissants réseaux de solidarité occultes sont à l’œuvre pour donner le ton, instrumentaliser la peur et assurer que toutes les voix concordent. Il en va de leur survie.
Car sur qui repose véritablement la responsabilité de la déportation et de la mort de 70 000 français de confession juive pendant la dernière guerre ?
À partir de mai 1940, le pays réel est écrasé. L’Armée française est à reconstruire : 100 000 soldats morts en un seul mois et 1,5 million de prisonniers. Les ouvriers, les paysans, les forces vives sont envoyées au service de l’Allemagne. Mais ce Parlement qui vote les pleins pouvoirs au régime de Vichy, ce régime qui gouverne par ordonnances, cette administration qui collabore massivement, c’est tout une caste de hussards noirs de la République, de responsables, d’élus, de policiers, de juges, de fonctionnaires, d’employés qui, vivant de la rente d’État, entendent bien maintenir leurs privilèges, avantages acquis et points de retraite. Toute ce petit monde bureaucratique collabore dans la continuité avec l’envahisseur, sans changer aucun rouage ni aucune instance. Ces « pleins pouvoirs » permettent à la bureaucratie française de subsister, économisant à l’Allemagne l’installation d’une administration en territoire occupé. Tout juste les loges maçonniques habituellement très représentées se font discrètes. Cyniquement, elles sont d’ailleurs interdites, ce qui est le meilleur gage de leur survie à l’épuration et sera justification a posteriori de leur culte obsessionnel et morbide du secret. En échange de son maintien, l’administration française doit livrer les Français de religion juive. Les bureaucraties françaises et allemandes mettent au point de concert la traque, la capture et la livraison de ces Français… 70 000 persécutés pour leur religion juive sont déportés et meurent. Cette bureaucratie, malgré l’épuration, est restée majoritairement en place après la libération. Que l’on se souvienne de l’excellent préfet Bousquet.
Alors, que les spectacles de « Dieudo » soient choquants, chacun est libre d’apprécier. Mais le ministre de l’Intérieur est-il l’arbitre des élégances ? Et que reproche-t-on à ce spectacle ? D’aborder, avec son humour à lui, une catastrophe historique dans laquelle la bureaucratie française a une culpabilité totale et une responsabilité directe !
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