Marc Crapez : « Tôt ou tard, la droite devra prendre le taureau par les cornes »

Après l’élection de François Hollande à la présidence de la République dimanche, Nouvelles de France donne la parole à des spécialistes pour comprendre les raisons de la défaite de la droite. Entretien avec le chercheur en sciences politiques Marc Crapez.

Comment expliquer la défaite de Nicolas Sarkozy ?

Notamment par des facteurs très généraux et très particuliers. Généraux parce que, comme je l’avais écrit au soir de la primaire socialiste, la réélection de Nicolas Sarkozy aurait été un exploit : avec la crise, les gouvernements en place sont un peu partout remerciés. De plus, en France, depuis de Gaulle, aucun président de la République n’a été directement réélu (Mitterrand et Chirac ne sont repassés qu’après des épisodes de cohabitation).

Les facteurs particuliers tiennent à sa personnalité. Sarkozy s’est tiré des balles dans le pied avec ses mots malheureux. C’est grâce à la fameuse phrase « pendre à un croc de boucher », qui n’a pas été démentie, que Dominique de Villepin est parvenu à se poser en victime, à redorer son image dans l’opinion publique, à faire oublier qu’il était chronologiquement l’agresseur.

Quel avenir pour l’UMP ?

Face aux difficultés de l’UMP, beaucoup d’électeurs de droite croient à une injustice, car ils s’imaginent la droite majoritaire. Or il n’en est rien. La droite n’est majoritaire que dans certaines régions et à condition d’agréger à la fois le centre et son aile droitière, ce qui est fort complexe. D’autant qu’une partie des électeurs du Front national est de gauche et se reporte au 2ème tour sur la gauche.

Quant à Bayrou, son glissement vers la gauche risque de lui coûter cher, aux législatives, auprès des électeurs de centre-droit, mais il est suivi par les cadres de son mouvement. Son positionnement au centre-gauche est un vrai segment électoral, qui était incarné en France par le MRG, et qui est incarné par les libéraux britanniques.

La “droitisation” va-t-elle subir un coup d’arrêt suite à ce résultat ? Déjà, dimanche, David-Xavier Weiss et Dominique Paillé ont attribué la défaite à la stratégie prônée par Patrick Buisson qui considère que la présidentielle ne se gagne pas au centre mais “au peuple”…

Tôt ou tard, la droite devra prendre le taureau par les cornes. Réaffirmer qu’elle ne fait pas d’alliance avec le Front national, parce que la chose ne serait pas viable. Mais prendre acte d’un certain changement opéré par Marine Le Pen. En arguant qu’il ne s’est rien passé avec son arrivée, la droite aurait du mal à convaincre et s’enfermerait dans le déni. Un déni de réel et un déni de justice.

A titre personnel, je suis pour le scrutin majoritaire, mais une dose de proportionnelle s’impose lorsque, depuis deux décennies, un parti qui fait des scores à deux chiffres campe aux portes de la Cité, alors que le Parti communiste moribond conserve un groupe à l’Assemblée nationale.

Aux élections européennes de juin 2009, deux ans après l’accession au pouvoir de Sarkozy, en pleine crise économique, la droite de la droite était au plus bas dans un scrutin qui lui était pourtant traditionnellement favorable : 4% pour de Villiers et 6% pour Le Pen. Sarkozy y vit un peu vite la confirmation éclatante de la stratégie dont il s’était vanté en 2007, avoir « siphonné les voix du FN ».

Le remaniement ministériel qui suivit refléta cette perception des rapports de force : Christine Boutin qui symbolisait la droite de la droite fut remerciée, tandis que furent recrutés Frédéric Mitterrand, incarnant l’ouverture, et Nora Berra, la diversité. Le mois suivant, lors d’une municipale partielle à Hénin-Beaumont, l’UMP appela à voter pour un socialiste qui s’avèrera par la suite corrompu.

Il faut être plus regardant. Dans la continuité de la ligne définie par Sarkozy pour les élections de 2011. Ni alliance, ni diabolisation. Des consignes au cas par cas. Pas question d’aller voter pour l’extrême-gauche, ni de se laisser dicter son comportement électoral par la gauche !

Le FN peut-il devenir le grand parti de l’opposition à droite ? N’est-ce pas contradictoire avec le discours “ni droite ni gauche” de sa présidente ? Et surtout, les électeurs de l’UMP ne vont-ils pas lui attribuer la défaite du président sortant ?

Vos questions contiennent en creux, par déduction, les réponses…

Une telle domination de la gauche dans les institutions (Sénat, présidence de la République, presque toutes les régions, deux tiers des départements, Paris, Lyon, Lille…) est-elle inédite sous la Ve République ?

Tout à fait.

Les grandes villes françaises sont de plus en plus difficiles à remporter pour la droite. S’agit-il d’un mouvement irréversible ?

Excellente question. Les grandes villes sont de plus en plus difficiles à conserver. Dans certains départements de droite, la préfecture est de gauche. Les concentrations urbaines favorisent un regroupement de fonctionnaires, bobos et étudiants qui chassent les familles et les classes moyennes et populaires.

À la sécession élitiste des bobos des centres-villes, clivés sur leur idéologie et leur clientèle, répondent d’autres phénomènes de séparatisme. Chez les « petits blancs » des « petites villes » des « petites provinces », la majorité des jeunes votent Marine Le Pen parce qu’ils se sentent exclus des politiques inavouées de discrimination positive et autres cases dérogatoires d’ayants-droits.

Comment avez-vous jugé la campagne méditique ? A-t-elle été équitable en terme de traitements ?

Joker.

Y a-t-il la place aujourd’hui en France, aux élections, pour un parti vraiment libéral-conservateur ?

Le gros problème est qu’un parti « vraiment libéral-conservateur » risquerait de n’être ni libéral, ni conservateur. Ceux qui se réclament de la « vraie » gauche sont d’extrême-gauche. Et beaucoup d’honnêtes citoyens sont sincèrement épouvantés par les idées extrémistes. Marine Le Pen a réformé les références de son parti, mais ses positions illibérales ne rendent pas possible un rapprochement avec l’UMP.

Des quatre Dalton de droite : le conservateur, le gaulliste, le libéral et le modéré, c’est ce dernier, le plus petit électoralement parlant, qui fait la loi et houspille ses trois frères, notamment le conservateur, tenu pour le canard boiteux de la famille. Si bien que le centre de gravité de la vie politique française est décalé de plusieurs crans vers la gauche par rapport aux autres pays de l’OCDE. Sarkozy n’a pas solutionné le drame qu’il avait identifié, en 2006, d’une droite « qui s’excuse depuis tant d’années de ne pas être de gauche ».

> Marc Crapez est l’auteur d’Un besoin de certitudes. Anatomie des crises actuelles (éd. Michalon) et de Défense du bon sens ou la controverse du sens commun (éd. du Rocher, collection “Démocratie ou totalitarisme” dirigée par Stéphane Courtois)

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2 Comments

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  • 0 / 10
  • jejomau , 8 mai 2012 @ 13 h 17 min

    Il faut donner sa vraie grande leçon à l’UMP en les forçant à redevenir une vraie Droite pour qu’ils servent les intérèts des français et non ceux du “parti de l’étranger”. Aux législatives, faites battre tous leurs membres infiltrés pro-soixante-huitard. C’est ici :

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2012/05/l%C3%A9gislatives-la-liste-noire-des-d%C3%A9put%C3%A9s-ump-%C3%A0-battre.html

    Rendez-vous tous le 13 mai à Paris pour rappeler que … les Français existent et qu’ils ne vont pas se laisser faire :

    http://www.civitas-institut.com/

    Par Saint Michel… Vive la France !

  • Athos , 9 mai 2012 @ 7 h 50 min

    Décidément, n’ont rien compris. Toujours les mêmes discours lénifiants. Et ça se dit “Spécialiste”.
    Pauvre Droite!

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