La défaite de Mitt Romney devrait donner lieu à une remise en question chez les conservateurs. Pour Jonathan S. Tobin, de la revue Commentary, ceux-ci ne doivent pas se méprendre : les points forts d’Obama sont les premiers facteurs de leur défaite.
Par Jonathan S. Tobin — Durant la majeure partie de ces deux dernières années — voire de ces quatre dernières années — de nombreux conservateurs et républicains ont affirmé que Barack Obama ne pourrait être réélu. Une économie pauvre, un programme impopulaire progressiste prenant le pays à la gorge et un style de leadership peu inspirant se sont combinés pour répandre, à droite, la certitude que l’élection de 2012 serait aisée. Nous savons maintenant ce que certains d’entre nous soupçonnaient depuis longtemps : les républicains ont considérablement sous-estimé la capacité du président à s’imposer comme figure historique.
L’autopsie sur l’échec républicain se poursuivra jusqu’en 2016, mais les critiques au sein du parti risquent de manquer l’essentiel. Leur gros problème n’était pas la modération de Romney (la théorie favorite de la droite), l’influence du mouvement Tea Party (l’interprétation habituelle des progressistes), le fait de ne pas avoir sensibilisé les Hispaniques (bien qu’ils aient besoin de s’attaquer à ce problème), l’incapacité de Romney à faire campagne contre le projet de santé d’Obama, son choix de ne pas parler davantage de lui-même et de laisser les démocrates le définir, ou encore la décision de ne pas marteler Obama davantage sur le fiasco de l’attaque de Benghazi ou même sur l’ouragan Sandy.
Le principal obstacle à une victoire républicaine était que la GOP cherchait à vaincre le premier président afro-américain, soutenu par les principaux médias, renforcé par le pouvoir de sa fonction et par une organisation de campagne extrêmement efficace. Contrairement à l’illusion qui voudrait qu’Obama soit un perdant en attente d’être mis à terre, le battre ne pouvait être qu’un travail de longue haleine. Bien que le GOP s’apprête à passer une grande partie des prochaines semaines, des mois et des années à venir, à se battre les uns contre les autres et à s’attribuer le blâme de la défaite, le fait est que Romney n’a pas démérité, frôlant la victoire. Plutôt que de s’interroger sur ce que les républicains auraient pu mieux faire, les analystes conservateurs feraient mieux de regarder les points forts du président.
La plupart des conservateurs étaient prêts à reconnaître que la majorité des Américains est toujours heureuse à l’idée de corriger, par l’élection d’un Afro-Américain, certains torts historiques. Mais ceux-ci n’ont pas réussi à comprendre qu’au moins la moitié du pays n’était pas prête à le virer du bureau ovale après un seul mandat, bien que l’action de l’administration Obama n’ait pas été largement considérée comme un grand succès.
En tant que Président en exercice, Obama a réussi à s’attribuer le mérite de choses dont il ne mérite pas vraiment les applaudissements, comme la mort d’Oussama ben Laden ou même la réponse à l’ouragan Sandy dans les derniers jours avant l’élection. Il a également pu compter sur le soutien sans faille de la plupart des médias, même quand il a été gêné par les évènements, comme en Libye (l’attaque de l’ambassade américaine à Benghazi, ndlr).
Ce sont ces points forts que de nombreux républicains n’ont eu de cesse d’écarter ou d’ignorer complètement.
Parce que la défaite est serrée, alors que l’économie américaine est encore stagnante, de nombreuses personnes vont naturellement spéculer sur ce que Romney et son équipe auraient pu faire. Ils auront raison de faire remarquer qu’il aurait dû riposter immédiatement aux insultes visant son caractère, qui étaient l’une des rengaines relayées par les Démocrates au début de la campagne d’Obama. Un effort parfait du GOP serait peut-être parvenu à arracher ce 1% qui aurait permis de faire basculer certains États et d’élire Romney. Cela continuera de tourmenter les conservateurs, alors que l’ObamaCare sera mise en œuvre et que Barack Obama continuera de gouverner à gauche de l’échiquier politique.
Mais même ses critiques les plus sévères doivent admettre que Romney a mené une campagne honorable. Il a été en mesure d’utiliser les débats télévisés pour rendre la course plus serrée. Il est même parvenu à prendre les devants dans certains sondages au cours du mois dernier. Les critiques doivent aussi reconnaître que l’hypothèse selon laquelle l’électorat en 2012 serait très différent de ce qu’il était en 2008 était erronée.
Mais nous ne devrions pas écarter les bonnes nouvelles pour le GOP. Contrairement à ceux qui prédisent qu’il existe une majorité démocrate permanente, les circonstances de 2012 ne seront pas répétées dans quatre ans. Obama aura disparu en 2016 et tous ceux qui pensent que Joe Biden, Mario Cuomo, ou même Hillary Clinton ne connaîtront aucune difficulté contre les républicains qui sont encore assis sur le banc des remplaçants et qui s’apprêtent à entrer en jeu se méprennent sur la nature de la politique américaine.
L’essentiel, c’est que Barack Obama a remporté l’élection de 2012 beaucoup plus que les républicains ne l’ont perdue. Obama est peut-être un Président remarquablement dépourvu de succès (il est le premier à se faire réélire aussi faiblement), mais il n’a jamais été le bouc émissaire que la plupart des conservateurs ont imaginé. Les conservateurs ont vécu ces deux dernières années, depuis la victoire aux élections de mi-mandat en 2010, dans une grave illusion sur les forces politiques du président. C’est une terrible mise en cause de leur sens politique, mais cela n’affectera pas leurs chances dans quatre ans… quand le nom Obama ne figurera plus sur le bulletin de vote.
Titre original : The Conservatives’ Obama Delusion. Traduit de l’Anglais par Le Bulletin d’Amérique avec l’aimable autorisation des éditeurs.
Cet article est publié en partenariat avec Le Bulletin d’Amérique.
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