La grande muette n’a pas dit son dernier mot !

Avec le grand courage et le sens de la responsabilité qui la caractérisent, la gauche a décidé de s’attaquer à la grande muette pour faire des économies qu’elle n’ose pas faire ailleurs. C’est ce qui s’appelle avoir tout faux. Certes, on perçoit les trois calculs politiciens qui donnent à cette opération comptable sa logique. D’abord, l’esprit de facilité justifie qu’on s’attaque à des fonctionnaires non syndiqués et dont l’obéissance silencieuse est le premier devoir. À part les gendarmes, dont la présence sur le terrain est sensible à la population, et les deux unités de pompiers qui relèvent de ce statut, les militaires opèrent à l’extérieur et n’interviennent dans des opérations de secours qu’exceptionnellement. Les villes de garnisons bénéficient économiquement de leur présence, mais cela ne touche qu’une partie de la population et permet au pouvoir, lors d’une suppression ou d’un déplacement, de sanctionner les maires d’opposition. Orange a été pelé mais Pau conserve sa culotte. Double peine, économique, par le départ de familles consommatrices, et politique par la soustraction d’électeurs « de droite » potentiels. En second lieu, la gauche a un lourd inconscient pacifiste et antimilitariste largement responsable de l’impréparation de notre pays lors des deux grandes guerres du XXe siècle. Le retour du refoulé peut être spectaculaire avec le tweet scandaleux du « compagnon » de Mme Duflot sur « le défilé de bottes » du 14 juillet. Ce n’était pas privé. M. Cantat est élu de gauche à Villeneuve-Saint-Georges. Mais cette « remontée » peut être plus discrète et dissimulée sous le double voile des économies et de la rationalité. Après les 54 000 postes supprimés par le gouvernement de « droite » dans la programmation 2008-2015, ce sont à nouveau 23 500 qui le seront entre 2014 et 2019, 7 881 dès 2014. Moins de fonctionnement, moins de masse salariale, mais quelques investissements en plus. Toujours l’illusion des machines, qui nous font défaut, c’est vrai, mais qui ne sont efficaces qu’avec des hommes bien formés, entraînés et motivés, et cela représente un coût. En troisième lieu, il faut souligner le double aveu que ce retrait exprime. La France n’est pas seule en Europe à réduire sa défense, tandis que des pays d’Asie font exactement l’inverse comme la Chine et le Japon. Le sous-continent européen, qui dominait le monde au début du XXe siècle, est en déclin, en dépit des rodomontades de la stratégie de Lisbonne et malgré  la bonne santé économique de la vieillissante Allemagne. Il n’existe militairement que dans l’ombre des États-Unis, et plus profondément, gomme de la politique ce qui n’est pas d’ordre économique, et par voie de conséquence, environnemental et social.

“Le socialisme a installé un État obèse qui finira par tout faire sauf la seule chose pour laquelle il a été créé et qu’il est le seul à pouvoir faire : défendre le pays.”

Mais, pour une fois, la muette a parlé. Le général Ract-Madoux a déclaré lors d’une audition parlementaire :  « tout ceci accentue les inquiétudes du personnel et contribue à alimenter un sentiment de lassitude. » Un « Manifeste pour la Sauvegarde de nos Armées » a été rédigé par un groupe d’officiers et de spécialistes, les « Sentinelles de l’Agora ». On lit dans ce texte bien autre chose que le cri d’alarme des techniciens. Certes, au travers des opérations réussies de Libye, de Côte d’Ivoire ou du Mali, il y a eu la prise de conscience de nos lacunes, en logistique, en moyens de transport, notamment, et en équipements sophistiqués comme les drones. Il y a notre aéronavale et son porte-avions disponible, si tout va bien, six mois sur douze. Mais surtout, ce que souligne ce document, c’est le retrait de la fonction militaire dans nos sociétés devant les exigences de l’État-Providence et les préférences des post-modernes. L’air de rien, notre vieille civilisation, avec ses trois piliers, spirituel, militaire, et économique, se réfugie sous le dernier d’entre-eux, et réduit l’homme à n’être qu’un individu producteur, consommateur, matérialiste et hédoniste dans le Meilleur des Mondes pacifique, protecteur, laïque et jouissif.

En souhaitant qu’on fasse appel à l’armée pour éradiquer le crime à Marseille, une sénatrice socialiste a formulé une proposition peu raisonnable mais chargée de sens. On ne souhaite pas que l’armée remplace la police et revive la bataille d’Alger à Marseille. En revanche, l’armée a toujours eu dans notre pays une mission qui dépassait la technique des opérations militaires. La conscription était le meilleur outil d’intégration, le rite d’initiation à la citoyenneté qu’on a eu le grand tort de supprimer. Les Suisses, par référendum, ont voté à 73% son maintien. L’armée assurait par ailleurs une mission d’éducation en complétant celle-ci et en dépistant les déficiences de la formation initiale. Plusieurs mesures ont exprimé la volonté de pallier son absence : service civique, Défense 2e Chance, Cadets. Ce sont aujourd’hui des cache-misères : 46 000 jeunes on effectué leur service civique depuis 2010. Celui-ci n’a pas de lien avec la Défense. L’augmentation prévue risque de n’être qu’un subterfuge parmi d’autres pour dissimuler un peu le gâchis du chômage des jeunes. Le second dispositif géré par trois ministères encadre 2500 jeunes dans 11 internats. Le troisième destiné à sensibiliser les élèves de 3e à la défense nationale touche 350 collégiens… Pourtant il y a dans le rapport de la nation à son armée une dimension symbolique plus objective et plus élevé qu’avec une équipe de foot ou de basket.

Cette évolution est curieusement l’aboutissement de deux idéologies en apparence contradictoires. D’un côté, le socialisme a installé un État obèse qui finira par tout faire sauf la seule chose pour laquelle il a été créé et qu’il est le seul à pouvoir faire : défendre le pays. De l’autre, les libertaires rêvent d’une humanité d’individus, d’agents économiques d’autant plus aptes à régler leurs problèmes que l’État ne s’occupera pas de planifier leur action. De proche en proche, de l’individu à la Fédération de fédérations, la paix universelle régnera. Cette réduction de la personne humaine à sa dimension économique et matérielle est dans les deux cas une erreur, même si la seconde approche est plus juste que la première dans le monde de la production et des échanges. La transmission des valeurs spirituelles et culturelles, humainement plus importantes que l’économie, exige des familles et une nation, et l’armée est indispensable pour protéger celle-ci et celles-là plus encore que nos intérêts économiques.

Related Articles

26 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Aïtana , 8 octobre 2013 @ 10 h 08 min

    Il s’agit du dernier pilier de notre culture qui s’effondre. Vous me direz tous les pays ont une armée, y compris et surtout les plus cultures les plus “guerrières”. Mais notre Armée, comme celle de la plupart du monde occidentale, a toujours été imprégnée des valeurs de notre civilisation et de nos traditions. La gauche met les bouchées doubles. En ce sens, la destruction volontaire de notre patrimoine culturelle , est la seule réussite que je lui concède, depuis son accession au gouvernement. Elle s’est attaqué avec efficacité à l’avant dernier pilier qui était la famille, aujourd’hui l’ Armée…De fait, elle ramène l’individu au rang de créature sans spiritualité (au delà du sens religieux du terme), sans “être” .

  • Luc+ , 8 octobre 2013 @ 10 h 08 min

    Quand on entend Mr CANTAT – Duflot parler de bruit de bottes sur les champs Elysées ! Je me demande COMMENT les cadres de la grande muette sont restés MUETS ?

  • lucotin , 8 octobre 2013 @ 10 h 20 min

    toujours la voie de la facilité,
    l’entropie…

  • ymrpp , 8 octobre 2013 @ 10 h 27 min

    Quand l’Armée va-t-elle nous faire un nouveau 18 brumaire ?
    Quand sera-t-elle prête à nous donner un nouveau Premier Consul ?

  • Sacha , 8 octobre 2013 @ 10 h 30 min

    Il y a pourtant eu un avertissement discret, lorsque l’Armée a fait chanter “Paris en colère” devant Hollandouille le 14 juillet.
    Ceci dit, l’auteur de l’article a raison : l’État glouton et obèse ne remplit plus son devoir régalien de défense nationale; il est vrai que sous les diverses Républiques qui se sont succédées dans un ballet étourdissant, l’État a toujours mal accompli ce devoir (cf la défaite de 1940). Il ne remplit pas non plus, en dépit des rodomontades de Valls, son devoir régalien de sécurité intérieure; quant à son dernier devoir, celui de diplomatie, nous sommes la risée des populations mondiales.
    Il faut – c’est une impérieuse obligation – le libéralisme économique; mais la vie d’une nation n’est pas fondée uniquement sur l’économie, c’est une donnée incontestable mais que nos politicards ont vraiment trop tendance à oublier.
    Pour toutes ces raisons, l’impératif catégorique est de renverser l’État-providence, pillard par nature et générateur de pauvreté, et instaurer un État puissant dans ses trois rôles régaliens, La Défense, notamment, mérite attention et équipement et qu’on en finisse avec la clochardisation de cette indispensable institution. Car il ne faut pas compter sur les autres pour nous défendre, ni sur l’Europe veule, ni sur l’Amérique impérialiste.

  • François Desvignes , 8 octobre 2013 @ 12 h 20 min

    C’est pour faire fomec (camouflage) : aussi longtemps que vous ne les entendrez pas, aussi certainement ils vous surprendront.

    Quand l’armée retirera son soutien au pays légal, pour rejoindre le pays reel, le faire part de décès de Marianne (et du pays légal) sera constaté.

    Ce qui a retardé ou empêché jusqu’ici cet heureux evènement , outre la loyauté proverbiale de l’armée, c’est qu’il n’ y a pas une mais deux armées :

    – la fonctionnelle dans les Etats majors, sorte d’armée mexicaine, largement infestée par la FM et les idées de la république bon teint . Cette armée n’a qu’un programme : durer. Et pour durer : pas de vague.

    – l’opérationnelle, plus jeune, moins polie, moins calculatrice aussi : celle qui est descendue dans la rue en civil pour apporter son soutien à la nation. Celle là est dangereuse et pas seulement pour les pappys de la première armée : pour la république encore plus.

    C’est celle-là qui fait fomec.

    Très bien d’ailleurs : le lys noir qui est un de ses organes de presse subversif avait semé la panique dans les medias et les couloirs de la république en annonçant que l’armée fomentait un coup d’Etat. Demi vrai, demi faux, en avance.Pour voir.

    On a vu.

    Et on a bien rigolé.

    Il faut que l’armée nous rejoigne : l’urne c’est pas assez radical ni assez loyal et de toute façon on n’a plus le temps.

  • ranguin , 8 octobre 2013 @ 12 h 45 min

    Il aurait dû s’attarder sur les bruits des coups que son frères distribuait à sa compagne.

Comments are closed.