Tribune libre de Christian Vanneste*
Les feux des barnums républicain et démocrate se sont éteints à Tampa et à Charlotte, avec leurs paillettes, leur mise scène plus ou moins réussie, et leurs vedettes. De la convention du GOP, on retiendra le « show » de Clint Eastwood parlant à une chaise vide, « incarnation » si l’on ose dire, de la politique de nos grandes démocraties. Encore la dérision facile de l’opinion française à l’encontre de la politique américaine devrait-elle s’empreindre de plus de modestie : il y a aux États-Unis de vrais débats idéologiques, une vraie droite conservatrice pour les alimenter et des référendums d’initiative populaire dans un État sur deux. Les propos consternants d’Axel Poniatowski selon qui « l’UMP se situe à la gauche du Parti Démocrate » sont explicites : en France, la trilogie infernale de la pensée unique, du politiquement correct et du terrorisme médiatique qui les accompagnent, règne sans partage au point d’émasculer le discours de ceux qui situent leurs carrières à droite, se libèrent parfois en apparence, le temps d’une campagne, pour s’ouvrir à gauche ensuite et composer des castings gouvernementaux plus soucieux des images que des idées.
L’ère du vide a envahi la politique et le simulacre du pouvoir ne parvient à résoudre aucun des problèmes qui se posent à notre pays. La situation économique mondiale s’améliore-t-elle à l’orée du XXIe siècle, et Jospin, le Chantecler de l’époque, s’attribue le lever du soleil tout en installant la bombe à retardement des 35 heures ! La France vit à crédit depuis près de quarante ans parce qu’il faut nourrir l’illusion du pouvoir d’achat des électeurs par des allocations empruntées sur les générations futures. La France a choisi le chômage, comme disait Minc, parce que ses dirigeants n’ont pas osé les réformes courageuses pratiquées au nord de l’Europe, les comptes notionnels de la retraite suédoise, la TVA sociale danoise, la baisse du coût du travail allemande. On a préféré les revenus d’assistance, les ersatz d’emplois, le développement de la fonction publique territoriale quand on faisait mine de diminuer le nombre des fonctionnaires d’État. La France connaît une montée de la violence dans la société, liée souvent à l’éclatement de la cellule familiale, que les chiffres de la délinquance générale ne parviennent pas à masquer. La maîtrise de l’immigration est un leurre dont le résultat est inversement proportionnel au nombre de lois qui lui ont été consacrées.
Il reste à savoir quand les spectateurs vont se lasser, quand le peuple va cesser d’applaudir et criera : “Remboursez !”
Le spectacle est donc plus que jamais nécessaire pour détourner l’attention, amuser la galerie, et montrer à quel point les spectateurs ont la parole. À l’automne 2011, les socialistes avaient réussi le grand cirque des primaires et l’élection de François Hollande à la candidature. Les « responsables » de l’UMP qui n’étaient pas loin de mettre la défaite de Sarkozy sur le compte de ces quelques semaines de pub perdues tiennent aujourd’hui leur revanche : le Président de l’UMP sera élu au terme d’une procédure démocratique, publique, transparente, tandis que le Premier Secrétaire du PS sera le premier signataire désigné d’une motion unique cadenassée par l’Élysée. Mais à y regarder de près, à voir les équipes qui entourent Copé ou Fillon, on devine les ambitions, les calculs de trajectoire et on serait bien en peine de trouver des choix idéologiques cruciaux, comme ceux qui avaient pu ailleurs imposer un Reagan ou une Thatcher. L’absence de conviction et les changements de couleur des caméléons sont parfois saisissants, comme le plaidoyer de NKM en faveur de la TVA sociale, elle qui défendait hier la taxe carbone ! Les Alpes-Maritimes d’un côté, les Hauts-de-Seine de l’autre, les réseaux divers qui règnent plus ou moins sur le parti, les ambitions déçues du jour, mais pleines d’espoir pour le coup d’après et qui font entendre leur musique en sourdine, la « plume » de l’ancien Président, Henri Guaino, qui lui a des idées, et donc aucune chance, tout cela donne un fort mauvais spectacle qui n’intéresse que les Barbier ou les Apathie : ça les amuse et ils en vivent.
L’imposition à 75% ne touchera ni les artistes, ni les sportifs : normal dans une société où le spectacle occupe la première place et où l’on est habitué à associer davantage le patriotisme aux résultats sans lendemain du football ou de la natation qu’à nos découvertes scientifiques ou à nos classements dans l’économie mondiale. La France a encore perdu trois places dans celui qu’établit chaque année le Forum Economique Mondial. Mais le penseur gauchiste qui avait inventé ce concept de « Société du Spectacle », Guy Debord nous aurait sans doute dit que les forums de Davos sont aussi du spectacle. Sans doute n’aurait-il pas tort. Il reste à savoir quand les spectateurs vont se lasser, quand le peuple va cesser d’applaudir et criera : “Remboursez !”
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.