Quand la démocratie représentative ne représente plus rien, il reste…

La crise politique actuelle nous invite à une réflexion de fond qui confine rien moins qu’à une remise en cause. Quand un président ne représente plus que quelques pourcents dans les sondages, quand l’Assemblée Nationale est désavouée par ceux-là-même qui l’ont élue, quand les régions et départements sont tenues par une majorité renversée, qui ces élus représentent-ils réellement ?

Nos démocraties, à la différence des régimes antiques qui pourtant nous servent de référence idéalisée, sont des systèmes représentatifs et non directs. Notre participation au pouvoir est déléguée. Nous ne décidons pas de nos lois directement, mais nous élisons des représentants pour voter ces lois. Or la crise de la majorité actuelle révèle combien ce système représentatif est anti démocratique. Sur la question du mariage dit pour tous, la plupart des électeurs de Monsieur Hollande disent ne pas l’avoir élu pour cela. Lui, faisant la sourde oreille estime avoir reçu caution de l’ensemble de son programme. Cet exemple national peut être démultiplié à l’échelon local.

La crise de la majorité actuelle révèle combien ce système représentatif est anti démocratique.

Nous pouvons avoir voté pour un candidat, parce qu’il se rapproche de nos convictions. Mais il en diffère sur certains points, plus ou moins essentiels. Cet élu représente-t-il réellement celui qui l’a mandaté lorsqu’il vote en contradiction avec ce qu’aurait voté son électeur dans une démocratie directe ? Il peut même arriver que ce représentant du peuple ─ qui ne représente déjà que ceux qui ont voté pour lui ─ ne prête sa voix qu’à une minorité de son propre électorat. Quelle est alors la légitimité de cette nouvelle loi passée par une succession de tamis toujours plus fins ? La réalité est que le système représentatif de nos démocraties, sanctuarise une oligarchie d’élus donnant au peuple l’illusion démocratique. Certes, le peuple peut sanctionner les élus en ne votant plus pour eux. Mais ce souverain aux mains liés ne pourra faire autrement que de déléguer à un autre oligarque son pouvoir. Or ce système représentatif consacre la déchéance de la souveraineté populaire, laissant la réalité du pouvoir aux élus et aux lobbys, faisant pressions sur ces derniers.

Quelle est alors la légitimité de cette nouvelle loi passée par une succession de tamis toujours plus fins ?

La démocratie représentative est finalement la nourriture même de l’hydre lobbyiste qui se trouve être, sinon de jure, du moins de facto, le détenteur de la réalité du pouvoir. Quel que soit le lobby, qu’il soit dénommé comme tel ou sous la forme de la pression médiatique, de chantages divers, il exerce des pressions sur les représentants d’un peuple mis à l’écart. Parce que le lobby pharmaceutique fait pression sur une poignée de députés, des lois de bioéthiques leurs ouvrent les voies de la manipulation génétique, le tout dans la plus grande légalité, puisque ces élus représentent le peuple souverain.

Au nom de cette souveraineté du peuple, un petit nombre d’oligarques en vient à conduire le pays contre la volonté même du peuple et ce en toute impunité, parce que la loi (votée par de semblables oligarques) non seulement les protège, mais les consacre. Ils sont la voix du peuple. Cette voix est sanctuarisée, alors même que le peuple souverain est muselé.

Qu’à l’issue de la Révolution Française on ait eu besoin de représentants pour converger vers la capitale, peut s’entendre. Comment faire voter tout le peuple d’un pays si grand, en même temps au même endroit, comme autrefois sur la Pnyx à Athènes (où ne votaient que les citoyens effectivement présents) ? Mais aujourd’hui les technologies modernes ne justifient plus cette confiscation, par une caste, du pouvoir du peuple. On rétorquera que le peule n’est pas assez formé, en des matières si compliquées, pour décider de toute chose. Certes, mais pour parcourir les couloirs de nos assemblées, je ne suis pas certain que nos représentants soient plus épargnés par cette ignorance crasse. En outre, cela conduirait, très certainement, à une énorme simplification législative et, en définitive, à une plus grande liberté de ce pauvre peuple bêlant que nos chers représentants, maintiennent bien artificiellement dans sa grégarité.

Le quinquennat Hollande, révèle, de façon peut- être salvatrice, les limites extrêmes d’un système qui confisque le pouvoir pour se maintenir lui-même. A l’heure où il est de bon ton de discréditer les politiques, voulant leur substituer de vertueux héros issus de la société civile, peut-être serait-il bon de redonner la politique à la société civile qui en a été privée. Car cette ligne Maginot entre société civile et politique est une aporie et une illusion qui oublie que tout acte civil est politique et que tout ce qui touche ce « vivre ensemble » est politique.

La distance actuelle entre les réalisations d’une majorité qui ne représente plus guère qu’elle-même, et les aspirations du peuple est la plus éclatante dénonciation de l’illusion démocratique de notre sacrosainte République, prétendue pourtant une et indivisible.

> Cyril Brun anime le blog Cyrano.net

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13 Comments

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  • la lorgnette , 8 novembre 2014 @ 10 h 16 min

    Tout dépend du degré de collusion consenti entre les journalistes et les politiques.

  • Pascal , 8 novembre 2014 @ 10 h 38 min

    Et donc ce n’est pas si simple. Cette question nous interroge depuis Rousseau et Sieyès.

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/05/31/l-opinion-maladie-infantile-ou-senile-de-la-democratie_1052180_3232.html

  • baldag , 8 novembre 2014 @ 13 h 23 min

    En deux ans, les socialistes ont vidé de son contenu le mot REPUBLIQUE!
    La démocratie, c’est bien mais tout dépend du sens qu’on lui donne. Or, en ce pays, nous trouvons démocratique de ne donner la parole qu’à des organisations telles que les syndicats de salariés actuels qui sont l’antithèse de la démocratie dans leur propre fonctionnement, qui ne représentent RIEN ni PERSONNE sauf eux!
    Et lorsque la parole est donnée à toute la population, c’est vite le chaos. Alors, entre les deux, il y a probablement la solution : en finir avec ce type de partis et de syndicats et en inventer un autre. Peut-être que cela peut passer par la réforme des territoires (régions, conseils généraux, communautés de communes, communes).

  • montecristo , 8 novembre 2014 @ 13 h 35 min

    Comme disait Coluche : « Si le vote servait à quelque chose, il y a longtemps qu’on l’aurait supprimé ».
    Même le référendum ne me convient pas.
    On a vu ce qu’ils font de l’opinion du peuple !
    Pour qu’il soit réellement efficient il ne faudrait pas le laisser appliquer par des politiciens.
    En ce moment, où nous emmènent-ils ? Vers la fin des races. La fin des Nations. La fin de notre identité. Ils veulent mélanger les cultures. Mélanger les peuples. Abolir les frontières. Métisser les êtres humains. Ils ne veulent plus de blancs, de rouges, de jaunes, de noirs. Ils veulent que toute la race humaine devienne grise. Au passage, ils veulent aussi nous faire changer de religion … Mais surtout, ils travaillent pour qu’une élite conserve le pouvoir dont on peut prédire qu’il sera mondial et technologique, si personne ne les arrête. Autrement dit, ils veulent que l’on devienne des robots sans esprit, sans cœur, sans âme.
    Ils vont dire qu’ils ont reçu mandat du peuple pour gouverner. Mais il est temps que le peuple leur signifie qu’ils n’ont pas été élus pour faire n’importe quoi.
    Il est temps que le peuple reprenne le pouvoir !

  • Xav , 10 novembre 2014 @ 9 h 09 min

    Que dites vous à ceux qui ont voté Hollande pour toutes les autres promesses qu’il n’a pas tenu ?

    Cet article ne fustige pas la démocratie, mais la démocratie représentative qui n’en est qu’un pâle ersatz et dérive nécessairement vers l’oligarchie (les anciens le savaient déjà, ils prenaient le temps de réfléchir avant de faire des conneries à l’époque)…

  • Tite , 11 novembre 2014 @ 12 h 25 min

    CAP 2006, je soumets à votre esprit d’analyse deux points que vous semblez ignorer :

    …”Or F. Hollande n’a pas non plus été élu à la majorité des votants, à la différence de F. Mitterrand : il n’a rassemblé que 48,64% des votants alors que Mitterrand représentait 52,06% des votants en 1981. F. Hollande a fait sur ce plan encore moins bien que J. Chirac en 1995 qui était le premier président de la Ve République à passer sous la barre de 50% des votants (49,50%). Vive la démocratie !”… Michel Geoffroy dans “Polemia” 10/05/2012

    et tiré d’une analyse du Figaro (et de bien d’autres) :

    le vote musulman pour F. Hollande est de 86%… (certains avancent 92% et d’ailleurs, le premier bain de foule du monsieur fut pour le quartier de La Goutte d’Or – il sait bien lui, grâce à qui il est aux affaires de l’Etat).

    Pensez-vous vraiment,(ajoutez à cela l’impopularité immédiate du bonhomme actuellement à 12% d’opinions favorables), que ce président est légitime et que ce système “démocrate républicain” qui ne fait depuis des années que “traficoter” les découpages électoraux soit un modèle de vertu ?

    L’honnêteté intellectuelle serait de reconnaître que depuis les fameux “cahiers de doléances” auquel le petit peuple n’a jamais eu accès au début de la révolution (lisez Philippe Pichot-Bravard), la république française et ses “valeurs” n’est qu’un ramassis de voyous et de menteurs qui vous font croire qu’ils vous ont “libéré” pour mieux vous contraindre…
    A bon entendeur…

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