« La politique est une action au service d’une idée simple et forte, non une chorégraphie d’attitudes et de combinaisons menée par un ballet de figurants professionnels » disait le Général de Gaulle. Cette phrase résume parfaitement l’état de la France aujourd’hui. On serait bien en peine de savoir quelle idée « simple et forte » anime les politiciens professionnels qui encombrent l’espace public. Celui-ci est envahi, en revanche, par les postures, les impostures, les contorsions, les gesticulations du personnel politique. L’agitation médiatique a remplacé l’information. Le microcosme des VIP de la politique, de la presse et du show-biz vit dans sa bulle loin des préoccupations du peuple dont il parle, qu’il sermonne, et qui lui est de plus en plus étranger.
L’idée simple qu’évoquait le Général, c’est celle d’une France suffisamment forte, prospère pour être indépendante et garantir aux Français leur liberté et les conditions matérielles de leur droit au bonheur. Quelques soient les rodomontades présidentielles, les condoléances empressées et les marques de sympathie exprimées par nos alliés, la France est engluée dans une soumission de plus en plus insoutenable à la calamiteuse politique américaine, et bloquée dans une machinerie européenne dont elle risque de devenir la pièce défaillante. Elle avait soutenu la déstabilisation des régimes arabes organisée par les alliés sunnites des USA. Elle avait même joué les chevaux-légers de l’offensive en Libye et failli récidiver en Syrie. Toute honte bue et à peine penaude, la voilà qui cesse de considérer Bachar Al-Assad comme l’ennemi principal pour se tourner résolument contre l’Etat islamique. L’alliance avec l’armée syrienne n’est plus exclue. Le « boucher » dont on nous disait qu’il avait suscité « daesh » redevient le partenaire accueilli un certain 14 Juillet par Nicolas Sarkozy, comme Kadhafi l’avait été d’ailleurs. Il faudra un jour reconnaître que seul Poutine avait vu juste. Ce retournement peu glorieux a une cause immédiate, les attentats qui ont tué 130 personnes à Paris. Mais celle-ci ne doit pas cacher, sous les apparences d’une diplomatie rutilante et d’une visite au Charles-de-Gaulle, les méandres fangeux dans lesquels nos gouvernants conduisent la politique française. Une fois de plus nous suivons le virage américain. Acculés par des résultats économiques désastreux, notre gouvernement avait multiplié les courbettes devant les monarchies pétrolières sunnites et multiplié les propos admiratifs pour un islam qu’on laissait pénétrer en France sous sa forme la plus rétrograde. Pas de mot assez dur contre la dictature syrienne alors que nous affichions nos meilleurs sourires à l’intention de régimes bien plus éloignés au quotidien, de la démocratie et des « droits de l’homme. Désormais le « califat » de Mossoul fait peur aux émirs pétroliers, et quelques attentats plus loin, la France a viré sa cuti. Si on ajoute à cela le mensonge éhonté d’une coalition qui fait semblant de bombarder l’Etat islamique tandis que ses membres géographiquement les plus proches envoient leurs bombes sur d’autres, les Turcs sur les Kurdes, les Saoudiens sur les Chiites du Yémen, on prend la mesure de l’imposture assez misérable de la politique menée par notre pays, qui a été jusqu’à fournir des armes à la nébuleuse des rebelles syriens.
La seule idée simple et forte qui anime nos dirigeants est de s’accrocher à tout prix au pouvoir. Le reste est accessoire. L’engagement militaire légitime de la France contre l’islamisme en Afrique et au Moyen-Orient, a des causes peu reluisantes : l’anarchie que nous avons provoquée en Libye et le soutien improvisé au prétendu « printemps arabe » que nous avons déployé. Il a des conséquences ambivalentes : il justifie, et il faut s’en féliciter, la relance des dépenses de l’Etat régalien pour notre défense et notre sécurité. On cesse enfin de faire des économies faciles sur la « Grande Muette » contre tout bon sens. Mais on va aussi utiliser ce prétexte pour ne pas réduire nos déficits et notre endettement. L’argument auprès des Européens va porter, mais ce n’est pas la question. La réduction de nos déficits et donc de nos dépenses n’est pas un oukase de l’Europe, c’est d’abord un impératif national pour retrouver notre compétitivité. L’absence de volonté claire de nos gouvernements, la mollesse des réformes, les circonvolutions de nos politiques fiscales, comme en témoignent encore la baisse-augmentation du prix de l’essence ou tête-à-queue sur l’imposition locale des retraités modestes, ont fait de notre pays le cancre de l’Europe, le seul qui voit son chômage augmenter à un niveau jamais atteint depuis 18 ans (10,2%) alors que trois fées se penchent sur l’Europe : la faiblesse relative de l’Euro qui favorise notre balance commerciale, la dynamique d’un crédit à bon marché, et des prix de l’énergie très favorables aux consommateurs. La France est à la fois le pays qui crée le moins d’emplois marchands et celui qui prélève le plus d’impôts (45% du Pib). Les deux records sont liés. L’exception danoise pour les impôts ne doit pas tromper. La TVA sociale qui y est établie depuis 1988 taxe la consommation et non la production d’un pays qui s’est gardé de subir l’Euro fort en gardant sa monnaie. Les Danois viennent de confirmer à 53% leur défiance envers l’Europe.
La guerre contre le terrorisme islamiste aux côtés de nos vrais alliés, la Russie plutôt que la Turquie, est nécessaire, et pour l’instant encore insuffisante, mais elle ne doit pas masquer le combat tout aussi indispensable contre nos vieilles turpitudes et les gouvernants qui les cultivent. La France n’aura les moyens d’avoir une politique internationale indépendante et efficace que si elle se dote à nouveau d’une économie compétitive. Ce combat demande plus de courage aux gouvernants que l’autre.
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