S’il est une réforme qui devrait résister à une alternance politique, c’est celle du Parlement… Cette réforme est le fruit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait été pourtant adoptée dans la douleur, à une voix près. Aujourd’hui, alors que la XIIIème législature touche à sa fin, le visage du nouveau Parlement commence à dévoiler l’ensemble de ses facettes et le consensus semble acquis sur les modifications constitutionnelles adoptées en 2008 : « L’opposition a fait savoir qu’elle ne reviendrait pas sur ce texte » fait valoir Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale. Passage en revue des avantages et inconvénients des changements :
Discussions en commission
Aux dires de ses acteurs, le point qui a fait évoluer le plus le travail du Parlement est la présentation en séance publique des textes amendés par la commission saisie.
– Les plus : le travail préalable en commission est désormais des plus stratégiques. Le Gouvernement s’il ne veut pas « ramer », selon les termes du président Bernard Accoyer, pour retrouver son texte original en séance publique, doit défendre son projet de loi dès le travail en commission. Symptomatique : ne voit-on pas régulièrement tel ou tel ministre sécher le sacro-saint Conseil des ministres pour défendre un texte en commission ? Autre avantage d’un tel système, la baisse du poids bureaucratique. Serge Lasvigne, secrétaire général du Gouvernement, confesse lors d’un colloque sur la réforme du Parlement (1) : « Autrefois, les différents bureaux défendaient les textes à la virgule près avant qu’il ne rentre dans l’hémicycle. Aujourd’hui, le texte initial n’est qu’un texte témoin dont on sait qu’il sera profondément modifié dès l’examen en commission ».
– Les moins : c’est le professeur Guy Carcassonne qui rappelle que la réforme aurait pu aller plus loin en supprimant la possibilité pour le rapporteur de retirer en séance un amendement adopté en commission, possibilité procédant d’une « drôle de conception selon laquelle le rapporteur serait le propriétaire des travaux de la commission…»
Statut de l’opposition :
L’article 51-1 de la Constitution inséré dans la Constitution dispose désormais : « Le règlement de chaque assemblée (…) reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée »
– Les plus : selon les juristes, l’instauration d’un statut de l’opposition au sein même de la Constitution relève d’une véritable discrimination positive en faveur des groupes minoritaires. Une révolution tant le principe d’égalité entre groupes politiques était jusqu’alors la règle et guidait la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Roger-Gérard Schwarzenberg, professeur de droit et ancien ministre sous plusieurs gouvernements de gauche, reconnaît : « Que pour la première fois les droits de l’opposition soient assurés dans notre constitution, c’est un progrès considérable ». Lucide, il analyse : « J’avais proposé un statut de l’opposition lors de l’actualisation du programme commun en 1978. Cela n’avait pas été retenu car ceux qui faisaient le programme pensaient qu’ils ne seraient bientôt plus dans l’opposition… »
– Les moins : dans son récent ouvrage (2) sur les assemblées parlementaires françaises, le professeur Pascal Jan analyse : « Le moins que l’on puisse dire c’est que les chambres se sont montrées très prudentes, voire frileuses, pour accorder des prérogatives importantes aux groupes concernés ». La commission des finances est pourtant désormais présidée par un parlementaire de l’opposition. Cette avancée n’est que symbolique pour l’universitaire qui imagine des systèmes assurant plus effectivement les droits de l’opposition : nommer un député de l’opposition rapporteur général de la loi des finances ou innover en instaurant un contre-rapporteur général… Pascal Jan reconnaît cependant : « Parti de rien, convient-il certainement, dans un premier temps de se satisfaire de peu. » Guy Carcassonne relativise également les progrès réalisés et préfère souligner les mauvaises habitudes dont le Parlement doit encore se défaire comme « l’absence indécente et honteuse de la majorité lors des séances à la disposition de l’opposition ».
Temps législatif programmé :
Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, a voulu insérer la pratique du temps législatif programmé pour éviter les discussions interminables et les dépôts d’amendements numériquement monstrueux. Alors que le Gouvernement ne dispose que de deux semaines par mois pour faire passer ses projets de lois, il convenait de rendre efficace les heures de discussions en hémicycle en permettant à la conférence des présidents de fixer un temps aux débats sur un texte.
Les plus : « Avec l’organisation concertée des débats, l’objectif de lutte contre l’obstruction est en passe d’être atteint, puisque de manière générale, le nombre d’amendements déposés sur les textes est assez modéré » écrit la juriste Audrey Demontis (3). Bernard Accoyer semble satisfait des effets de ce temps programmé qui a fait baisser « des deux tiers » le nombre d’amendements déposés, même si le nombre d’amendements adoptés est de 2000, « soit toujours à peu près le même » que lors de la session précédente. « Cela veut bien dire que cette réforme a mis un terme au gaspillage de temps et d’énergie qui nuisait au travail parlementaire » conclut Bernard Accoyer.
Les moins : la répartition du temps se fait au profit des groupes parlementaires. Si un groupe politique a épuisé son temps de parole, le député ne pourra plus s’exprimer… Une atteinte, selon certains, à la liberté individuelle des parlementaires. Autre effet collatéral du temps programmé, la baisse paradoxale de la qualité des débats. Audrey Demontis observe en effet que « la majorité n’utilise qu’avec parcimonie son volume, attendant patiemment l’épuisement du temps de l’opposition. »
À suivre jeudi 10 mai…
1. Colloque du 18 mai à la Documentation française : « Parlement, une réforme aboutie ? » : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/entretiens/formats/flash/parlement.shtml
2. Les assemblées parlementaires françaises, La documentation Française
3. Petites affiches, 03 septembre 2010 n° 176, p. 3 « L’organisation globale des textes : premier bilan sur une réintroduction contestée »