Les organisations syndicales face au travail du dimanche : sont-elles contre l’emploi ?

David Marsalone/Flickr, cc

Nos sociétés évoluent plus vite que les mentalités : nouvelles technologies, nouveaux moyens de communication, d’information, nouveaux rapports aux temps et à l’espace. Ces évolutions aussi bien naturelles qu’artificielles peuvent être anxiogènes, particulièrement dans le cadre professionnel. Mais elles n’en sont pas moins inéluctables et nécessitent un accompagnement sur lequel les salariés doivent pouvoir compter.

De l’individualisme revendiqué à l’isolement subi 

Nous ne travaillons plus aujourd’hui comme avant. Derrière cette évidence se cachent de profondes mutations du monde du travail, dues pour partie à l’explosion des nouvelles technologies, mais aussi à l’évolution des comportements et des attentes des salariés, comme des consommateurs. Et ces changements ne connaissent pas de répit. De même que la marche du progrès semble inarrêtable, les changements sociétaux ne prennent pas de pause. Le salarié comme le consommateur demandent plus d’égalité dans l’accès à ce que notre société et nos modes de vie proposent, mais aussi plus de liberté dans ses pratiques de consommation ou dans l’exercice de sa profession. Plus individualiste qu’auparavant, le citoyen-salarié-consommateur s’arroge désormais le droit de décider en conscience des grandes orientations de sa vie personnelle et professionnelle.

Si sur le plan personnel, cette prise de conscience de l’individu ne va déjà pas sans mal, sur le plan professionnel, elle conduit bien souvent à l’isolement et à la solitude au sein d’un système reposant sur les rapports de force. Le salarié comme le consommateur peut se retrouver bien seul pour faire valoir ses droits et ses volontés auprès des autres parties prenantes au débat : gouvernements, institutions, administrations, patronats… Les associations de consommateurs n’ayant que peu de pouvoir ou de moyens de pression, hormis leur influence sur l’opinion publique et quelques actions en justice, c’est sur les organisations syndicales que reposent les espoirs d’accompagnement du changement. Mais le font elles réellement ?

Doit-on consommer le divorce entre syndicats et salariés ?

La question du travail dominicale et nocturne, et les débats houleux qui ont suivi, ont posé cette question de manière crue. Des salariés de Sephora à ceux de Leroy Merlin, Bricorama, en passant par les employés de la supérette de la gare Saint-Lazare, il est assez regrettable de constater d’une part que les salariés ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour faire avancer leurs revendications, mais aussi qu’ils sont tenus de contrer l’action de syndicats censés les représenter et les défendre. Avec un discours dogmatique, légèrement « vintage », sur la notion d’exploitation capitaliste, les syndicats se sont coupés progressivement des réalités du « terrain » et des préoccupations réelles des salariés. Le militantisme politique de ces organisations est le principal fait reproché, car cela les déconnecte des réalités quotidiennes des salariés, et de l’évolution de leurs revendications.

Les salariés des magasins concernés constatent l’inéquation d’une législation sur le travail dominical vieille de près d’un siècle avec les réalités d’un monde où la technologie numérique a tout bouleversé ; par contre ils demandent la prise en compte de leurs aspirations à plus de souplesse et de liberté de choix sur leurs horaires. Mais surtout, ils demandent à ce qu’on ne mette pas en danger leur pouvoir d’achat ou leur emploi. Si la direction de Sephora parle depuis plusieurs mois de « menace sur plus de 45 emplois », le directeur du Carrefour City de la gare Saint-Lazare est beaucoup plus affirmatif : « en cas de fermeture le dimanche, je serais obligé de licencier : les emplois de mes salariés qui ne travaillent que le week-end seraient supprimés ». En première ligne de ces destructions d’emplois, les étudiants et certains salariés qui n’ont pas le choix de leurs horaires de travail. Si les salariés deviennent les premières victimes de l’action syndicale, c’est que notre modèle est à changer.

Vers un renouveau du syndicalisme ?

La contestation de la forme prise par l’action syndicale n’est pas nouvelle. Quinze ans en arrière, un sondage mené auprès des salariés français dénonçait déjà des syndicats « insuffisamment représentatifs, trop dépendants des pouvoirs politiques, inefficaces, voire archaïques ». À l’époque, même le premier syndicat de France a songé à passer d’une « culture d’opposition à une culture de proposition ». Il faut croire que la volonté n’était pas suffisante. Il est par contre surprenant qu’une réelle remise en cause de l’action syndicale en France n’ait pas eu lieu. Car si la France est plutôt dans la moyenne haute du nombre de jours de grève par an, elle a le plus faible taux de syndicalisation de tous les pays européens : à peine 7 ou 8% de salariés syndiqués, selon des sources syndicales peu enclines à donner les véritables chiffres. Au niveau de l’OCDE, la France n’est battue que par la Turquie. Même les États-Unis comptent, en proportion, plus de salariés syndiqués que la France.

Pourtant la France a besoin de syndicats forts. Les salariés veulent être défendus. Mais ils attendent des syndicats « modernes, prestataires de services » et « coupés leurs racines militantes ». La baisse constante des effectifs syndiqués n’a rien d’une fatalité. Elle prendra fin le jour où les syndicats reprendront leur rôle initial de représentation et de défense des salariés, dans l’intérêt exclusif de ces derniers.

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25 Comments

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  • ranguin , 7 novembre 2013 @ 7 h 57 min

    Elles sont surement contre l’emploi. Notre société se veut laïque. Qu’elle le soit.
    Pourquoi s’arrêter sur un jour de congé qui ne serait que le dimanche ? Pourquoi ne pas travailler tous les jours avec deux jours de congés consécutifs ?
    Je ne comprends pas cette manie des syndicats d’être aussi rétrogrades. La France étant la fille aînée de l’Eglise, le dimanche était le jour du seigneur. Aujourd’hui les syndicats ont conservé le dimanche, mais aujourd’hui le dimanche est devenu le jour des “saigneurs” les syndicats tuent le travail.

  • FR , 7 novembre 2013 @ 9 h 30 min

    Si je vous suis bien, en généralisant cette logique, il faudrait aussi travailler à Noël et le jour de Pâques pour pouvoir relancer la croissance et l’emploi, sous peine d’être taxé de ringardise et d’irresponsabilité ?

    Alors ? La France peut-elle encore se permettre de garantir cette vie de famille qui s’oppose frontalement à la liberté d’entreprendre, et aux revendications des consommateurs parisiens de jouir sans entraves ? Les responsabilités familiales sont-elles dépassées, à l’heure du mariage pour tous ? Les emplois dans la grande distribution doivent-ils être préférés aux emplois (familiaux) du monde de la boutique ? Les moines contemplatifs sont-ils des assistés, ou des traîtres à l’effort de redressement national ?

    Vaste problème. Qui ouvre de formidables perspectives de rapprochement UMP-UDI-PS-FDG-EELV-NPA.

    Pour moi, en ce qui me concerne, je ne marche pas. En bon vieux catho passéiste, je persisterai à m’opposer au Progrès, et continuerai d’obéir à mon très passéiste Seigneur et Maître.

    Non possumus !

  • Jean Dutrueil , 7 novembre 2013 @ 11 h 37 min

    Quand un article me plait je le dis mais quand il ne me plait pas je le dis aussi et celui-ci fait partie de la deuxième catégorie. Pourquoi?

    1) Marc-Aurélien Roux doit faire des études de sciences po ou autre école molle et relativiste. On connait par cœur leur petit livre rouge :”Nos sociétés évoluent plus vite que les mentalités : nouvelles technologies, nouveaux moyens de communication, d’information, nouveaux rapports aux temps et à l’espace”.

    Toujours le mouv, le changement, l’évolution du aux nouvelles technologies considérées comme un Progrès malgré les hordes de zombies qu’il engendre appelés pudiquement par le Système “Consommateurs”

    mais a) si on y regarde de plus prêt c’est en période de guerre depuis l’aube des temps que la majorité les grandes découvertes ont eu lieu et que depuis la paix bourgeoise et ennuyeuse des années 70 (après guerres de colonisations) on n’a rien vraiment créé, mais simplement perfectionné les créations (quelle différence profonde enter un Iphone 5 et un Iphone 4?)

    b) ce qu’un grand nombre de catho bourgeois du 16ème ou du 7ème arr de Paris ( que je dissocie bien du catho paysans du péri urbain ou rural et du catho aristo qui a une vision plus sacrée de la vie) soulé à la métaphysique de l’illimité issu de la conception judéo-chrétienne de la Terre objet n’arrive pas à comprendre est que ce sont les ressources énergétiques qui créent la technologie et non l’inverse.

    Or il y a un tarissement des ressources qui ne pourront désormais plus être autant gâchés par la société de consommation. Ce n’est pas moi qui le dit mais 1) les armées américaine, britannique et allemande 2) les banques goldman sachs et HSBC, qui financent les forages pétroliers 3) TOTAL, dont beaucoup d’anciens directeurs de géologie de l’entreprise, l’AIE, etc.

    Et que pour eux le nucléaire est une énergie de sortie de l’énergie car le socle de base du monde moderne est le pétrole et non l’électricité

    Donc: nous allons nous retrouver à l’image (et non exactement) d’avant l’ère carbo-pétrolière. Notre passé, éco-systèmiquement, de droite est notre futur, l’ère carbo-pétrolière gauchiste est en train de disparaitre progressivement jusqu’à la fin de ce siècle.

    Donc au lieu de prôner le travail dominical, sans le dire vraiment car on est catho, il serait préférable de prôner la messe le dimanche matin, à l’heure et bien habillé plutôt que le soir la tête enfarinée après une journée de boulot ou surtout une soirée arrosée la veille.

    Ce n’est pas un hasard si Vatican 2 correspond au décrochage économique des pays occidentaux, même si ce n’est pas l’unique cause. Ce sont les valeurs spirituelles qui créent la dynamique notamment économique. Le redressement d’un peuple se fait par un redressement spirituel, le reste sera donné en surplus, regardez la Russie.

  • J. Elsé , 7 novembre 2013 @ 11 h 44 min

    Quelques remarques :
    1 – Ouvrir nuit et jour toute l’année est le meilleur moyen d’achever de détruire les rares commerçants indépendants encore vivant et qui sont les seuls à encore essayer de concurrencer les grands groupes de distribution.
    2 – Travailler en horaire décalé, savez-vous ce que c’est : perturbations physiques, morales et psychiques, demandez à ceux qui y sont passés.
    3 – Travailler plus pour payer plus (impôts, garde d’enfant, etc…).
    4 – Si les grandes surfaces de distribution augmentent l’amplitude horaire d’ouverture, les acheteurs auront-ils automatiquement plus d’argent à dépenser ?

  • scaletrans , 7 novembre 2013 @ 12 h 13 min

    Il faut remarquer que jamais les syndicats n’ont été des défenseurs du monde du travail. Un nouveau témoignage éclatant nous en est donné par le comportement de la CGT vis à vis de la manifestation de Quimper.
    Ces organismes cancéreux entés sur le corps social Français sont l’antithèse de la défense du monde du travail.

  • LUC+ , 7 novembre 2013 @ 13 h 16 min

    Syndicats !!! Des mafieux ni plus ni moins !

  • LUC+ , 7 novembre 2013 @ 13 h 17 min

    Dieu n’est pas un Alibi mon ami !

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