par Philippe Simonnot*
Jérôme Cahuzac est une victime, on ne l’a peut-être pas assez remarqué.
Voilà un Monsieur qui met ses immenses talents de fraudeur au service de la République, d’abord comme président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, puis comme ministre du Budget, avec un tel désintéressement aveugle qu’il en a oublié d’effacer les traces bancaires de ses forfaits passés.
Voilà encore un Monsieur qui pousse le dévouement à la Chose Publique jusqu’à mentir les yeux dans les yeux aux plus hautes autorités de l’État et devant l’Assemblée nationale pour que le dévoilement de ses exploits financiers par des échotiers de bas étage ne vienne salir une présidence élyséenne gagnée puis placée sous le signe de la Morale.
Prendre le risque du parjure et de la vindicte populaire pour sauver les apparences d’une « République irréprochable », voilà qui méritait quelque reconnaissance. Sans doute Jérôme Cahuzac ne pouvait rester au gouvernement, mais qu’on le chasse de son parti sans même l’avoir entendu est indigne – ou digne d’un parti totalitaire. Qu’on le laisse donc venir maintenant s’expliquer devant ses pairs à la Chambre des députés si la présomption d’innocence a encore un sens. A-t-on si peur de ce qu’il pourrait avouer ? Craint-on qu’il nomme ceux de la bande à Hollande qui étaient au parfum et qui sont morts de trouille aujourd’hui ?
Du reste le risque de ce mensonge n’était pas déraisonnable tant les ressources et les ressorts de l’ingénierie financière de ses banquiers et de ses avocats avaient fait merveille jusque-là. Plus gros le mensonge, plus ça marche. Et ça a marché pendant quatre mois ! Cahuzac a menti effrontément, dit-on maintenant. Mais comment faire autrement que de mentir effrontément dans sa position ?
À partir du moment où il avait été nommé à ces postes de haute responsabilité, à partir du moment où il les avait acceptés et démontré, prétend-on, qu’il les méritait par sa science de connaisseur intime de la phynance dans ce royaume ubuesque qu’est devenu la République française, il se devait, c’était son devoir d’État, c’est bien le cas de le dire, de nier des accusations remontées du caniveau et même pas relayées par la grande presse.
Du reste ce qu’on lui reproche maintenant c’est non pas tant d’avoir menti que d’avoir beaucoup trop imprudemment surestimé sa capacité de cacher des péchés remontant à une autre vie de vulgaire lobbyiste de laboratoires pharmaceutiques et de planteur de cheveux au noir.
L’artiste a raté le saut périlleux que ses petits camarades, qui ne pouvaient ignorer ses fraudes, lui demandait de réussir à tout prix pour sauver la mise d’un gouvernement aux abois devant la montée inexorable du chômage et de la colère populaire.
L’artiste travaillait sans filet.
Salut, l’artiste !
*Philippe Simonnot est journaliste et économiste. Il est l’auteur de Chômeurs ou esclaves : Le dilemme français, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.
Du même auteur :
> François Hollande et la nouvelle guerre civile
> Vent mauvais, de Pétain à Hollande
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