Le Zemmour du vendredi. « Salvador Dalí prétendait en plaisantant que Perpignan était le centre du monde. Cette semaine, Lens l’a remplacé. En tout cas, comme centre de la France. Le chef de l’État lui même et tout ce que le pays compte de cultureux branchés a fait le voyage pour la ville nordiste. Et de se balader dans l’ancien chaos des mines, et de s’extasier et de se congratuler. Une idée de la droite chiraquienne mise en œuvre par les socialistes hollandais : c’est l’union sacrée des bonnes âmes. Dans ce paysage qui rappelait tant la révolution industrielle du XIXe siècle, on ne pouvait s’empêcher de songer aux dames patronnesses qui apportaient à l’époque un peu de réconfort aux plus démunis. Nos dames patronnesses d’aujourd’hui, de la rue de Valois, ont remplacé la religion par l’art qui, Malraux l’avait prophétisé, est le dernier refuge du sacré dans un monde sans Dieu. Jadis, on apportait les beautés de la religion à des miséreux qui travaillaient trop, désormais, on porte les beautés de la culture à des miséreux qui ne travaillent pas assez. Pendant des siècles, l’art fut l’ornement de la puissance et de la richesse des mécènes et des rois. Il est désormais la consolation des pauvres. Ils veulent du pain ? On leur donne de la brioche. La mondialisation a façonné une nouvelle géographie des riches et des pauvres : les vainqueurs de la nouvelle loterie sont les grandes villes et les ports, tous les autres peuvent crever, comme on le voit à Florange. En attendant, vous admirerez bien un beau Renoir ?
L’État n’arrive pas à endiguer ce flot trop puissant, il ne parvient plus à répartir équitablement les richesses au sein du territoire national. L’Europe lui interdit toute politique industrielle. D’ailleurs, la partie du rapport Gallois qui est consacrée à la politique industrielle est curieusement passée inaperçue. Alors, comme l’État a renoncé à aménager le territoire, Le Louvre est chargé de déménager ses chefs-d’œuvre. Les élus locaux ont l’occasion de montrer leur utilité mais aux frais de leurs contribuables : 155 millions d’euros payés avant tout par la région et les autres collectivités. Les pauvres payent pour les pauvres. Le socialiste Daniel Percheron rêvait d’imiter Bilbao et son fameux musée Guggenheim qui avait attiré des touristes et des devises dans l’ancienne zone industrielle sinistrée du Pays basque. Ah, le modèle espagnol… Ses 25% de chômeurs, ses milliers de m2 de logements vides, ses salaires en baisse ! Le Louvre à Lens donne raison à Michel Houellebecq qui, dans son dernier roman, annonçait à la France un destin de réserve touristique pour le monde riche de demain, de la Chine au Brésil, là où les usines fonctionnent encore. Un immense Disneyland mais… en moins vulgaire. Les descendants de mineurs et d’ouvriers chers à Zola deviendront au mieux gardiens de musée, garçons de café, vendeurs de bimbeloterie. Mais il n’y a pas de sot métier, que de sottes gens. Allez, vous reprendrez bien un petit bus de Rodin, un dernier Rembrandt pour la route avant de rentrer à Paris !”
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