Tribune libre de Jean-Marie Le Méné*
Depuis des années, la Fondation Jérôme Lejeune alerte sur les dérives éthiques du Téléthon. L’édition de cette année prend une tonalité particulière au regard de l’actualité politique : le Sénat vient d’autoriser la recherche sur l’embryon humain. Dans ce contexte, la Fondation Jérôme Lejeune lance une campagne de sensibilisation, « Vous trouvez ça normal ? », contre l’autorisation de la recherche sur l’embryon.
Ce week-end se déroule la 23e édition du Téléthon, opération médiatique de grande ampleur.
Pratique venue des États-Unis, le partenariat entre les chaînes de télévision et une association (en l’occurrence l’Association française contre la myopathie ou AFM) donne chaque année une visibilité à la recherche sur les maladies neuromusculaires. Dans ce cadre, l’AFM-Téléthon expose pendant 48 heures, à grand renforts de people, mais aussi de jeunes malades et de parents, les besoins financiers nécessaires pour faire avancer la recherche.
En soi, rien de scandaleux à cela, même si ce n’est pas du goût de tous, loin s’en faut. Et si certains dénoncent la privatisation de la recherche qui résulte de la puissance financière de l’AFM (Jacques Testart), l’instrumentalisation des malades (Marc Lits) ou encore la quasi-exclusivité médiatique dont jouit le Téléthon (Pierre Berger), ce n’est pas sur ces points que la Fondation Jérôme Lejeune soulève ses principales objections.
Le problème, avant tout autre, concerne le respect de la vie humaine. Une partie des fonds recueillis à l’occasion du Téléthon sert en effet à financer des recherches utilisant l’embryon humain. Et non seulement les donateurs ne sont pas au courant, mais en outre l’AFM, interpellée à ce sujet, refuse de flécher les dons, c’est-à-dire d’utiliser le don pour le programme choisi par le donateur (contrairement à la pratique de la plupart des autres organismes).
En outre, il y a confusion entre innovation et transgression, ainsi qu’entre légalité et respect de l’éthique. Après avoir œuvré pour la légalisation du diagnostic préimplantatoire (obtenue en 1994) puis milité en faveur du clonage humain, l’AFM insiste, en lien avec ses chercheurs, pour que les travaux utilisant l’embryon humain soient aussi autorisés par la loi.
“Une partie des fonds recueillis à l’occasion du Téléthon sert en effet à financer des recherches utilisant l’embryon humain. Et non seulement les donateurs ne sont pas au courant, mais en outre l’AFM, interpellée à ce sujet, refuse de flécher les dons, c’est-à-dire d’utiliser le don pour le programme choisi par le donateur.”
Le diagnostic préimplantatoire a d’ailleurs permis, pendant plusieurs années, de présenter aux téléspectateurs des enfants « guéris » d’une myopathie alors que, en réalité, ils n’en avaient jamais été porteurs : ils ont été conçus in vitro – en éprouvette –, et un diagnostic ayant montré qu’ils n’étaient pas porteurs de la maladie redoutée, ils ont été implantés dans l’utérus maternel, tandis que les autres étaient éliminés (ou utilisés pour la recherche).
Les déclarations des scientifiques financées par le Téléthon comme les communiqués de presse de l’AFM montrent leur volonté d’obtenir coûte que coûte la légalisation de la recherche utilisant l’embryon humain. Le 5 février 2011, Marc Peschanski avait ainsi expliqué sur France Inter qu’il se trouvait « entravé » dans ses projets et que, « en attendant un nouveau cadre législatif, la France [prenait] du retard dans un domaine crucial de l’innovation médicale ». La révision de la loi de bioéthique de 2011 a en effet maintenu le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon humain en France. Celui-ci est cependant assorti de dérogations.
Mardi 4 décembre 2012, les sénateurs se sont fait les avocats de Marc Peschanski en votant une proposition de loi « autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». D’un régime d’interdiction assorti de dérogations la France passera, si le texte est adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale, à un régime d’autorisation encadrée : le principe de protection de l’être humain va devenir une exception.
Pourtant, en ce qui concerne l’utilisation de cellules souches embryonnaires, aujourd’hui les chercheurs n’espèrent plus réellement guérir des maladies en utilisant ces cellules. Quant à la modélisation de pathologies et au criblage de médicaments, on sait parfaitement les réaliser avec des cellules iPS, depuis la découverte du Pr Yamanaka, Prix Nobel de Médecine 2012. L’utilisation de l’être humain comme matériau de laboratoire est donc non seulement immorale, mais aussi compliquée (il faut passer par l’assistance médicale à la procréation), et surtout inutile. En somme, plus la recherche sur l’embryon s’avère inutilement immorale, et plus le pouvoir en place libéralise les conditions de son utilisation comme un simple matériau de laboratoire.
Dans ce contexte, la Fondation Jérôme Lejeune lance une campagne de sensibilisation « Vous trouvez ça normal ? » contre l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain. Plateforme de ce mouvement, le site www.vous-trouvez-ca-normal.com présente :
– une série d’annonces publiées dans 4 hebdomadaires (Le Figaro Magazine, Valeurs Actuelles, Télé Obs et Famille Chrétienne),
– des clefs de compréhension du débat,
– une pétition en ligne contre la recherche sur l’embryon humain.
Cette campagne a pour objectif de ne pas laisser l’enjeu de la recherche sur l’embryon en dehors des débats sociétaux actuels, alors même qu’un changement législatif fondamental s’apprête à être adopté par le Parlement. Il en va de la protection de l’être humain, qui reste un principe fondamental de notre droit.
*Jean-Marie Le Méné est le Président de la Fondation Jérôme Lejeune.
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