Panurge a donc gagné. Les moutons sont allés à la mer. Qui est Panurge ? Ce n’est pas le président élu. C’est celui qui achève son lamentable mandat par un coup de maître en faisant gagner son dauphin, suffisamment peu désigné pour ne pas entacher sa candidature, mais adoubé et lancé sur la piste avec de puissants moyens.Le gain est triple. D’abord, le bilan a été passé par pertes et profits puisque le sortant n’était pas candidat. Celui-ci était un « homme neuf », qui l’avait accompagné plus de deux ans comme secrétaire adjoint de l’Elysée et sur une durée équivalente comme ministre de l’économie, soit pendant la quasi totalité d’un quinquennat calamiteux. Le parrainage présidentiel est d’ailleurs dévoilé dans le livre de Lhomme et Davet, « Un président ne devrait pas dire ça ». Hollande y souhaite la création d’un nouveau parti socialiste, sociologique, délesté de son nom et de ses résidus idéologiques, animé par l’idée de progrès, la traduction de « décadence » en langage de gauche, et prolongeant ses tentacules vers le centre. « En Marche » correspond exactement à cette idée. Quant au livre présenté par ses auteurs comme une bombe qui aurait soufflé les derniers espoirs d’un deuxième mandat, il est juste le contraire. C’est lui qui a permis de déclencher le siège éjectable salutaire puisque Hollande savait n’avoir aucune chance d’être réélu. La scandaleuse proximité du chef de l’Etat avec deux journalistes, qui ont son numéro de portable et l’appellent pour obtenir des précisions sur sa vie privée, ne laisse aucun doute sur l’utilisation perverse du bouquin dans la stratégie maligne de l’ancien premier secrétaire du PS. Le taureau Valls, croyant son heure arrivée, fonce et se fait cueillir dans l’arène socialiste par le dernier carré des socialistes marxistes. Les autres, les amis de Hollande sont déjà « en marche ». Celui-ci annonce son retrait, la larme à l’oeil. Le faux mutin et véritable héritier doit jouer sur sa jeunesse, son apparente nouveauté, son ambiguïté politique. Il affrontera un candidat républicain qui sera toujours un homme du passé, vieux et sec comme Juppé, battu déjà et chargé de multiples casseroles comme Sarkozy, et si c’était Fillon, un homme contre qui on a un dossier. La machination est prête pour coincer l’ancien Premier Ministre si fier de n’avoir jamais été mis en examen. Il le sera en pleine campagne grâce à la complicité des médias et d’une justice d’exception créée par Mme Taubira lors de l’affaire Cahuzac. Elle n’avait aucune légitimité pour agir dans une affaire aussi simple et de peu d’importance, en grande partie protégée par la séparation des pouvoirs. Lhomme et Davet seront, comme par hasard, aux premières loges des informations destinées à faire mousser l’affaire et plomber la campagne. Pendant que Fillon, totalement surpris par la manoeuvre, s’enlise, Marine Le Pen reste peu attaquée. Les faits divers apportent de l’eau à son moulin. Ce serait une bénédiction qu’elle soit présente au second tour…
L’espoir naît donc d’atteindre un deuxième objectif : maintenir le système et ses prébendiers. C’est aujourd’hui chose faite. Macron est proche de Jouyet et d’Attali, a fait partie des Gracques et de la Rotonde. Il appartient à ce microcosme très parisien des hauts fonctionnaires, des conseillers et autres grenouilles de cabinet, des hommes d’influence dans la politique, les affaires et les médias, qui est acquis au progressisme sociétal et à l’économie de marché sans frontières. C’est Hollande avec un meilleur carnet d’adresses et enfin libéré de la phraséologie de la lutte des classes. Les Français méprisaient leur président. Ils ont élu le successeur qu’il souhaitait. Ils sont rétifs au monde de la finance, se souviennent de 2008, de l’affaire Cahuzac, des réseaux opaques qui facilitent la fuite des capitaux et ils ont voté pour un banquier d’affaires qui a mis la main dans le privé comme dans son court ministère à des transactions discutables. C’est bien lui qui a autorisé en Octobre 2015 le rachat de SFR par Drahi le patron de Numéricable, mais aussi de BFM. Montebourg avait fait en sorte que l’avis de Bercy soit requis ! Sa dénégation lors du débat, face à une Marine Le Pen pataude, est révélatrice du personnage. Beaucoup de Français sont inquiets d’une immigration excessive, d’une progression galopante de l’islam, malheureusement accompagnée d’une radicalisation favorable au terrorisme. Ils font néanmoins rentrer à l’Elysée celui qui soutient la politique d’Angela Merkel, qui promet de faciliter l’immigration en provenance d’Afrique, qui a reçu le soutien de l‘UOIF, et qui est allé dénigrer son pays en Algérie. Les Français sont profondément attachés à la paix. Ils ont maintenant un chef des armées qui n’exclut pas une intervention contre l’Etat syrien, c’est-à-dire contre la Russie de Vladimir Poutine.
Enfin, le troisième but était le plus difficile : l’élargissement de la gauche en « grand parti du milieu », ce projet que Giscard n’avait pas réalisé au profit de la droite. C’est fait en grande partie. La droite pouvait gagner en plaçant les questions du terrorisme, de l’insécurité, de l’immigration et de l’identité au premier plan. Cette stratégie, malheureusement abandonnée par Sarkozy au pouvoir, lui avait réussi en campagne. Le FN défend sur ces points des positions valables, mais il est toujours, pour beaucoup d’électeurs, le repoussoir qu’entretiennent les médias. Il fallait donc que les « républicains » mettent au premier plan ces sujets en les accompagnant d’un programme économique solide. Fillon a mis l’économie en avant, avec l’approbation du Medef, qui voyait en Macron un deuxième fer au feu avec peut-être un moindre risque de résistance sociale. Fillon n’a renversé la vapeur qu’après l’attentat des Champs Elysées, beaucoup trop tard. Evidemment, le danger était grand de faire exploser la droite et le centre. Son ventre mou, qui se prétend « humaniste » pour cacher son vide sous un habit trop large, n’a pas de mal à se rallier à Macron, certains dès le début, d’autres en lâchant Fillon en pleine bataille. Leur choix sera désormais de s’accrocher à leurs sièges. Les législatives sont loin d’être gagnées pour l’opposition d’hier, si tant est qu’elle existe encore.
Hollande et Macron peuvent sabrer le champagne. Ils ont roulé les Français dans la farine. Les bobos des grandes villes et leur puissance de feu médiatique ont écrasé la France périphérique.
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