L’élection présidentielle dans une France de jaloux

Aaaah, finalement, qu’il fait bon vivre en France. Outre des paysages époustouflants, une cuisine de renommée mondiale, des vins et des fromages aussi variés que bons, un patrimoine culturel d’une richesse incroyable, le pays est aussi celui qui, depuis plus de 40 ans, a livré une bataille permanente et sans merci contre les inégalités. Et après toutes ces décennies de combats pied à pied, le résultat est là et personne ne peut le nier.

Grâce à la pluie drue de lois toujours plus précises et qui auront permis d’encadrer progressivement tous les aspects de la vie, depuis le téton jusqu’au sapin et même au-delà, la société française hérite à présent d’un cadre solidement construit, sans lequel il n’aurait pas été possible de mettre fin à toutes les discriminations, toutes les ségrégations et toutes les inégalités dont le pays était truffé jusqu’alors.

Rendez-vous compte : il n’y a plus de vagabonds ni de SDF dans nos rues, devenues à la fois propres et sûres. Le chômage, cheval de bataille pour tous les étatistes de plus en plus collectivistes qui se sont succédé depuis plus de 40 ans, a fini par disparaître dans un pays qui est maintenant regardé comme une locomotive du dynamisme mondial. Les entreprises, chouchoutées par une fiscalité légère, des normes adaptées et des politiciens compréhensifs, continuent d’aligner les performances les plus extraordinaires. Quant aux politiciens, émulés par un environnement tonique et une vitalité démocratique renouvelée, ils sont rapidement devenus des références en matière de probité, d’éthique et d’âpreté au travail.

Mmmh.

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Attendez, je regarde rapidement mes petites statistiques et les éléments en provenance directe du gouvernement qui indiquent clairement que ça va de mieux en … Ah, pardon, je regardais les courbes à l’envers.

Mmmh.

Il semblerait qu’en fait, chaque jour qui passe apporte son lot de catastrophes et de consternations.

Quand on y pense, c’est plutôt surprenant puisque le constat de base, celui d’une lutte sans merci contre toutes les discriminations et toutes les inégalités, reste, lui, parfaitement exact. De loin et en première analyse,tout se passe comme si plus on combattait les inégalités, et plus elles se développaient. Oh. Zut alors.

Un peu comme si on cherchait à imposer un cadre à la solidarité ; un peu comme si on forçait chacun à consacrer une part de son temps, de son travail ou de ses revenus aux autres, de façon bien évidemment non discriminante et tout ce qu’il y a de plus bisou-compatible ; et un peu comme si en réponse, chacun tentait par tous les moyens de réduire cette part obligatoire de don altruiste officiellement dirigé.

Que c’est étrange.

D’autant qu’en outre, chacun, ayant à cœur de faire allégeance à la doxa générale qui veut que, merde à la fin, on doit être toujours plus solidaire des autres, chacun comprendra que ce sont bien ces autres qui ne remplissent pas la part du contrat : si tout le monde ne joue pas le jeu de la solidarité, ça ne peut pas marcher !

Or, ça tombe bien : les politiciens ont des solutions pour ce problème. Ils ont toujours plein de solutions pour plein de problèmes, d’autant plus qu’ils créent les problèmes de façon industrielle. Et pour celui qui consiste à aider les autres, les politiciens ont LA solution. Il suffit d’obliger à aider ceux qui ne le veulent pas (les vilains), cet égoïsme ne pouvant avoir cours au pays de la solidarité.

Chacun se fera donc un devoir de voter pour le politicien qui offrira la panoplie de solutions les plus à même d’augmenter la contribution de tous, voire de traquer celui qui tente d’y échapper. De fil en aiguille, la demande d’égalité n’a pas cessé d’augmenter.

L’actuelle période électorale en est une illustration frappante où tous les candidats se réclament le plus bruyamment possible de la nécessité d’en finir avec les inégalités, les discriminations et les injustices décrétées par une société vraiment trop méchante. Et lorsqu’on évoque la liberté, c’est dans le contexte d’un encadrement, forcément strict, d’un État fort qui ne se laisse pas abuser.

Le constat de ces décennies de dérive n’est guère ambigu : tout ce qui peut introduire une disparité entre les individus est immédiatement pourchassé. Et comme, dans le monde réel, seule l’égalité en droit peut raisonnablement être atteinte, c’est par ce droit, des kilomètres de lois et des tombereaux de décrets, normes et autres règlements qu’on va égaliser tout le monde.

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Certains ont un job alors que d’autres sont au chômage ? Assurément, il n’y a qu’en ponctionnant ceux qui bossent qu’on recréera de l’emploi ! Et si on ne les ponctionne pas, on va diminuer leur nombre d’heures, ce qui en fera plus pour ceux qui n’en ont pas. C’est évident.

Les gens n’héritent pas tous, et certains héritent de beaucoup plus que d’autres ? Cette inégalité est insupportable. Vite, amputons ce qui peut l’être pour le redistribuer. C’est ainsi que les impôts sur la mort continuent de s’empiler en France, sans aucun espoir de les voir disparaître.

Certains parviennent à amasser des fortunes, pendant que d’autres croupissent avec de petits salaires ? Cette inégalité est un scandale. Vite, taxons et redistribuons ! C’est ainsi que l’impôt sur la fortune existe depuis plus de 30 ans et que personne n’osera y toucher dans ce pays.

Certains possèdent plus que d’autres ? Cette inégalité ne peut être que le fruit de basses-œuvres, de viles pratiques ou d’abus manifestes ! Qu’à cela ne tienne, taxons, ponctionnons et surtout sanctionnons puisqu’à l’évidence, même si tout ceci est légal, ça ne peut pas être moral ! C’est ainsi qu’à Paris, si vous avez une résidence secondaire, vous allez déguster !

Pour certains candidats, d’ailleurs, « S’enrichir est immoral, je vous le dit mes amis ! »

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Et voilà : il ne s’agit plus de droit, mais de morale, cette dernière permettant, drapée de justice et d’équité, de transformer la jalousie, la plus basse des motivations humaines, en nécessité publique adoubée par le vote démocratique.

Dans un pays normal, dans une société vraiment solidaire, le seul moment où l’on regarde dans votre assiette, c’est pour s’assurer que vous avez effectivement assez. Dans cette société, les politiciens se battent pour que chacun puisse la remplir, en laissant à tous la liberté dans la méthode, dans le respect du droit naturel.

Dans une société jalouse, tout le monde regardera dans votre assiette pour s’assurer que vous n’avez pas trop. Ce « trop » sera justement défini par les politiciens, avec une échelle toujours changeante. Dans cette société, chacun se bat pour avoir l’arbitraire trop-plein des autres.

En France, nous en sommes là : chacun des candidats présente la façon dont il va pouvoir extorquer, plus ou moins doucement, plus ou moins gentiment, plus ou moins moralement, l’argent des uns pour le distribuer, parfois, aux autres. Et ce, depuis plus de 40 ans. Comme en 40 années, les résultats ne sont pas là, c’est forcément qu’on n’est pas allé assez fort, assez loin, assez profond. On va donc remettre ça, encore plus.

Forcément, ça va bien marcher.

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