« Ah ! Si ton arrière-grand-père n’avait pas été gazé, il aurait vécu centenaire et aurait pu te raconter la Marne, Verdun et l’Argonne ! » Chers lecteurs, chères lectrices, voici, pour résumer, ce que me disait souvent ma grand-mère quand elle me parlait de son père, un homme simple qui avait connu les combats et les tranchées durant quatre années. Tout comme ces centaines de milliers d’anonymes jetés dans cette grande ordalie européenne qu’on appelle la Grande Guerre.
Ces aïeux que je n’ai pas connus m’ont toujours semblé être des personnes assez proches pour que je m’intéresse à leur histoire, ce qui est aussi le cas de beaucoup d’entre vous et de nombreux Français aujourd’hui.
Ainsi donc, la commémoration du centenaire du déclenchement de la Grande Guerre sera prétexte à l’ouverture de manifestations historiques dans des villes de Lorraine, de Champagne, de Picardie et du Nord de la France. Théoriquement – disons bien théoriquement – , 2014 sera l’occasion pour les Historiens français (ou autres) spécialistes de la Grande Guerre sous ses différents aspects de prendre la parole dans les médias, même si depuis plusieurs années l’école « Histoire sociale et des sociétés » est beaucoup plus mis en avant que l’Histoire militaire (opérations, commandements, économie de guerre, analyse des pertes). La seconde école, très liée à l’École de Guerre et dont les études sont largement diffusées par les éditions Economica ou la très bonne revue Guerres et Histoire, tend toutefois à sortir de plus en plus du bois. Quoiqu’il en soit, nous en sommes en droit d’attendre que les spécialistes sérieux de la période apportent leurs lumières sur cette période sombre.
Oui mais voilà, il va falloir compter avec les médias subventionnés et leur cortège de pleurnicheries… Excusez du peu (rendons tout de même justice à Franck Ferrand qui a annoncé récemment que la Grande Guerre allait être un thème majeur d’Au cœur de l’Histoire l’année prochaine).
De quoi vont donc nous parler lesdits médias avec l’accord tacite de certains ministères que nous ne nommerons pas ici ? Des fusillés pour l’exemple de 1917, bien entendu ! C’est aussi ignorer que le commandement français a bien plus usé du peloton d’exécution dans les premières semaines de 1914 qu’après le Chemin des Dames. Mais passons.
S’il est ici nullement question de remettre en cause les injustices et les excès de la justice militaire française de cette époque, il faut voir que les fusillés pour l’exemple vont être la stèle qui va dissimuler les tombes de ces 1,3 million d’autres soldats tombés pour la France sans s’être mutinés sur la Marne, en Artois, en Champagne, en Lorraine, à Verdun, en Picardie, dans l’Aisne, dans les Flandres, à Gallipoli et dans les Balkans (voir l’éditorial de Camille Pascal dans le numéro de Valeurs Actuelles du 11 octobre 2013).
Enfin, la compassion à la guimauve de plusieurs journalistes ou réalisateurs de téléfilms (dont la qualité de reconstitution historique frôle bien souvent le misérabilisme) va aussi faire en sorte de nous montrer de pauvres Poilus pleurant dans leurs tranchées, tout en se montrant prêts à fraterniser avec les Allemands (François ? Angela ?). Il est incontestable qu’ils ont connu des souffrances que nous ne pouvons plus imaginer dans notre société de confort. Mais pour autant, si nos grands-pères et arrière-grands-pères avaient été des pleureuses, auraient-ils tenu sur la Marne, dans les Marais de Saint-Gond, au Grand Couronné de Nancy, à Massiges et Navarin, à Vaux, à Souville, aux Eparges, au Mort-Homme et ailleurs ?
Comment les poilus ont tenu reste un mystère de l’Histoire de France encore enfoui dans les terres lorraines, picardes et champenoises. Les historiens sérieux nous le révèleront un jour.
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