Le retour du fils-père

Tribune libre de Christian Vanneste*

Nicolas Sarkozy vient de se livrer à des confidences. La première révèle que, si le pouvoir politique ne le tente plus, il ne se déroberait pas l’appel qui jaillirait de la nation pour le salut public. Si la France est en péril, alors il est prêt à faire le don de sa personne. Ce thème du retour du sauveur tellement ancré dans l’inconscient chrétien, du père protecteur venant à nouveau s’offrir au peuple pour lui redonner foi et espérance, dont un maréchal puis un général ont laissé la trace dans la conscience collective française, apparaît en filigrane dans cette première annonce. Mais la seconde laisse aussitôt percer l’ambivalence du personnage. C’est une surprenante critique de l’intervention française au Mali émise par un ancien Président de la République, qui a donc incarné la France entière aux yeux du monde, le précédent chef des Armées alors qu’un quatrième soldat vient de tomber au combat. On lui reconnaîtra deux qualités : sa remarque est juste, puisque le gouvernement du Mali, issu d’un coup d’État, dans un pays profondément divisé, à l’administration floue sur un territoire immense, ne répond guère aux critères de légitimité qui justifieraient d’entendre son appel ; la question qu’il pose implicitement sur les conditions et la finalité de l’engagement d’une France qui se trouve un peu seule et avec des moyens limités est également pertinente. On soulignera à sa décharge que si les touristes parlementaires de l’opposition faisaient leur travail, le débat sur ces points aurait déjà eu lieu sans qu’il s’en mêlât. Mais avec un minimum d’objectivité, on ne peut s’empêcher de rappeler que le soutien aux adversaires de Kadhafi, reçu à Paris avec tous les honneurs, quelques années auparavant, ne se faisait pas non plus à la demande d’un gouvernement légal, et que la chute du bouffon tragique a laissé la Libye dans un chaos propice au djihadisme saharien qui y a trouvé armes, munitions et combattants. À travers ce tacle au successeur, mêlant intelligence et mauvaise foi, on reconnaît l’autre Sarkozy, le « bad boy », le fils enfilant les projets et les annonces plus vite que son ombre, la cible mouvante avec parfois des dérapages agressifs ou sentimentaux éloignés de la figure paternelle. « Casse-toi, pauvre con » ou « avec Carla, c’est du sérieux » avaient atteint des sommets.

“Avant le pouvoir, le gaullisme du grand-père, et une fois au pouvoir, la bougeotte séductrice du père.”

Nicolas Sarkozy reviendra peut-être. À nouveau, il laisse entendre qu’il a changé. Je crois au contraire que sa dualité profonde est inscrite au cœur du personnage. La psychologie, voire la psychanalyse trouvent chez lui un terrain de choix. En lisant Aldo Naouri, on sait, contrairement aux sottises actuellement déversées, combien la différence sexuée des parents joue un rôle essentiel dans la genèse d’une personnalité. Sur ce plan, Sarkozy a été servi : une mère, chef de famille, bougeoise, certes mais surtout une femme de caractère, et deux pères, le charnel, réfugié hongrois « de luxe », nomade du mariage, et le spirituel, le grand-père maternel,  médecin gaulliste. L’un semble avoir inspiré la vie privée et l’autre la vie publique, le premier le sens du court terme et l’autre celui de la vision pour le temps long. De la mère, primordiale, vient une combativité qui ne renonce jamais, comme on le voit aujourd’hui. Le boulimique Nicolas ne supportait plus le scepticisme cynique et attentiste caché sous l’éloquence du menton de Chirac. Il est de tous les hommes politiques français celui qui a le mieux perçu la nécessité des réformes structurelles à long terme que ses prédécesseurs n’avaient pas accomplies… et il n’en a pratiquement rien fait. Avant le pouvoir, le gaullisme du grand-père, et une fois au pouvoir, la bougeotte séductrice du père. On ne fait que les réformes qui ne font pas descendre dans la rue, on les maquille, on les relooke : pas d’abrogation des 35 heures, mais les « heures sup » choyées ;  les retraites des régimes spéciaux en trompe l’œil ;  un bouclier fiscal à 50% plutôt qu’une suppression de l’ISF ; un référendum d’initiative populaire infaisable ; un durcissement des lois pénales contredit par une loi pénitentiaire laxiste. Le bilan est pour le moins mitigé : pas la catastrophe pointée par la gauche pour justifier son impuissance, mais un ensemble disparate, en partie déjà démonté, où subsistent la refonte de la carte judiciaire, la réforme universitaire et le souvenir d’une réponse à la crise intelligente et d’initiaives internationales heureuses. Pour le reste, l’ambiguïté  des choix soumis davantage à la pression immédiate des médias l’a souvent emporté sur la réflexion au long cours : quelle est la véritable opinion de Sarkozy sur la préférence à accorder à la taxe carbone par rapport à la TVA sociale,  sur le vote des étrangers, sur la reconnaissance institutionnelle de l’homosexualité, sur la discrimination positive ou sur la place de la religion dans notre société ? Lui-même doit continuer le dialogue sur ces sujets entre père et fils.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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68 Comments

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  • Jean de Sancroize , 12 mars 2013 @ 23 h 48 min

    Erreur. Ce n’est pas le fils de Nicolas Sarkozy qui a été circoncis mais le fils (Solal) de Jean Sarkozy, marié avec une séfarade Sébaoun-Darty.

  • Jean de Sancroize , 13 mars 2013 @ 0 h 03 min

    Jacky4556 : Vous avez de drôles de références en la matière. Max Gallo, d’ascendance de 2 parents italiens, antimilitariste, planqué durant la guerre en Algérie lors de son Service National, tout comme son ami J.P. Coffe, homosexuel notoire et antimilitariste. Vous avez tout bon, ya pas photo.

  • lapotre , 13 mars 2013 @ 12 h 33 min

    Ce n’est certes pas le Maréchal qui a livré la France aux nazi, mais bien le gouvernement de ceux qui l’ont précédé au pouvoir. Après 3 ans de campagne de désarmement ils déclarent bêtement la guerre à l’Allemagne qui, elle, pas si sotte, s’était réarmée en un temps record. L’ armistice signée par le Maréchal a, au contraire, stoppé l’avance des Allemands. Ce sont les membres du gouvernement qui, fort contents de se débarrasser d’une situation qu’ils avaient créée et qu’ils étaient incapables de maîtriser, qui ont fait appel au Maréchal. Si le Maréchal n’était pas intervenu, le gouvernement en son entier avait prévu de quitter la France pour l’abandonner aux Allemands. Il est tellement pratique pour la gauche et la fausse droite d’accuser le Maréchal de tous les maux, cela évite de dire la vérité aux Français. Je ne tiens pas De Gaulle pour un héros — ma famille l’a toujours exécré — il a contribué à renforcer plus que jamais la puissance du parti communiste qui, à la fin de la guerre, s’est emparé des secteurs clés de l’enseignement, des médias, de l’économie. Il n’y a pas de quoi en être fiers : nous en subissons de nos jours les conséquences maléfiques et graves qui sont sur le point de détruire notre pays si le sursaut tant attendu ne se manifeste pas dans peu de temps.

  • JACKY4546 , 13 mars 2013 @ 14 h 59 min

    Revoyez donc la vie (surtout pendant la seconde guerre mondiale) de votre référence Amouroux. Vous verrez que vous aussi “vous avez tout bon”

  • JACKY4546 , 13 mars 2013 @ 15 h 48 min

    Si vous pensez que d’avoir écrit “40 millions de pétainistes” c’était savoir de quoi il parlait…
    Mais je pense qu’il vaut mieux arrêter là ce dialogue de sourds, car nous ne nous convaincrons ni l’un ni l’autre.
    Cordialement.

  • Eric Martin , 13 mars 2013 @ 15 h 59 min

    Peut-on arrêter de parler du passé, et tout spécialement de Pétain et d’Hitler ? Cela devient une obsession chez certains…

  • Stanis , 13 mars 2013 @ 16 h 24 min

    Très bien raisonné sur le glorieux Maréchal Pétain. J’ajouterai une chose : les terribles et trop répétées grêves de cheminots qui paralysent la France en prenant les voyageurs Français en otages sont également un héritage de de Gaulle qui a accordé les pleins pouvoirs à la CGT communiste à la SNCF.
    Bonne journée.

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