par Jean-Philippe Delsol aux éditions Desclée de Brouwer
Au-delà de l’« injustice fiscale », Jean-Philippe Delsol nous convie à une véritable réflexion sur le bien commun et le concept même d’impôt.
Après avoir rappelé que la civilisation occidentale est la fille de Rome, d’Athènes et de Jérusalem, l’auteur indique que sa tension permanente vers la justice, lui a permis de découvrir le respect dû à la personne, au moyen du droit qui est « le cadre d’une libération intellectuelle, morale et économique de l’humanité et le ressort de ses progrès ». Cette apologie du droit permet de se rappeler que l’auteur est aussi avocat…
Jean-Philippe Delsol point du doigt la confusion du juste et du bien et l’appropriation du bien par l’état en lieu et place du bien commun. Pour cela il prend l’exemple de Xénophon, qui demande au jeune Cyrus de départager deux garçons dont le plus grand a pris le manteau du plus petit au motif que celui du petit était à sa taille, à lui le grand, et qui, inversement, à obliger le plus petit à prendre celui qui lui appartenait, à lui, le grand car ce manteau était trop petit pour lui. Le futur Cyrus sera frappé pour avoir mélangé le droit et le juste ; à chacun son vêtement. Il doit respecter la propriété du plus petit y compris sur un vêtement trop grand. Libre à eux, ensuite, d’échanger, s’ils le jugent pertinent.
Il y a aussi l’exemple de l’instrument de musique ; trois enfants se disputent un instrument de musique l’un affirme « je suis le seul à savoir m’en servir », un autre « je n’ai rien, donc il faut me le donner » ce qui peut être bien, et enfin le dernier « c’est moi qui l’ai fabriqué », ce qui est juste.
Un petit détour par Henry VIII qui a suivi un parcours atypique de papiste pratiquant à créateur d’une nouvelle religion nationale dévouée à lui-même, son nouveau chef ; avec, tout naturellement et en corolaire, l’appropriation des biens de l’Eglise… Souci : qui va s’occuper des pauvres dont les couvents avaient la charge jusqu’alors. Henry VIII décide alors d’une loi sur les pauvres. La charge des nécessiteux qui était le propre d’une institution, devient une charge publique. La sphère publique s’ingère dans la charité : il y a confusion entre le bien et le bien commun. A terme, la sécurité sociale remplace la solidarité familiale, ce qui, à terme, n’est pas toujours un mauvais plan…
Dans la même veine Jean-Philipe Delsol estime que l’Europe n’est pas un roman à écrire mais une réalité pré-existante. Il observe également que le système des pensions de réversion est à la limite de la spoliation pure et simple. Ce qui l’incite Jean-Philippe Delsol à appeler de ses vœux une retraite par capitalisation.
Jean-Philipe Delsol se montre opposé à l’allocation universelle ; il se réclame de st Paul « que celui qui ne travaille pas il ne mange pas non plus ».
Pour l’évaluation du juste prix, il s’en remet à l’école de Salamanque qui évalue le prix d’un bien par la négociation libre entre gens bien informés, plutôt qu’à la Tradition et à st Thomas d’Aquin qui justifie le prix par la quantité de travail nécessaire sa réalisation.
Dans son chapitre XV, à la fameuse question « un impôt peut-il être juste ? », il répond par un certain nombre d’exigences; l’impôt doit être raisonnable (et non pas confiscatoire), payé par tous (et non pas seulement par la classe moyenne), simple(« si faciles à percevoir et si clairement établis qu’ils ne puissent être ni augmentés, ni diminués par ceux qui les lèvent », selon Montesquieu), conçu comme une échange ou un service, démocratique, proportionnel (dont la proportionnalité peut varier selon lui en fonction des revenu), et enfin, la même loi doit s’appliquer à tous. Dans ce dernier item, J.P. Delsol observe que « la pratique française, comme en peu d’autres états, est de soustraire les agents de la fonction publique au droit commun par une sorte de privilège ». Pas faux.
Pour remettre la fiscalité dans la bonne direction, Jean-Philippe Delsol rappelle que la fiscalité n’est que le moyen du bien commun, et que le gardien de cet ordre nécessaire (i.e. l’état soi-même), ne doit pas s’immiscer dans la destinée de ceux qu’il n’est pas là pour régenter, mais au service desquels il est tenu, pour leur permettre de vivre ensemble, librement.
Ce livre est donc un appel au bon sens ; maitrisant parfaitement son sujet, JF Delsol s’appuie également sur la doctrine sociale de l’Eglise, bien trop méconnue, pour nous livrer là un essai facile à lire mais prospectif et véritablement programmatique…
> L’injustice fiscale, Jean-Philippe Delsol, éditions Desclée De Brouwer, 332 pages, 19,50 euros
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